L'avantage de l'été, c'est que l'on peut se consacrer à la découverte d'auteurs que l'on envisageait de lire depuis des lustres, sans trouver le temps de s'y mettre vraiment. L'été 2012 sera pour moi celui de la découverte de Joyce Carol Oates. Et quelle découverte ! Merci au Magazine littéraire et à son excellent numéro du mois d'août consacré à 10 grandes voix de la littérature étrangère (Joyce Carol Oates, Russell Banks, Jorge Semprun, Antonio Tabucchi, Peter Handke, Milena Agus, Mario Vargas Llosa, Haruki Murakami, Edouard Limonov et John Maxwell Coetzee). Merci Nina et à son billet consacré à cette écrivaine, ICI.
Joyce Carol Oates |
Ce roman, Viol - Une histoire d'amour, publié en 2006 en France (2003 aux Etats-Unis), se compose de trois parties. La première, intitulée Elle l'a cherché, s'ouvre ainsi :
" Après qu'elle eut été violée, frappée, battue et laissée pour morte sur le sol crasseux du hangar à bateaux du parc de Rocky Point. Après qu'elle eut été traînée dans le hangar par ces cinq types ivres - à moins qu'ils aient été six ou sept - et sa fille de douze ans qui hurlait Lâchez nous ! Ne nous faites pas de mal ! Ne nous faites pas de mal s'il vous plaît ! (...) Après qu'elle avait décidé, Dieu sait ce qui lui avait pris, de couper par le parc au lieu d'en faire le tour pour rentrer chez elle. Dans l'une des maison, toutes identiques de la 9e rue, où elle habitait avec sa fille, à deux pas de la maison de brique occupée par sa mère dans Baltic Avenue."
Vous l'avez compris, ce roman ce lit en apnée. Le malaise sourd dès les premières lignes et l'écriture claque comme les semelles des types ignobles qui se sont rués sur Tina Maguire qui a eu la mauvaise idée au mauvais moment. Les chapitres courts se succèdent à un rythme rapide, et l'écriture est d'une efficacité chirurgicale. Tout est taillé au scalpel, y compris les titres des chapitres comme Le vent nous rend fou où, au bord des Chutes, Tina, d'une pâleur de craie, laisse le vent fouetter son visage qui porte encore les traces du viol collectif dont elle a été victime.
En 177 pages, Joyce Carol Oates nous raconte une histoire d'amour d'un genre particulier. Celle d'un flic pour une victime. L'association avec le mot viol, sous forme de sous-titre, interroge. Le roman vient nous en donner la clé. Dromoor sera le premier à découvrir Tina Maguire après la curée, dans le hangar à bateaux. Et il ne supportera pas l'incurie de la justice face à l'abomination vécue par cette femme et sa petite fille. Il va donc se transformer en ange vengeur... et le roman ne cesse de nous interroger sur la violence et sa légitimité.
Mais j'avoue avoir été séduite surtout par l'écriture. J'ai aimé la simplicité des phrases, les répétitions qui formes une sorte de leitmotiv et imprègnent le lecteur de la tonalité choisie par l'écrivaine. J'ai aimé ce narrateur externe qui nous présente certaines phrases prononcées par les acteurs du drame, placées en italiques dans le corps du texte. J'ai aimé les chapitres à la deuxième personne, ceux qui nous brossent l'avenir de la petite Berthie dont l'enfance s'est envolée ce soir du 4 juillet : "Tu étais Bethel Maguire que tout le monde appelait Bethie. Ton enfance a pris fin lorsque tu avais douze ans. Tu penserais toujours si. Si maman n'avait pas dit non. Vous seriez restées chez Casey, cette nuit-là." Pour conclure, j'ai fermé ce livre en me disant qu'il me reste environ 70 livres de cette romancière à découvrir... cela vaut bien une participation à un nouveau challenge non ?...
J'ai lu un seul roman de Carol Oates .. et je l'ai complètement oublié, je me demande pourquoi. Les sujets sont tellement durs que j'hésite beaucoup à recommencer.
RépondreSupprimer@Aifelle : après cette première lecture, j'en ai déjà dévoré deux autres... Ils sont tous très différents au point que c'est étonnant ! En revanche, ils se caractérisent par une noirceur omniprésente. Je vais donc faire une pause mais je compte bien en découvrir encore bien d'autres. Ne serait-ce que pour en trouver enfin un qui soit optimiste ;-)
SupprimerPS : Tu ne sais plus du tout de quel livre il s'agissait ?
Je n'arrive pas à lire cette auteure...
RépondreSupprimer@Clara : pourtant, au niveau du style, c'est une véritable enchanteresse ! Il suffit de lire les premières lignes pour être complètement sous le charme...
Supprimer@Clara et Aifelle : Bonne journée à vous deux ! (vous avez été plus matinales que moi...)
J'ai beaucoup lu Joyce Carol Oates à une époque mais maintenant ses romans me parlent moins. Par contre, j'ai lu avec beaucoup d'émotion le journal qu'elle a tenu quand elle a perdu son mari : J'ai réussi à survivre.
RépondreSupprimerBonne journée !
@bonheurdujour : ils parlent beaucoup de cet ouvrage sur le deuil dans le fameux numéro du Mag. lit. Cela ne me tente pas trop, en revanche, j'aimerais bien lire son journal, mais c'est un "pavé", j'attends un moment avec grande et longue disponibilité...
