vendredi 31 août 2012

L'écrivain et la vie de Virginia Woolf

Quel essai stimulant ! Si vous aimez Virginia Woolf et si vous vous intéressez aux rapports de l'écrivain, du critique et du lecteur entre eux mais aussi, bien sûr, à la littérature, lisez ce livre. Il se compose de textes écrits entre 1916 et 1939. Au centre de ces articles, pour la plupart publiés dans des journaux, et pour certains dans des essais, l'écrivaine place au centre de sa réflexion le processus de création littéraire, ainsi que la place de la lecture, au centre. Elle analyse le rôle de ce qui deviendra "le public", dans un brillant article d'une étonnante modernité, "La chronique littéraire". 
En plus de son activité d'écrivaine, Viriginia Woolf a aussi été critique et éditrice. Elle a rédigé pour le Times Literary Supplement et fondé, avec son mari Leonard Woolf, une maison d'édition, la Hogarth Press, qui publiera, entre autres, les premiers écrits traduits de Sigmund Freud. Ces différents textes se caractérisent donc par le goût lié à l'expérience. Que cela soit la description des "Heures en bibliothèque" en passant par "La lecture", le lecteur de ce livre ressent tout de suite cette émotion liée à une forme d'expérience commune dans le rapport au livre.

Virginia Woolf
J'ai particulièrement apprécié l'article sur la "Relecture de romans" puisque je pratique moi-même de plus en plus cette activité... mais aussi celui sur les chroniques littéraires qui pose de très bonnes questions... y compris sur notre activité commune, chères lectrices et chers lecteurs, celle de la rédaction de "chroniques" ou de "billets" qui nourrissent nos blogs :
"Le Pilleur rédigera un court compte rendu du texte ; il en dégagera l'intrigue (s'il s'agit d'un roman), choisira quelques strophes (s'il s'agit d'un poème) ou citera quelques anecdotes (dans le cas d'une biographie).  A cela, ce qu'il reste du chroniqueur - peut-être en viendra-t-il à répondre au nom de Dégustateur apposera un sceau : un astérisque signifiant l'approbation et une crois la désapprobation. Ce compte rendu - produit du système Pilleur-Estampilleur - remplacera l'actuel  dissonant bavardage."
Virginia Woolf, très sensible aux critiques, oppose dans ce texte (tronqué dans cet extrait bien sûr... mais d'une justesse lucide) la critique, longue et réfléchie, aux multiples chroniques nées de la démocratisation du livre. Le chroniqueur produit en série, enchaîné qu'il est à la production des livres qui se fait de plus en plus pléthorique. Il n'a pas le temps de s'arrêter sur une oeuvre, il doit rédiger, encore et encore, pour suivre le rythme des publications et satisfaire un public avide de ses conseils prescripteurs (ou répulsifs...). Le critique, lui, s'imprègne d'une oeuvre et s'adresse plus à l'écrivain qu'au lectorat. Il donne des conseils d'écriture plus que de lecture. Je ne peux que vous inviter, alors que la grande foire de la rentrée littéraire s'annonce, à vous lancer dans la lecture de cet essai qui devrait être distribué en librairie pour tout achat d'une "nouveauté" de la fameuse rentrée...

mercredi 29 août 2012

Sur l'eau de Maupassant

   
   Ce livre de Maupassant, peu connu, se présente comme un récit de voyage. Du 6 au 14 avril, le lecteur se promène avec l'auteur au fil de l'eau, le long de ce qui deviendra la Côte d'Azur (en 1888, date de publication de l'ouvrage, on commence tout juste à utiliser l'expression...), entre les îles d'Hyères et le cap d'Antibes. L'écrivain a choisi d'adresser un avertissement aux lecteurs : 
"Ce journal ne contient aucune histoire et aucune aventure intéressante. Ayant fait, au printemps dernier, une petite croisière sur les côtes de la Méditerranée, je me suis amusé à écrire chaque jour ce que j'ai vu et ce que j'ai pensé. En somme, j'ai vu de l'eau, du soleil, des nuages et des roches - je ne puis raconter autre chose - et j'ai pensé simplement, comme on pense quand le flot vous berce, vous engourdit et vous promène."

   Le premier chapitre étant daté, on pense bien sûr tout de suite à un journal de bord. Et si l'on trouve bien, en effet, le récit des "non-aventures" maritimes de Maupassant durant cette courte croisière, on trouve aussi beaucoup plus. Tout d'abord, la description d'une côte qui n'a pas encore été ravagée par le tourisme de masse. Pas de bruit de moteurs sur l'eau, pas de célébrités en mal de soleil, pas de festival du cinéma... Mais il y a déjà de belles villas et les mondains commencent à louer maisons et yachts sur place. C'est donc tout un monde aujourd'hui disparu que ce livre fait revivre.
   Mais, comme le précise Jacques Dupont dans la préface de l'édition Folio, "il faut se méfier des écrivains"... et ce qui se présente comme un simple journal de bord s'avère être un montage et un journal fictif. Maupassant a réutilisé des chroniques anciennes, mais aussi des contes et nouvelles pour composer ce texte mosaïque qui regroupe sans doute une trentaine de textes. De plus, si le journal affiche une durée d'une quinzaine de jours, c'est six années qui ont été nécessaires à la mise en place de ce récit.

