dimanche 22 mai 2016

Les trois lumières de Claire Keegan


     Quelle merveille ce petit roman irlandais ! Commencé hier soir, terminé ce matin au petit déjeuner, il a illuminé le début de ma journée et rarement un titre ne m'aura autant semblé adapté à un livre. Car voici un récit totalement nimbé de silences et de lumière. Tout est suggéré en douceur, y compris lorsque les situations sont dramatiques. 
   Nous sommes dans la campagne irlandaise, à une époque qui paraît presque indéterminée. Un dimanche, par une journée chaude, après la messe, un père conduit son enfant vers une famille inconnue. Écrit à la première personne, le roman nous propose un monde vu au travers du regard de la petite fille tressée qui, sur la route, s'attarde sur "le ciel bleu (...) garni de nuages crayeux". Peu de paroles échangées entre le père et la fille et il en sera de même lorsque la fillette arrivera chez les Kinsella. C'est donc petit à petit, et par hasard, que l'enfant, durant l'été, va découvrir les zones d'ombre qui habitent la maison de ce couple sans enfants. 
   J'ai évoqué au début de ce billet le silence. C'est peut-être ce qui m'a le plus frappée à la lecture de ce roman. A une époque où les flux d'informations - et de paroles - nous ensevelissent sous des propos parfois vides de sens, ce court récit que je qualifierai bien de nouvelle, redonne du poids aux mots prononcés. Peu nombreux, associés à des gestes évocateurs, ils se lestent d'une force aérienne. Voyez cet extrait qui condense la tonalité de ce roman que je vous invite vivement à découvrir :
"Nous plions mes vêtements et les rangeons à l'intérieur, avec les livres que nous avons achetés chez Webb à Gorey : Heidi, What Katy Did Next, La Reine des neiges. Au début, je n'arrivais pas à déchiffrer certains mots compliqués mais Kinsella plaçait son doigt sous chacun d'eux, patiemment, jusqu'à ce que je les devine, puis je l'ai fait toute seule jusqu'au jour où je n'ai plus eu besoin de devenir, et où j'ai continué ma lecture. C'était comme apprendre à faire du vélo : j'ai senti le mouvement, la liberté d'aller à des endroits où je n'aurais pas pu aller avant, et c'était facile."
Claire Keegan
Claire Keegan est membre de l'Aosdána, une organisation irlandaise de promotion des arts. Elle a publié trois ouvrages : L'Antarctique, Les Trois lumières et A travers les champs bleus, un recueil de nouvelle paru en France aux éditions Sabine Wespieser. Elle est traduite de l'anglais d'Irlande par Jacqueline Odin. 

L'avis d'Aifelle (nous avons choisi exactement le même extrait sans nous concerter...) et de Luocine.

jeudi 19 mai 2016

Do you like a cup of tea ? ou le mois anglais


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     Ce qu'il y a de bien avec Étonnants voyageurs, c'est que cela donne envie de partir voir ailleurs si le ciel est plus bleu. Pas sûr que cela soit en Angleterre que l'ambiance climatique soit aux tonalités céruléennes, mais j'ai quand même décidé de participer au mois anglais de Lou et Crissilda. Cela se limite à un seul mot d'ordre : fêter l'Angleterre sur nos blogs. Chacun(e) est libre de proposer un ou des billets et de nombreux rendez-vous sont prévus pour pimenter l'affaire : 

Un roman qui se passe à Londres - également LC du Blogoclub de Lecture (titre retenu par le Blogoclub : "Black-out " de John Lawton) : 1er juin

(Vieilles) dames indignes ou indignées - Willa Marsh, Mary Wesley, Nancy Mitford, Barbara Pym, Agatha Christie, Elizabeth Taylor, Stella Gibbons... : 3 juin

Meurtre à l'anglaise (ou plus prosaïquement Polars anglais) : 5 juin

Autour de Jane Austen (romans, adaptations, biographies, austeneries...) : 7 juin

Campagne anglaise (lectures ou films se déroulant principalement à la campagne ou dans de petits villages anglais, photos de voyage...) : 9 juin

Auteurs anglais d'origine étrangère : 11 juin

Connie Willis, “Sans parler du chien” : 13 juin

Victoriens anglais (Les soeurs Brontë, Wilkie Collins, Dickens, Gaskell, George Eliot, Thackeray, Trollope...) :  15 juin

Sherlock Holmes, l'original et les produits dérivés (les titres/films mettant en avant Arthur Conan Doyle rentrent aussi dans cette LC): 17 juin

Rois et Reines d'Angleterre : 19 juin

Un écrivain contemporain au choix : 20 juin

Angela Huth :  21 juin

George Orwell : 23 juin

Théâtre anglais, tous siècles confondus (Shakespeare, Elisabéthains, Tom Stoppard, Nell Leyshon...) : 25 juin

Anita Brookner : 27 juin

Agatha Christie : 28 juin

Littérature enfantine ou adulescente ou adaptations sur grand et petit écran (Winnie, Beatrix Potter, Paddington Bear, Gruffalo, Neil Gaiman, Harry Potter, Roald Dahl, Mary Poppins...) : 29 juin

   A l'heure où je rédige ce billet, je n'ai absolument aucune idée de ce que je vais lire pour le mois en question, ça commence bien me direz-vous... Mais comme les organisatrices invitaient à confectionner un logo, j'ai immédiatement activé mes petites mimines et voici celui que je propose (et en plus, je suis très contente de moi...) :


Enfin, j'envisage quand même de lire peut-être un Jane Austen et j'aimerais bien aussi lire une pièce de Shakespeare afin de coupler avec le challenge Shakespeare et celui sur le théâtre. Si vous avez des idées de lectures en ce qui concerne les auteurs contemporains, je prends car je connais très mal la littérature anglaise contemporaine. 

