vendredi 30 décembre 2011

Prisons et paradis de Colette


 Ce livre de Colette se compose d'une série de textes disparates, regroupés en cinq chapitres. Le premier, Paradis terrestre, affiche dix descriptions d'animaux divers, du serpent à la chienne bull. On y retrouve l'amour immodéré de Colette pour les bêtes, qu'elles rampent, qu'elles volent ou qu'elles feulent... La panthère devient sous sa plume "feu noir, un cratère rose, deux phares d'or, des griffes lumineuses, un crâne de chat, petit, aux oreilles couchées, invisibles dans la colère...". Le deuxième chapitre, intitulé La Treille muscate, compte les deux textes éponymes, les plus beaux du recueil selon moi, mais également un récit sur les Vins, un autre sur les Fleurs ou sur La Bourgogne. Je vous propose un extrait du début de la Première treille muscate, petite merveille de poésie qui évoque sa résidence secondaire située à Saint Tropez. Elle l'achète en 1925, après avoir rencontré Maurice Goudeket, qui sera son dernier mari et qui va lui faire aimer le sud de la France. Elle y invitera, entre autres, Kessel et Segonzac.
" Il a fallu, pour la trouver, que je me détachasse du petit port méditerranéen, des thoniers, des maisons plates, peintes, rose bonbon fané, bleu lavande, vert tilleul, des rues où flotte l'odeur du melon éventré, du nougat et des oursins. (...) J'oubliais, c'est vrai, de vous dire que la mer limite, continue, prolonge, ennoblit, enchante cette parcelle d'un lumineux rivage, la mer que colore et pâlit, selon l'heure, l'astre qui l'élance, à l'aube, d'un Est froid et bleu, pour périr le soir dans une écume de nues longues et légères d'un rose furieux."
Viennent ensuite une série de Portraits, puis trois textes sur l'Algérie, et enfin, une série de Notes marocaines. Dans la galerie des Portraits, celui de Landru, peut-être rédigé pour un journal car je sais qu'elle a couvert son procès, sort du lot et nous révèle une Colette plus grave qu'à l'accoutumée, irritée par le comportement de meute de ceux qui viennent assister à l'hallali du meurtrier, avant même que justice ne soit rendue. Ses questionnements sur les indices de la cruauté restent très actuels... comme ses remarques sur les méfaits du tourisme. Voyez comme ce texte sonne encore si juste aujourd'hui :
"Ahmed interrompt d'un signe notre compagnon et baisse discrètement, sur ses prunelles couleur de café foncé, ses paupières couleur de café clair. Il est tout jeune et retors. Ses grands yeux ne parlent pas, mais sa bouche de quinze ans sait grimacer à l'européenne pour exprimer la ruse, le dédain, la moquerie, et sourire trop. Ce n'est pas sa faute. Il guette les touristes, les guide, écoute de basses plaisanteries de banlieusards qui se paient maintenant trois jours de désert comme autrefois un après-midi de canotage sur la Marne... Il se frotte à nos défauts, à nos ridicules. Il les imiterait, si le burnous ne contraignait à la majesté orientale son corps d'adolescent maigre. "
J'ai regretté, dans cette édition du Livre de Poche, l'absence de préface. Aucune information sur la composition du recueil. Pourquoi ce titre ? Si "paradis" s'explique aisément, pourquoi "prisons" ? Je n'ai pu résister à la tentation d'aller chercher quelques réponses afin de voir si elles collaient à mes hypothèses... La société des amis de Colette propose ici une très bonne introduction à cet ouvrage qui reste à lire... et à relire !


mercredi 28 décembre 2011

K. 622 de Christian Gailly


Afin d'honorer mes engagements côté "challenge", j'ai décidé d'acheter un livre que je convoitais depuis un certain temps, K. 622 de Christian Gailly. Il s'agissait d'inaugurer enfin ma participation au défi Des notes et des mots. Intention louable, vous en conviendrez, mais au résultat moins enthousiasmant que prévu. Pour autant, mon avis reste partagé à propos de ce roman.

Il y a du bon...
Le début de la lecture a été fort stimulant, et ce pour deux raisons. La thématique abordée n'est pas d'aujourd'hui mais reste indémodable : comment retrouver l'émotion liée à une "première fois" et/ou au contact avec la beauté ? Que reste-t-il de ces moments indéfinissables qui restent en nous, gravés, souvent parce qu'inattendus ? Peut-on retrouver ne serait-ce qu'une infime part de la force originelle de ces émotions ? Ici, l'émotion est liée à l'écoute d'un concerto de Mozart, celui "dont le chiffre apparaît sur la couverture", le concerto pour clarinette en La majeur. Le narrateur, après avoir entendu l'oeuvre durant une froide nuit d'hiver, va tenter avec acharnement de retrouver les sensations liées à ce moment nocturne. Mais... "Les conditions de l'émotion ne sont pas l'émotion, les conditions de l'émotion ne sont que le décor de l'émotion, et s'il est possible, toujours possible de reproduire le décor extérieur, le décor intérieur, lui, n'est pas reproductible, il change à vue (...)".
Ce narrateur qui dit "je" va alors partir en quête de cette émotion. Il achète tout d'abord des interprétations de l'oeuvre, puis décide d'assister à un concert. Sa quête devient centrale et occupe l'ensemble de l'ouvrage comme elle envahie la vie du personnage. Celui-ci s'empêtre bientôt dans un achat de costume qui se transforme en scène à la Tati, avant que l'achat du billet pour la soirée de concert se transforme en véritable montée de l'Evrest. Enfin, à l'opposé de la légèreté du concerto tant convoité, chaque épisode de sa vie semble s'effondrer lourdement.
Ensuite, le style m'a interpellée. Proche de la langue orale, il reste toutefois travaillé. Le point de vue interne amène le lecteur au plus près des errances mentales du personnage et de l'impossibilité dans laquelle il se trouve d'arriver au bout de sa quête. Le lecteur est prévenu dès les premières pages : il s'agit d'une "épreuve" qui sera "extrêmement pénible". Cela s'avère vrai, surtout à partir de la deuxième partie de l'ouvrage... 


