Musset a vingt-cinq ans lorsque paraît ce roman, en février 1836.
L’œuvre est connue pour son caractère autobiographique en lien avec la liaison
de l’écrivain avec George Sand. Mais si l’ouvrage contient des « aveux
partiels » selon la formule de Franck Lestringant (qui a rédigé la préface
de l’édition du Livre de poche), il s’élève bien au dessus d’une simple
illustration des fameuses amours de Venise pour atteindre une dimension mythique.
Autrement dit, les aventures d’Octave incarnent, plus qu’une simple énième
aventure passionnelle de plus, le drame de toute une génération. Celle qui
essaiera en vain de surmonter les ruines du drame de Waterloo, celle qui chante
avec Musset en regardant les abbayes en ruines, cette « génération
ardente, pâle, nerveuse » et… romantique.
« Tous ces enfants étaient des gouttes d’un sang brûlant qui avait
inondé la terre ; ils étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre.
Ils avaient rêvé pendant quinze ans des neiges de Moscou et du soleil des
Pyramides ; on les avait trempés dans le mépris de la vie comme de jeunes
épées ».
En cinq chapitres qui évoquent ceux d’une tragédie, le narrateur, à la
première personne, nous raconte trois ans de vie. Tout commence alors qu'Octave n'a que dix-neuf ans. Alors que la vie semble lui sourire, une simple fourchette va le faire sombrer dans les affres de la trahison amoureuse. En effet, il découvre en se penchant pour la ramasser que sa maîtresse entrelace amoureusement sa jambe à celle de son voisin... Après un duel pour venger cet affront, le jeune homme va lentement mais sûrement sombrer dans la "maladie du siècle". Inconsolable, il va alors se lancer dans une vie de débauche, acoquiné avec son fidèle ami Desgenais (qui a pour modèle dans la vie Alfred Tattet).
Musset vu par Charles Landelle |
"L'apprentissage de la débauche ressemble à un vertige ; on y ressent d'abord je ne sais quelle terreur mêlée de volupté, comme sur une tour élevée. Tandis que le libertinage honteux et secret avilit l'homme le plus noble, dans le désordre franc et hardi, dans ce qu'on peut nommer la débauche en plein air, il y a quelque grandeur, même pour le plus dépravé."
La mort de son père va alors changer la situation. En effet, à la campagne, il va rencontrer une jeune femme, Brigitte Pierson. Je ne vais pas plus loin en ce qui concerne le résumé de l’œuvre afin de ne pas tout révéler... Mais vous vous en doutez, Brigitte, qui sera fort tourmentée par Octave, n'est que le masque qui cache le visage de George Sand.
Je suis bien ennuyée pour donner un avis sur ce roman car je l'ai lu non comme un roman mais comme la vision d'une époque. Et à ce niveau là, je n'ai pas été déçue ! Si vous souhaitez connaître un peu mieux le romantisme, si vous voulez savoir quelles furent les conséquences morales de l'épopée napoléonienne en France, lisez ce livre. La Confession et les aventures passionnelles ne commencent qu'à partir du troisième chapitre. Avant l'histoire amoureuse, les deux chapitres qui ouvrent le roman nous plongent auprès de la génération fébrile qui grandit à l'ombre des bottes des soldats de la Grande Armée. "L'ogre" Napoléon Ier laissa derrière lui un million de morts et la "jeunesse soucieuse" qui suivit n'eut de cesse de traîner dans le sillage de la grande faucheuse. Ce roman de Musset est l'une des perles noires secrétées par les lendemains qui déchantent...
"Il leur restait donc le présent, l'esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n'est ni la nuit ni le jour ; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d'ossements (...)".
Bon, c'est dit, je vais le lire :-)
RépondreSupprimer@Adrienne : cela ne peut que te plaire, ne serait-ce qu'en terme d'histoire littéraire...
SupprimerOui, c'est un excellent roman sur cette "génération perdue" et un livre-clé du romantisme français. J'en garde un bon souvenir.
RépondreSupprimer@Tania : oui, excellent, et à lire absolument si l'on s'intéresse au romantisme !
SupprimerC'est un roman que j'ai trouvé très poétique ! J'ai beaucoup aimé, un peu moins les passages avec sa relation amoureuse... J'adore Musset et tout ce qu'il écrit :-)
RépondreSupprimer@Maggie : il me reste à découvrir sa poésie. Je ne la connais pas dans le détail...
SupprimerTu me tentes ! J'aime Musset depuis toujours et sa poésie essentiellement, je ne me souviens pas avoir lu autre chose, donc ce livre sur le "désenchantement de la jeunesse" dans un autre début de siècle...ça parle...;)
RépondreSupprimer@Asphodèle : oui, "ça parle" comme tu le dis, c'est d'ailleurs étonnant cette proximité avec la jeunesse d'aujourd'hui je trouve. Je perçois de nombreux points en commun entre nos jeunes et ceux de cette génération pourtant éloignée.