Monet, Antibes vu du plateau Notre-Dame, 1888
   Cette structure composée de morceaux épars suit pourtant un rythme, celui de la narration au fil de l'eau. Le temps s'allonge et tout se dilue entre ciel et terre, ciel et mer. Le Bel-Ami (nom du yacht de Maupassant) devient vivant, personnifié, il impose sa propre marche, dans un dialogue permanent avec l'eau et le vent. Le lecteur suit donc l'avancée du bateau ainsi que les impressions des hommes à bord. Maupassant raconte la mer mais aussi les escales et le monde à terre. On sent ici l'homme de mer, qui aborde toujours les gens d'à terre comme s'ils sortaient d'une farce. Si Flaubert cesse d'être ironique dans Madame Bovary lorsqu'il décrit une vieille paysanne, Maupassant laisse sa plume cruelle lorsqu'il décrit les hommes de mer. Leurs yeux portent loin et l'auteur a regardé le large avec eux. Mille sabords, je n'avais qu'une envie en lisant ce texte, partir naviguer !
"J'aime cette heure froide et légère du matin, lorsque l'homme dort encore et que s'éveille la terre. L'air est plein de frissons mystérieux que ne connaissent point les attardés du lit. On aspire, on boit, on voit la vie qui renaît, la vie matérielle du monde, la vie qui parcourt les astres et dont le secret est notre immense tourment."


lundi 27 août 2012

C'est lundi, que lisons-nous ? (43)

Le rendez-vous se trouve chez Galleane


Lu durant la semaine du 20 au 26 août

- Derniers adieux de Lisa Gardner


- Le musée du Dr Moses de Joyce Carol Oates


- Amélie Nothomb, Barbe bleue


Mes lectures en cours

La peau de chagrin de Balzac : un classique, un vrai ;-)

Ce que je vais lire cette semaine… 

Je compte bien commencer Home de Toni Morrison...

Et vous, que lisez-vous ????



dimanche 26 août 2012

Carte postale # 3


Dernière carte postale de la série... l'heure du retour a sonné. Après le blanc des bords de Loire puis le bleu changeant du Finistère, je reviens au vert de l'Ille-et-Vilaine. Rien de tel que le vent du large pour enfin s'aérer l'esprit, et en bord de Manche, le vent n'est pas avare de ses rafales ! Me voilà donc reposée et prête pour une nouvelle année scolaire qui s'approche à grands pas... 
Côté lectures, l'été a été gourmand... me reste à écrire de nombreux billets... Et la rentrée littéraire vous demandez-vous ? J'ai déjà lu le dernier Amélie Nothomb (qui n'est pas plus épais que d'habitude) dont je vous parlerai bientôt, et vais commencer aujourd'hui Home de Toni Morrison. On se retrouve lundi pour le retour des chroniques "littéraires"...
En attendant, je vous souhaite un excellent dimanche !
Margotte

mardi 7 août 2012

Départ !

Château d'Amboise - Eté 2010
   Voilà, l'heure du départ en vacances a enfin sonné... Après une dernière visite chez mon libraire préféré, je pars pour quelques jours sur les bords de Loire puis en direction du Finistère, prendre une bonne bolée d'air du large :-)) Peut-être aurais-je le temps de vous poster quelques cartes postales... Je vous souhaite un excellent mois d'août, rempli de lectures enthousiasmantes ! 
Kenavo ar c'hentañ ! A bientôt ! Margotte  
 
Cancale, juillet (oui oui...) 2012


lundi 6 août 2012

C'est lundi, que lisons-nous ? (42)


Lu durant la semaine du 30 juillet au 05 août

- Un amour noir de Joyce Carol Oates


- Le triomphe du singe-araignée de Joyce Carol Oates


- La littérature française de la Renaissance d'Olivier Soutet


 - La série des Marie Tempête (tomes 1.2.3)


Mes lectures en cours 
 
Gargantua de Rabelais et Le livre en analyse d'Annie Rolland dont il faudra absolument que je vous parle...

Ce que je vais lire cette semaine… 

Comme je pars quelques jours, cela sera au gré du vent et au fil de l'eau...