Et du moins bon
Alors que Christian Gailly aurait pu proposer une véritable réflexion sur un sujet qui mérite bien que l'on s'y attarde, il se perd dans une fiction qui vire au pathétique. Ainsi, alors que le personnage principal se trouve dans une cabine d'essayage, toujours à la recherche du costume perdu, une certaine Janine ouvre brusquement le rideau :
"Une seconde ! hurle-t-il encore à moitié nu, puis de rage, il lui saisit le bras et l'attire avec force contre lui à l'intérieur de la cabine, la  grande blonde pousse un cri bizarre, entre stupeur et terreur, il la laisse ressortir et referme le rideau".
On découvre ainsi que l'absence d'un concerto peut provoquer un syndrôme de manque aux effets pour le moins inattendus... mais franchement ennuyeux pour le lecteur qui attend de pied ferme autre chose que la description d'un pauvre type qui n'arrive plus à enfiler son pantalon... 
Enfin, le pire arrive dans la deuxième partie du roman où il semblerait que le style se limite à la répétition mécanique de certains mots. Ainsi, le verbe dire se trouve à l'honneur de la page 78 :
"Je ne comprends même pas que l'on inscrive des oeuvres différentes d'un même compositeur au programme d'un même concert, dit-il à l'homme.
Moi non plus, dit l'homme.
En somme je ne comprends pas grand-chose, dit-il à l'homme.
Ma femme non plus, dit l'homme, le mari de l'aveugle. Que voulez-vous dire ? dit-il au mari de l'aveugle. Ma femme aussi, dit le mari. Que voulez-vous dire ? redit-il au mari de l'aveugle."....
Un verbe ça va, deux bonjour les dégâts... à neuf, on frôle l'overdose ! Je n'ose gloser sur le(s) sens cachés de cette répétition... Mais vous remarquerez que l'élan créatif qui sourd de l'ensemble en a fait disparaître les signes de la ponctuation habituellement associés au dialogue. On solde ! Et on s'ennuie ferme... alors que l'on aurait sans doute pu s'amuser.
En effet, l'avertissement au lecteur avait le mérite d'être clair : "je souhaite tout partager avec le lecteur, dont je suppose qu'il partage ma répugnance pour les récits nickel au passé simple, je ne vais rien changer, je vais livrer le tout tel quel." A trop vouloir livrer le tout "tel quel", on a franchement l'impression que la livraison a été bâclée. Alors, certains me diront que la quête était vouée à l'échec... peut-être, mais la mise en forme de ce ratage annoncé, à mon sens, perd sens et cohérence au point de tout faire oublier, jusqu'à l'essentiel, le plaisir de lire...

Les avis de Lucie et de Minou.

mardi 27 décembre 2011

Repos

Tom Newsom

C'est chez Lali que j'ai découvert cette illustration et elle tombait à merveille ! En effet, on parle beaucoup de ce travailleur de la nuit lorsque il est en activité... mais que croyez-vous que fait le père Noël lorsqu'il a enfin terminé sa longue tournée ? Des heures supplémentaires ? "Travailler plus pour gagner plus (ou moins...)" serait sa devise ? Non non non, en voilà un qui a compris depuis longtemps, même sans être un actif militant de la CPN (la Confédération des Pères Noël), que tout travail mérite salaire ET repos. Alors, entouré de sa marmaille animale, il dort, il lit, et il sirote un bon thé de Noël ! Je souhaite à tous ceux et celles qui ont travaillé durant la nuit de Noël ou le 25, à tous ceux qui vont oeuvrer la nuit du 31 ou le 1er janvier, un repos aussi doux ;-)

lundi 26 décembre 2011

C'est lundi, que lisons-nous (26)



Lu durant la semaine écoulée
Où l'on apprend pourquoi je ne rédigerai pas un billet... 