SupprimerCette analogie m'a frappé à la lecture de ton billet et pourtant les jeunes d'aujourd'hui (ceux nés en 2000 et avant) n'auront jamais connu la guerre sur le sol français... Comme quoi le désenchantement est souvent le propre de la jeunesse (même si ça arrive aux plus âgés ;) ) quelle que soit l'époque ! Mais ce que l'on vit aujourd'hui est une autre forme de "guerre" peut-être plus durable dans le temps puisqu'elle entraîne un changement de "société"... Va savoir ! :)
Supprimer@Asphodèle : je n'ai pas poussé l'analyse mais en lisant ce roman, j'ai vraiment très souvent pensé à la génération des jeunes d'aujourd'hui. Mais peut-être sauront-ils provoquer des changements ? L'avenir leur appartient ;-)
SupprimerJe copie sur Asphodèle ! Le genre de livre que l'on croit avoir lu tellement c'est un classique, mais je sais que je ne l'ai pas fait.
RépondreSupprimer@Aifelle : un classique qui attendait sur une étagère depuis bien trop longtemps en ce qui me concerne ;-) Mais heureusement, il y a eu le fameux marathon. Ma PAL a enfin baissé un peu !
SupprimerJ'attendais ton avis avec impatience et j'ai vraiment envie de découvrir enfin ce classique maintenant... je n'en savais pas grand-chose à ma grande honte. Je vais voir si je ne l'ai pas déjà dans ma PAL, c'est fort possible me connaissant ! Avec le Mois anglais il faudra que j'attende un peu mais pour une lecture cet été, ce serait parfait...
RépondreSupprimer@Lou : j'ai enfin réussi à rédiger un billet... et pour l'été Musset peut être sympathique en effet. Sais-tu que j'ai préparé un logo pour votre mois anglais ? J'attends d'avoir enfin trouvé ma première lecture pour le mois en question avant de venir m'inscrire ! Comme tu le vois, je trouve bien des occupations au lieu de faire ce que j'ai à faire. En ce moment, je suis la reine de la procrastination ;-)
SupprimerMême si je ne suis pas fan du Musset scolaire, ce livre dont tu fais un excellent commentaire me tente car un des ancêtres de ma belle sœur a fait parti des engagés volontaire de 1792 et à finit sa carrière à 37 ans comme sous lieutenant nommé par Napoléon pour avoir gagné 3 Canons autrichiens à la bataille d'Eylau avec le 7e corps de la grande armée de la cavalerie légère (à cause des multiples blessures qui l'empêchaient de monter à cheval....)
RépondreSupprimerj'imagine que sont ressenti après son retour à la vie civile ne devait pas être loin de ce qu'à écrit Musset (il s'est marié à 45 ans et à eu un fils).
@Alex-6 : punaise ! cela semble incroyable ce que tu racontes de l'ancêtre de ta belle-sœur ! Quand l'Histoire s'invite comme cela dans la réalité, c'est toujours un peu étrange et passionnant.
SupprimerJe l'ai lu mais il y a tellement longtemps... je pense n'avoir pas saisi toutes les subtilités de l'ouvre!
RépondreSupprimer@Keisha : les lectures anciennes méritent parfois d'être réactualisées, mais on a déjà tellement de choses à lire... Enfin, je suis contente d'avoir fait cette découverte tardivement car j'ai vraiment pris plaisir à cette lecture.
Supprimerj'ai essayé mais ça m'est tombé des mains hélas, j'aime mieux relire Lorenzaccio
RépondreSupprimer@Dominique : si cela peut te rassurer, je l'ai commencé puis abandonné deux fois. Et sans trop savoir pourquoi, la troisième tentative a été la bonne. Peut-être une question de disponibilité ? Enfin, Lorenzaccio, c'est bien aussi !
SupprimerJe l'avais lu lors de ma période intense George Sand (qui dure toujours, elle a tellement écrit !) et je me souviens d'un film avec Juliette Binoche que j'avais trouvé assez proche de l'air du temps romantique...
RépondreSupprimer@Enitram : ah oui, j'ai prévu de le voir ce film, il fait partie de mes projets "challenge romantique"... Bon we à toi !
SupprimerTu me donnes envie de sortir ce roman de ma bibliothèque.
RépondreSupprimer@Alex : tu peux y aller sans hésitation ! bon we :-)
SupprimerJe ne suis pas vraiment fan de Musset mais je pense que c'est un livre à découvrir et tu donnes envie de l'ouvrir ! :)
RépondreSupprimer@Cellardoor : merci ! ce roman est bien différent de ce qu'il a pu faire en théâtre. Il se lit vraiment facilement, si l'on passe les quatre premiers chapitres passionnants mais très différents de ce qui suit.
Supprimertoujours pas lu, Musset me faire peur, je l'avoue. Pourtant, j'aimerais découvrir ce livre (oui, c'est un comportement paradoxal!)
RépondreSupprimer@Violette : le paradoxe, en lecture, fait partie de ce que je comprends très bien... En ce qui concerne ce roman, je l'ai commencé deux ou trois fois avant de partir enfin dans l'histoire et de le terminer d'un coup !
SupprimerJ'ai aimé ton commentaire vu à la lueur des guerres napoléoniennes qui ont laissé des traces durables et transformé les mentalités ; exactement comme un siècle plus tard, la Grande Guerre décima la jeunesse et marqua les esprits à tout jamais.
RépondreSupprimer@Claudialucia : ce livre, du point de vue des traces laissées par les événements historiques, est une mine. La première partie est un véritable condensé pour la compréhension du mouvement romantique ! Je suis bien contente de l'avoir enfin lu...
SupprimerEncore un grand classique que je n'ai pas lu mais qui est sur ma LAL.
RépondreSupprimer@Fleur : il m'a fallu plusieurs tentatives pour trouver la bonne mais c'est maintenant fait ;-)
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