jeudi 25 décembre 2014

Noël, une fête qui a du chien !

http://wamiz.com/chiens/conseil/noel-quels-dangers-pour-vos-animaux-3065.html

En faisant une petite promenade matinale sur la blogo, j'ai découvert de nombreux billets avec des photos de chats. Ces joyeux félins, souvent très gâtés par leur maîtres enamourés, s'associaient aux vœux pour les fêtes. Or... je n'ai vu aucun représentant de la gent canine. Je me devais de rétablir l'équilibre ! 

Accompagnée par un brave labrador inconnu, je viens donc vous souhaiter un joyeux Noël et d'excellentes fêtes !

dimanche 21 décembre 2014

Mr Turner de Mike Leigh


Quel film ! Alors que je commence à rédiger ce billet, je suis encore sous le charme de cette séance de cinéma... Deux heures trente passées presque aussi vite qu'un coup de pinceau. Ce biopic signé par Mike Leigh nous raconte les vingt-cinq dernières années de W. M. W. Turner (1775-1851). Le film se divise en deux parties séparées par la mort du père. 
Dans la première partie, nous découvrons la vie domestique et professionnelle du peintre. Père visiblement peu intéressé par sa famille, il a quasi abandonné son ex-compagne et ses deux filles. Il est secondé dans son travail par son père qui achète les poudres de couleur, fabrique les toiles et veille à la bonne marche de la maison. Une gouvernante fidèle et d'une patience à toute épreuve - la pauvre - veille également à l'intendance. Artiste déjà reconnu, il vit dans une "maison-musée" où il fait admirer ses toiles mais il expose aussi avec ses camarades de la Royal Academy of Arts. Personnalité bourrue et peu loquace, il consacre toute son énergie à son art dédié à la lumière solaire.

Turner et sa gouvernante
Après la mort de son père, l'artiste s'isole encore plus et régulièrement, s'éloigne en direction de la mer. Il prend une chambre dans une petite auberge où il va rencontrer celle qui va devenir sa dernière compagne, Mrs Booth. Cette nouvelle relation semble lui insuffler une nouvelle vie artistique et ses toiles, toujours aussi lumineuses, vont également aller vers plus d'abstraction.

Turner et Mrs Booth
J'ai été totalement conquise par ce film. Tout d'abord peut-être parce qu'il nous laisse le temps d'aller à la rencontre des personnages, sans nous donner les clés de personnalités ni prévisibles ni formatées. Turner est un vieil homme taciturne. Il s'exprime peu et lorsqu'il se décide à communiquer, il émet parfois uniquement des grognements dignes d'un ours des cavernes. Il montre une grande sensibilité mais en même temps est capable de trousser les jupes de sa gouvernante pouvant à peine respirer, le nez dans les livres de la bibliothèque... Il séduit pourtant Mrs Booth de manière à la fois sophistiquée et juvénile. Enfin, vous l'avez compris, nous voilà dans des effets d'estompage face à l'humain qui n'est jamais concentré dans une seule de ses facettes. 
J'ai également aimé la manière de filmer les corps, et les visages. Les gros plans sont nombreux et nous permettent d'aller quêter le monde intérieur des personnages. Tous ces portraits (je pense ici à la belle scène de la photographie) nous mettent face à des visages enfin ridés, qui expriment une palette très large de sentiments parfois contraires. Quand la planète botox s'éloigne, on a tout à coup l'impression de redécouvrir la vie...
Et puis, bien sûr, il y a la peinture... Le film présente des couleurs proches de celles du peintre et la photographie a été très travaillée. Je pense par exemple à cette magnifique image du peintre, juste après la mort de son père. Il est seul, dans une barque. Il pêche dans ce qui semble un petit lac entouré de végétation. L'ambiance glauque et aquatique est presque irréelle (la photo ici proposée ne rend que très partiellement l'impression ressentie au cinéma... et il manque le plan en plongée...).