Et vous, que lisez-vous ????

vendredi 3 août 2012

Doglands de Tim Willocks


   Les habitués de ce blog savent que j'ai un faible pour nos amis canins... Alors, vous pensez bien que lorsque je suis tombée chez mon libraire sur ce livre, je n'ai pu résister à la tentation... J'avoue avoir été très intriguée par la présence de cet auteur en littérature jeunesse. Certains le connaissent peut-être par le biais de ses polars ou de son fameux roman historique Religion. Enfin, la lecture de la quatrième de couverture et de l'incipit ont fait le reste...

L'incipit
"Le camp
Il était une fois, dans les Doglands - cette étrange contrée que les chiens voient en rêve depuis l'aube des temps - , un lévrier bleu qui donna naissance à quatre chiots dans un camp de prisonniers que les chiens appelaient la Fosse de Dedbone. Ce lévrier s'appelait Keeva et elle avait prénommé son premier-né Furgul, ce qui, dans la langue des chiens, signifie le "Brave". (...)"
Petit lévrier italien
   Le lecteur va donc suivre les aventures nombreuses et fort dangereuses de Furgul le brave. Celui-ci affrontera maints périls après s'être sauvé du camp de l'affreux Dedbone. Tout le roman développe son apprentissage, qui se fait par le biais des nombreuses épreuves rencontrées. Vous ne saurez absolument rien des épreuves en question... qui font tout le charme de ce chouette livre de littérature jeunesse. Les amateurs des bêtes à poils et à coussinets seront ravis. Car dans ce livre, les chiens parlent, et oui ! Et ils ont une façon toute personnelle d'entendre le langage humain. Au travers des dialogues échangés, on sent bien que l'auteur a eu des chiens, qu'il les a regardé vivre et qu'il porte un regard bienveillant sur eux (et malveillant sur ceux qui les maltraitent...). Ce roman est d'ailleurs né de l'observation de l'un des chiens de Tim Willocks, un lévrier plein de cicatrices, qu'il a adopté au sanctuaire d'Orchard (pour lévriers en détresse...).
Le livre a été écrit en 42 jours ! Cela explique sans doute le seul bémol que je peux émettre dans ce billet : l'écriture est assez simpliste et peu travaillée. Mais c'est le cas dans bien des livres de littératures jeunesse, et celui-ci a le mérite de développer des valeurs universelles que l'on ne peut que vouloir transmettre à un jeune public. C'est d'ailleurs pour cela que je vais m'empresser de le conseiller à mes chers élèves dès la rentrée !

jeudi 2 août 2012

Viol - Une histoire d'amour de Joyce Carol Oates

   L'avantage de l'été, c'est que l'on peut se consacrer à la découverte d'auteurs que l'on envisageait de lire depuis des lustres, sans trouver le temps de s'y mettre vraiment. L'été 2012 sera pour moi celui de la découverte de Joyce Carol Oates. Et quelle découverte ! Merci au Magazine littéraire et à son excellent numéro du mois d'août consacré à 10 grandes voix de la littérature étrangère (Joyce Carol Oates, Russell Banks, Jorge Semprun, Antonio Tabucchi, Peter Handke, Milena Agus, Mario Vargas Llosa, Haruki Murakami, Edouard Limonov et John Maxwell Coetzee). Merci Nina et à son billet consacré à cette écrivaine, ICI. 