Je couple cela avec le challenge British mysteries proposé par Lou aussi car mon goût pour les polars saura bien m'inspirer quelques lectures anglaises frissonnantes... Je participe en catégorie Esprit es-tu là ? qui propose des manifestations sporadiques et inattendues à effet garanti. Entre 1 et 5 participations, cela devrait être possible... Le challenge se déroule jusqu'en mai 2017.

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lundi 16 mai 2016

Etonnants voyageurs


Samedi 14 mais 2016
Arriver sous un ciel gris/Oublier le froid au salon du livre/Premières dédicaces/Un auteur peu loquace/Des moules frites au chaud//Entendre Mathias Enard parler de boussole et de tapis volants/Tomber sous le charme de l'humour de Leonardo Padura/Une rencontre inattendue//Un film magnifique et terrifiant : La supplication. Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse.

Mathias Enard
Être émue face à Nancy Huston/Rencontrer des écrivaines sympathiques et souriantes/Avoir une dicace en russe/Bavarder avec plaisir/Être heureuse parmi les livres//Entendre une salle éclater de rire en cœur/ Les anecdotes croustillantes et l'humour salvateur de Yann Queffelec/Avoir loupé une conférence attendue/Se consoler une fois encore au milieu des livres/Des achats nombreux/Rentrer tard et se préparer au lendemain en riant//
Nancy Huston
Les achats de samedi
Dimanche 15 mai 2016
Arriver sous le soleil/Entendre parler, par Tom Cooper, d'un vétéran à qui l'on a volé une prothèse ou comment naît un roman/ Imaginer "les alligators et les voix cajuns"/ Avec Alfred Alexandre, partir dans l'espace caribéen/Une deuxième rencontre inattendue/Entendre un véritable "écrivain qui voyage" : Caryl Férey/ L'imaginer sur les dancefloors/ Avoir envie de lire Condor//
"Atmosphère" au café littéraire
St Malo sous le soleil
 Avoir loupé la conférence avec Nancy Huston/Se promener sous le soleil/Profiter de la compagnie d'une amie/Bavarder en flânant/Manger des glaces/Se laisser porter par une belle journée/Ne plus suivre de programme/ Retrouver Mathias Enard et les tapis de prière avec boussole intégrée/Être peu raisonnable/Une rencontre littéraire avec Caryl Ferey, John Vaillant et Yana Vagner/ Un moment privilégié avec Kim Thuy/ Avoir des souvenirs plein les yeux et la pensée au vent...

Addendum : pour Maggie, les achats du dimanche
(souvent avec dédicace...)

Les achats du dimanche...

mercredi 11 mai 2016

La Confession d’un enfant du siècle de Musset


    Musset a vingt-cinq ans lorsque paraît ce roman, en février 1836. L’œuvre est connue pour son caractère autobiographique en lien avec la liaison de l’écrivain avec George Sand. Mais si l’ouvrage contient des « aveux partiels » selon la formule de Franck Lestringant (qui a rédigé la préface de l’édition du Livre de poche), il s’élève bien au dessus d’une simple illustration des fameuses amours de Venise pour atteindre une dimension mythique. Autrement dit, les aventures d’Octave incarnent, plus qu’une simple énième aventure passionnelle de plus, le drame de toute une génération. Celle qui essaiera en vain de surmonter les ruines du drame de Waterloo, celle qui chante avec Musset en regardant les abbayes en ruines, cette « génération ardente, pâle, nerveuse » et… romantique.
« Tous ces enfants étaient des gouttes d’un sang brûlant qui avait inondé la terre ; ils étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre. Ils avaient rêvé pendant quinze ans des neiges de Moscou et du soleil des Pyramides ; on les avait trempés dans le mépris de la vie comme de jeunes épées ».
En cinq chapitres qui évoquent ceux d’une tragédie, le narrateur, à la première personne, nous raconte trois ans de vie. Tout commence alors qu'Octave n'a que dix-neuf ans. Alors que la vie semble lui sourire, une simple fourchette va le faire sombrer dans les affres de la trahison amoureuse. En effet, il découvre en se penchant pour la ramasser que sa maîtresse entrelace amoureusement sa jambe à celle de son voisin... Après un duel pour venger cet affront, le jeune homme va lentement mais sûrement sombrer dans la "maladie du siècle". Inconsolable, il va alors se lancer dans une vie de débauche, acoquiné avec son fidèle ami Desgenais (qui a pour modèle dans la vie Alfred Tattet).