SupprimerOates me fait toujours cet effet ! des histoires souvent très dures mais un style tellement parfait qu'on plonge la tête la première, et puis une analyse tellement fine de la psycho des personnages !
RépondreSupprimer@George : c'est étonnant d'ailleurs sa faculté à se plonger dans l'univers mental de personnages si différents, du psychopathe monstrueux dans "Le triomphe du singe araignée" (celui que je suis en train de lire), à la petite fille dans "Viol", en passant par bien d'autres...
SupprimerDepuis "Délicieuses Pourritures" j'ai hâte de la relire, notamment "mon coeur mis à nu" conseillé par une amie et amoureuse d'Oates, mais j'avoue que j'ai les yeux plus gros que le ventre depuis un mois et je n'arrive pas à stabiliser ma PAL qui tangue de plus en plus... J'ai noté celui-ci bien sûr avec le billet que tu en as fait, superbe !!!
RépondreSupprimer@Asphodèle : merci pour le compliment :-) Le problème lorsque on découvre et que l'on tombe sous le charme d'une écrivaine aussi talentueuse... et productive... c'est bel et bien les risques que cela nous fait courir ! Effondrement de la PAL, mais aussi, chute vertigineuse du niveau du compte-courant... J'en sais quelque chose, je rentre de chez mon libraire préféré ;-)
SupprimerJe note quand même les deux titres que tu évoques (du masochisme sans doute...). Bon aprèm !
Je ne connaissais pas ce titre (mais il y en a tellement...) Elle va au bord des Chutes du Niagara, Tina ? J'ai lu "Nulle et Grande Gueule", un bon roman que je conseille à mes élèves, pas trop trash, et j'ai été subjuguée par "Les Chutes", un roman grandiose, somptueux, parmi les plus beaux que j'ai lus dans ma vie de lectrice. Je te le conseille !
RépondreSupprimer@Anne : ah mais je vais alors lire "Les Chutes" !!!! Il semblerait que le thème revienne souvent... En ce qui concerne les Chutes dont il est question dans "Viol", il est fort possible que cela soit celles du Niagara car de nombreux noms sont associés à "Niagara" dans ce roman, même si, dans le chapitre que j'évoque, on a aucune indication concernant l'endroit exact où cela se passe... Bonne soirée !
Supprimerje n'ai jamais lu Oates, c'est grave docteur ?
RépondreSupprimer@Lystig : moyennement grave... un seul traitement : lire au plus vite un opus. Comme il y en a à peu près 70, tu n'as que l'embarras du choix ;-)
SupprimerLe titre m'a toujours mise mal à l'aise, assez pour que je n'ai aucune envie de me pencher sur ce livre... Maintenant je comprends mieux, mais ce n'est pas pour autant que je comprends le choix de l'auteur (ou alors peut-être ceux des éditeurs, traducteurs ?) J'ai "Nous étions les Mulvaney" sur ma PAL, avec un sujet un peu similaire
RépondreSupprimer@L'or : je comprends très bien ta résistance... Je me souviens de ce livre à sa sortie à cause du titre justement. Je l'avais regardé et m'étais dit : pas question d'acheter ça !... C'était avant le lire le dossier du Mag.lit. ! Depuis, je comprends ce titre qui d'ailleurs est le même en anglais : "Rape. A love story". Enfin, je le comprends mais il me mets toujours mal à l'aise, comme toi. Je pense que l'effet est voulu...
Supprimer"Nous étions les Mulvaney" est non dans ma PAL pléthorique mais sur ma liste (qui s'allonge, s'allonge...).
Pouvons nous avoir l'espoir d'une petite prolongation pour le challenge Colette ?? (je fais les yeux du chat dans Schrek :0)
RépondreSupprimerC'est terrible je suis en retard pour tous mes challenges et je n'arrive même pas à résister à m'inscrire à d'autres !! C'est carrément addictif ces challenges...
@L'or : oui, j'ai l'intention de le prolonger car moi non plus (c'est un comble), je n'arrive pas à le terminer... Je vais rédiger un petit billet à ce propos. Bonne journée !
SupprimerC'est une de mes auteurs fétiches. Je l'aime énormément. Lu "Sexy" au titre plus accrocheur que le récit lui-même, (Elle semble aimer les titres provocateurs!) les Mulvaney et quelques autres mais mon préféré pour l'instant c'est aussi "Les chutes" (du Niagara en effet); je poursuis de temps en temps son journal de 1973 à 1982 (tiens je vais le ressortir!) mais j'ai surtout envie maintenant de lire celui écrit après la mort de son mari. S'il est aussi bien que celui de Joan Didion sur le même thème: "L'année de la pensée magique", ça promet!
RépondreSupprimer@Mango : après toutes ces remarques sur "Les Chutes", tu penses bien que celui-ci est en bonne place sur ma liste... Son journal est un sacré pavé, je comprends que tu le lises tranquillement...
SupprimerUne auteure que j'aime beaucoup même si je viens de finir "Zarbie les yeux verts" et que je suis un peu perplexe sur mon ressenti.
RépondreSupprimerEn tous cas, après la lecture de ton billet, je note ce titre.
@Isa : ah ? ce titre est le prochain sur ma liste de lecture... as-tu rédigé un billet à son propos ? Je vais aller voir ça chez toi ! Bonne soirée
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