Joyce Carol Oates
   Ce roman, Viol - Une histoire d'amour, publié en 2006 en France (2003 aux Etats-Unis), se compose de trois parties. La première, intitulée Elle l'a cherché, s'ouvre ainsi :
" Après qu'elle eut été violée, frappée, battue et laissée pour morte sur le sol crasseux du hangar à bateaux du parc de Rocky Point. Après qu'elle eut été traînée dans le hangar par ces cinq types ivres - à moins qu'ils aient été six ou sept - et sa fille de douze ans qui hurlait Lâchez nous ! Ne nous faites pas de mal ! Ne nous faites pas de mal s'il vous plaît ! (...) Après qu'elle avait décidé, Dieu sait ce qui lui avait pris, de couper par le parc au lieu d'en faire le tour pour rentrer chez elle. Dans l'une des maison, toutes identiques de la 9e rue, où elle habitait avec sa fille, à deux pas de la maison de brique occupée par sa mère dans Baltic Avenue."
   Vous l'avez compris, ce roman ce lit en apnée. Le malaise sourd dès les premières lignes et l'écriture claque comme les semelles des types ignobles qui se sont rués sur Tina Maguire qui a eu la mauvaise idée au mauvais moment. Les chapitres courts se succèdent à un rythme rapide, et l'écriture est d'une efficacité chirurgicale. Tout est taillé au scalpel, y compris les titres des chapitres comme Le vent nous rend fou où, au bord des Chutes, Tina, d'une pâleur de craie, laisse le vent fouetter son visage qui porte encore les traces du viol collectif dont elle a été victime.
   En 177 pages, Joyce Carol Oates nous raconte une histoire d'amour d'un genre particulier. Celle d'un flic pour une victime. L'association avec le mot viol, sous forme de sous-titre, interroge. Le roman vient nous en donner la clé. Dromoor sera le premier à découvrir Tina Maguire après la curée, dans le hangar à bateaux. Et il ne supportera pas l'incurie de la justice face à l'abomination vécue par cette femme et sa petite fille. Il va donc se transformer en ange vengeur... et le roman ne cesse de nous interroger sur la violence et sa légitimité.
   Mais j'avoue avoir été séduite surtout par l'écriture. J'ai aimé la simplicité des phrases, les répétitions qui formes une sorte de leitmotiv et imprègnent le lecteur de la tonalité choisie par l'écrivaine. J'ai aimé ce narrateur externe qui nous présente certaines phrases prononcées par les acteurs du drame, placées en italiques dans le corps du texte. J'ai aimé les chapitres à la deuxième personne, ceux qui nous brossent l'avenir de la petite Berthie dont l'enfance s'est envolée ce soir du 4 juillet : "Tu étais Bethel Maguire que tout le monde appelait Bethie. Ton enfance a pris fin lorsque tu avais douze ans. Tu penserais toujours si. Si maman n'avait pas dit non. Vous seriez restées chez Casey, cette nuit-là." Pour conclure, j'ai fermé ce livre en me disant qu'il me reste environ 70 livres de cette romancière à découvrir... cela vaut bien une participation à un nouveau challenge non ?...

mercredi 1 août 2012

Marie Tempête de Cothias et Wachs


   Comme je suis d'humeur aux relectures en ce moment, j'ai sorti de ma bédéthèque la série des Marie-Tempête qui, en plus, a le mérite de se placer tout naturellement dans le challenge régional de Lystig puisque l'intrigue, vous vous en doutez, se déroule dans le pays de l'Ankou. J'ai donc relu les trois premiers volumes de cette série qui en compte quatre. Je n'ai hélas pas le quatrième volume, qui est épuisé... (et après on s'étonne que j'hésite maintenant à me lancer dans l'achat de séries interminables...). L'ensemble est publié chez Glénat, dans la collection "vécu" où l'on trouve aussi l'excellente série (ouf ! celle-ci au moins est complète...) Les 7 vies de l'Epervier.


   Comme vous pouvez le découvrir sur cette première planche, l'histoire s'ouvre à Versailles, le 10 mai 1774. Nous sommes à la veille de la Révolution et dans toute la série, le peuple gronde. Le scénario rend très bien l'ambiance des prémices révolutionnaires. Une femme vient de mettre au monde un enfant, une petite fille. Le père est noble et marié. La mère décide de s'effacer face à un éventuel scandale à venir, elle a décidé d'abandonner son enfant et d'entrer au couvent. Le nouveau-né est donc confié à un des régisseurs du père, en Bretagne, où l'on trouve d'excellentes nourrices. La petite Marie, dont on va suivre les aventures, arrive chez Gaël, un homme bon et fier de son travail de métayer. Elle sera élevée avec les enfants de la maison, Yanig et Francine.
   Le premier tome de la série s'attache à nous présenter l'enfance de Marie. On découvre également la vie dans une ferme bretonne au XVIIIe siècle. J'ai apprécié les nombreux détails qui évoquent la vie quotidienne de l'époque, que cela soit au niveau des meubles de la maisonnée, de la vaisselle utilisée ou des croyances populaires en vogue à l'époque. Du côté de l'intrigue, vous pensez bien que cette situation d'enfant issue de la noblesse, puis abandonnée, va donner lieu à de nombreux rebondissements ! D'autant que la jeune fille en question va vite devenir une belle jeune femme brune qui fait tourner les têtes... et va bientôt se trouver avec deux prétendants, un noble et un filou au grand coeur. Tous les ingrédients des péripéties à venir sont en place : un enfant abandonné devenant une jolie fille, deux amoureux rivaux, des seigneurs un peu trop entreprenants et une terre de légende... En arrière plan, un contexte historique explosif qui va bientôt voir naître un monde transformé...
   Une relecture fort agréable qui ne demande qu'à se poursuivre ! Je suis entrée immédiatement dans l'histoire et j'ai lu les trois volumes très rapidement... tout en regrettant bien sûr amèrement de n'avoir pas acheté le 4e lorsqu'il est sorti ! Il ne me reste plus qu'à le trouver en bibliothèque afin de savoir enfin ce qu'il advient de Marie, qui se trouve dans une situation difficile à la fin du troisième volume. Arrrrrrgh ! la vie est parfois cruelle :-(