Mr Turner
Le réalisateur a laissé une grande place à la peinture. Il n'a pas eu peur de filmer les tableaux ainsi que le travail qui accompagne la création, même lorsqu'il s'agit de cracher sur une toile pour diluer un effet de couleur. Mention spéciale pour la manière de filmer le contraste entre la beauté artistique des toiles et la rugosité de l'homme. 
C'est de la belle ouvrage, le genre de film qui invite à retourner au cinéma, à aller au musée et à découvrir toute la production de Turner... Initiateur du mouvement impressionniste mais issu du romantisme anglais, le peintre me permet d'ajouter un billet coloré et enthousiaste au challenge romantique !

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2013/12/challenge-romantique-quatrieme-bilan.html

samedi 13 décembre 2014

Paris romantique par Sylvain Ledda

     La capitale française a souvent été au centre d’œuvres littéraires. Dans son Paris romantique, Sylvain Ledda (universitaire spécialiste, entre autres, de Musset), adopte la démarche du Baudelaire du Spleen de Paris. Il s'arrête sur un événement, une anecdote ou un lieu qu'il fait revivre sous nous yeux. Mais vous vous en doutez, bien des éléments le séparent du poète : il dispose de la distance du temps... et il ne fait pas œuvre de fiction. La ville disparue : celle des Misérables de Victor Hugo arpentée par Javert, celle des Mystères de Paris d'Eugène Sue, s'anime soudain sous nos yeux et l'on se prend à vouloir continuer la flânerie grâce à nos classiques !
Le premier chapitre, "Physiologie de Paris", nous présente la capitale de 1827 avec ses 12 arrondissements (les 20 datent de 1859). Le deuxième s'arrête sur le soir de la première d'Hernani.
   J'ai lu cet ouvrage paru l'an dernier aux éditions du CNRS comme une bonne série de nouvelles, chaque chapitre pouvant se lire de manière autonome. J'ai été particulièrement impressionnée par le 9e chapitre intitulé "1832 : l'année terrible". Il décrit l'épidémie de choléra qui laissa la ville exangue et qui raviva les terreurs ancestrales liées à la peste noire. Alors que les rues de la capitale sont animées par les festivités de la mi-Carême, des masques présentent des visages bleus aux traits émaciés qui paraissent tout droit sortis d'un récit horrifique d'Edgar Alan Poe. La réalité croise le jeu lorsque, la fête battant son plein, une première victime tombe. Elle présente le même visage bleui que ceux des masques et préfigure l'hécatombe à venir...

   Si vous voulez plus de détails (je n'ai pas eu le temps de vous proposer un extrait...), écoutez cette courte présentation sur France Culture dans l'émission L'essai et la revue du jour. Bon we à vous.

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2013/12/challenge-romantique-quatrieme-bilan.html

mercredi 10 décembre 2014

Bug-Jargal de Victor Hugo


     Sans la lecture commune proposée par Claudialucia, je ne me serais sans doute pas dirigée vers ce roman de Victor Hugo. Deux raisons m'ont poussée vers cette lecture : l'aspect "rareté" (c'est un ouvrage vraiment peu connu d'un auteur porté au Panthéon...) et le fait que cela soit un récit de jeunesse. En effet, Victor Hugo a remanié plusieurs fois ce texte sans doute écrit à l'origine à 16 ans (et en quinze jours) sous la forme d'une nouvelle. Paru initialement dans le Conservateur littéraire, Bug-Jargal sera ensuite publié chez Urbain Canel en 1826, année durant laquelle paraissent aussi les Odes et ballades.
Dans ce roman, comme dans Hans d'Islande, Hugo laisse libre court à son admiration pour Walter Scott. Il plonge son lecteur dans une histoire exotique qui se déroule à Saint-Domingue et s'appuie sur les révoltes des esclaves qui verront naître les combats d'un Toussaint-Louverture.

http://frederic.berjaud.free.fr/Articles_de_Didier_Davin/un_soldat_colonial_a_saint_domingue_1791_1809/St_Domingue.png