- Histoires bizarres de Balthazar de Chris Mould


- Traces de Philippe Delerm ou la littérature chamallow... C'est doux, sucré, mou, cela fond dans la bouche, sans aspérité aucune. Cela peut faire du bien parfois, mais que de mièvrerie !... Aussi vite lu, aussi vite oublié. Je ne rédigerai pas de billet à propos de ce livre et j'envisage sérieusement de l'échanger contre quelque chose de plus "consistant". Alors que je faisais part à M. Margotte de ma déception concernant le livre en question, j'évoque la référence à La première gorgée de bière (je sais maintenant pourquoi je ne l'ai pas lu) et lui de me répondre :
- Il aurait dû boire le reste, cela serait sans doute plus drôle !
Vous allez me dire que M. Margotte n'est point un grand critique littéraire, certes certes, mais je dois dire que je suis assez d'accord avec cette analyse ;-)


- K 622 de Christian Gailly. Une deuxième déception... mais cette fois-ci, vous aurez droit à un billet car il le vaut bien ;-)


Mes lectures en cours

Prisons et paradis de Colette : où l'on trouve La treille muscate, un superbe texte... J'en oublie déjà les deux déceptions précédentes !
 

Et vous, que lisez-vous ????

dimanche 25 décembre 2011

Les dimanches en photo (34) - La mouette rêveuse

 
En ce jour de Noël, je vous laisse avec une mouette rêveuse. Elle contemplait l'eau alors que je m'avançais pour faire ma photographie, sans se soucier le moins du monde de ma maladroite tentative d'approche... J'espère que le père Noël a été généreux et vous souhaite à tous et toutes une excellente journée !


Les dimanches en photos sont aussi chez : 

vendredi 23 décembre 2011

Histoires bizarres de Balthazar de Chris Mould


Si certains d'entre vous sont à la bourre en ce qui concerne les cadeaux de Noël pour leurs chères petites têtes blondes, qu'ils n'hésitent pas à investir dans le premier tome des Histoires bizarres de Balthazar ! Comme vous pouvez le voir sur la première de couverture, un loup-garou traîne dans le coin... Mais tout commence par l'arrivée d'une clé. Balthazar reçoit un jour un colis : dans celui-ci, une clé qui mène à de bien sombres secrets... brrrrrr ! Avec la clé, une lettre annonce à notre jeune héros de onze ans qu'il vient d'hériter d'un domaine portant un nom bizarre autant qu'étrange : la Roche-crampon.  Balthazar se rend sur l'île où se trouve le manoir dont il se retrouve propriétaire. Sa première prise de contact avec son héritage sera la vision d'une potence où sèche un vieux squelette ! Cela présage de bien sinistres aventures... que je vais bien me garder de vous dévoiler. Ce livre est un vrai coup de coeur ! Avant tout pour l'association du texte avec les illustrations de l'auteur. Les Anglais, décidément, sont très fort dans ce domaine... On retrouve ici l'ambiance fantastique de L'île du crâne (pour ceux qui connaissent), avec une tonalité humoristique certaine. Le texte est moins travaillé que chez Anthony Horwitz, le suspense moins présent, mais les illustrations se regardent vraiment avec plaisir et je ne me suis pas ennuyée une minute.


"Lecake tomba à quatre pattes. De sinistres craquements d'os résonnèrent dans la nuit tandis qu'il prenait la forme d'une bête monstrueuse. Il se couvrit de poils et son dos s'élargit. Balthazar recula, épouvanté. Le visage du vieil homme venait de se changer en une gueule munie de dents acérées. C'était terrifiant ! En quelques minutes seulement, Lecake était devenu un loup immense et menaçant. Il haletait, épuisé par tant d'efforts. Un tas de vêtements en haillons gisait à ses pieds. Un filet de bave coulait de sa mâchoire entrouverte."






mercredi 21 décembre 2011

C'est l'hiver !

Aujourd'hui, nous voilà en hiver... saison froide et parfois bien morne. Alors, pour se réchauffer, quoi de mieux qu'un p'tit challenge ? Oui, je sais, c'est tout à fait déraisonnable, mais je précise quand même que j'ai honoré le challenge "Françoise Sagan" avec brio (ben quoi, c'est vrai non ?) et que ce dernier étant bientôt terminé, je peux le remplacer par un autre... 


Nadaël nous propose donc de faire défiler, au fur et à mesure de l'année 2012, les saisons et de les agrémenter de lecture liées aux saisons en question... Tous les genres sont acceptés : romans, BD, essais, albums, le principal étant que l'ouvrage ait un lien avec une saison. Par exemple, l'hiver peut s'associer avec Le voyage en hiver d'Amélie Nothomb. J'ai commencé dans l'après-midi avec L'été 79 mais c'est promis, je vais maintenant m'atteler à l'hiver qui ne me fait pas peur ! Nadaël nous propose une liste d'ouvrages ici (pratique non ?).
Il y a quatre niveaux possibles pour les blogueurs toujours enthousiastes ;-)
  •  Basse saison : Lire un à deux ouvrages sur les saisons de votre choix.
  •  Haute saison : Lire trois ouvrages sur les saisons de votre choix.
  •  Belle saison : Lire quatre ouvrages ou plus sur les saisons de votre choix.
  •  Quatre saisons : Lire un ouvrage sur chaque saison.