Musset vu par Charles Landelle
"L'apprentissage de la débauche ressemble à un vertige ; on y ressent d'abord je ne sais quelle terreur mêlée de volupté, comme sur une tour élevée. Tandis que le libertinage honteux et secret avilit l'homme le plus noble, dans le désordre franc et hardi, dans ce qu'on peut nommer la débauche en plein air, il y a quelque grandeur, même pour le plus dépravé."
La mort de son père va alors changer la situation. En effet, à la campagne, il va rencontrer une jeune femme, Brigitte Pierson. Je ne vais pas plus loin en ce qui concerne le résumé de l’œuvre afin de ne pas tout révéler... Mais vous vous en doutez, Brigitte, qui sera fort tourmentée par Octave, n'est que le masque qui cache le visage de George Sand.
Je suis bien ennuyée pour donner un avis sur ce roman car je l'ai lu non comme un roman mais comme la vision d'une époque. Et à ce niveau là, je n'ai pas été déçue ! Si vous souhaitez connaître un peu mieux le romantisme, si vous voulez savoir quelles furent les conséquences morales de l'épopée napoléonienne en France, lisez ce livre. La Confession et les aventures passionnelles ne commencent qu'à partir du troisième chapitre. Avant l'histoire amoureuse, les deux chapitres qui ouvrent le roman nous plongent auprès de la génération fébrile qui grandit à l'ombre des bottes des soldats de la Grande Armée. "L'ogre" Napoléon Ier laissa derrière lui un million de morts et la "jeunesse soucieuse" qui suivit n'eut de cesse de traîner dans le sillage de la grande faucheuse. Ce roman de Musset est l'une des perles noires secrétées par les lendemains qui déchantent...
"Il leur restait donc le présent, l'esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n'est ni la nuit ni le jour ; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d'ossements (...)".




dimanche 8 mai 2016

Un marathon de trois semaines : le bilan avec des nouvelles !

Source ICI

     Je trouve enfin le temps de venir faire un bilan du marathon de lecture qui m'aura occupée durant trois semaines, du lundi 11 avril au dimanche premier mai. Je vous rappelle, pour ceux qui auraient loupé un épisode, que ce "RAT a week spring edition" était organisé par Chroniques littéraires et durait à l'origine un mois entier (j'ai pris le train en cours de route).

   Le bilan est très satisfaisant. Voici les livres lus entièrement (je ne compte pas ceux que j'avais déjà commencés avant, terminés à cette occasion dont Les Contemplations) :
- A ce stade de la nuit de Maylis de Kerangal : un bijou !
- La Confession d'un enfant du siècle de Musset : un classique enfin lu.
- Mémoire de fille d'Annie Ernaux : un livre vraiment marquant auquel je pense encore (avec son "photo-journal" présent dans l'édition Quarto de ses œuvres).
- La Patience du diable de Maxime Chattam : un polar bien addictif.
- La Voie des fleurs de Gusty L. Herrigel : pour être zen.
- Alfred de Musset. Les fantaisies d'un enfant du siècle de Sylvain Ledda : une biographie imagée de Musset, aux éditions de la Découverte. Très agréable à lire.


- Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée de Musset : un proverbe de Musset et une relecture agréable.
- Ecrire est une enfance de Philippe Delerm : récit autobiographique. Une lecture facile et tendre sur l'enfance d'un écrivain.
Toutes les femmes sont des Aliens d'Olivia Rosenthal : bof. Vite lu et déjà oublié.
La dernière enquête du chevalier Dupin de Fabrice Bourland : court roman policier historique inspiré de la vie d'Edgar Poe. Sympathique.
- Histoire du silence d'Alain Corbin : beau livre d'histoire des mœurs, truffé de citations littéraires. Le billet reste à rédiger...
- Un Max d'amour monstre de Richard Couaillet : un livre de littérature jeunesse bienfaisant !
- Léopoldine Hugo et son père de Florence Colombani : un ouvrage vraiment très agréable, qui permet de revoir la biographie d'Hugo tout en découvrant de nombreuses anecdotes sur "Toto et Didine"...

http://sweetbriar-cottage.tumblr.com/
  
 Le bruit des pages a été continu... puisque j'ai tourné :
- 1440 pages la première semaine
- 680 pages la deuxième semaine
- 737 pages la troisième semaine
Soit un total de 2857 pages ! C'est impressionnant tous ces chiffres... Mais plus que les chiffres finalement peu important, j'ai surtout apprécié l'ambiance et les échanges avec mes fidèle copinautes L'Or, Hilde et Lou ! C'est ce qui me restera de ce RAT.  
Seule ombre au tableau, je n'ai rédigé aucun billet et à l'heure où je rédige celui-ci, un nouveau "plan orsec-copies" est en route (les copies, c'est comme les petits pains, il en apparaît toujours de nouvelles...). Je suis donc au regret de vous dire qu'il faudra attendre un peu pour lire les billets tant attendus sur Annie Ernaux, Florence Colombani et les autres... Je vais essayer de m'y mettre durant la semaine prochaine, tout en préparant le festival Etonnants voyageurs encore plus attendu dont je ne manquerai pas de venir vous parler.

Source ICI