Le récit s'ouvre sur une conversation entre des officiers. L'arrivée de Rask, un grand chien, ravive les souvenirs du capitaine Léopold d'Auverney qui, poussé par ses compagnons, va leur raconter une aventure vécue alors qu'il se trouvait à Saint-Domingue, chez un oncle très riche dont il devait épouser la fille Marie.
Un jour, alors qu'il la courtise, celle-ci manque être dévorée par un animal sauvage. Elle est sauvée par un esclave, Bug-Jargal. Un lien presque fraternel va alors unir le jeune homme et l'esclave. Une révolte éclate sur l'île. Léopold, tout juste marié, doit quitter sa femme pendant la noce. Il va devoir combattre et se trouvera plus tard face à son ami qui dirige le camp des insurgés et qui détient Marie, enlevée durant les combats... 

J'avoue que l'intrigue ne m'a pas vraiment passionnée. Les personnages sont prévisibles et la structure de l'ensemble n'est pas très originale. Pour autant, il est tout à fait intéressant de découvrir, à l'état latent, l’œuvre en gestation. De nombreux thèmes qui deviendront récurrents dans les romans ou les textes militants de Victor Hugo se trouvent déjà dans ce texte de jeunesse. On y découvre aussi une forme d'ébauche des personnages à venir. Mention spéciale au nain Habibrah qui annonce les "monstres" des grands romans hugoliens. Il s'impose dans une des scènes phares du roman (comme elle si situe vers la fin, vous n'en saurez pas plus...).

Habibrah


Extrait
Ce nain hideux était gros, court, ventru, et se mouvait avec une rapidité singulière sur deux jambes grêles et fluettes qui, lorsqu'il s'asseyait, se repliaient sous lui comme les bras d'une araignée. Sa tête énorme, lourdement enfoncée entres ses épaules, hérissée d'une laine rousse et crépue, était accompagnée de deux oreilles si larges, que ses camarades avaient coutume de dire qu'Habibrah s'en servait pour essuyer ses yeux quand il pleurait. Son visage était toujours une grimace, et n'était jamais la même ; bizarre mobilité des traits, qui du moins donnait à sa laideur s'avantage de la variété. Mon oncle l'aimait à cause de sa difformité rare et de sa gaieté inaltérable.

Les billets de Miriam, Claudialucia, Laure et Moglug.

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2013/12/challenge-romantique-quatrieme-bilan.htmlhttp://synchroniciteetserendipite.wordpress.com/2014/11/05/challenge-victor-hugo/


dimanche 7 décembre 2014

Marathon d'hiver - J2, un dimanche "Santa baby"


12h15 - Bilan de la matinée
Après une grasse matinée bien méritée... j'ai commencé très tranquillement, ayant adopté la formule "Santa  baby" pour aujourd'hui (autrement dit, plages horaires libres, on fait tout comme on veut !). Je continue à "boucler" des lectures déjà entamées et abandonnées parfois pour des raisons aussi diverses que variées. Ce matin, cap sur Baudelaire donc et son Spleen de Paris qui convient assez bien à la météo du jour : 35 pages lues. Je vais faire un tour sur les blogs des participantes et reviendrai faire un petit point dans l'après-midi.


Dame Chien dort encore et je précise pour lever le quiproquo que la charmante bestiole sur la photo affichée ce matin n'était pas l'unique, la vraie Dame Chien de chez Margotte !

16h40 - Bilan de l'après-midi

Alors qu'une vilaine pluie froide vient de se mettre à tomber, il est temps de faire un petit point. J'avance à un rythme de tortue car j'ai pas mal de choses à faire aujourd'hui. Juste une heure de lecture avec 35 pages lues, toujours du Spleen de Paris. Il faut dire que côté lecture fébrile, j'ai été servie hier (et, dois-je le rappeler, je n'ai pas le 3e tome de mon polar du moment...). Je vous retrouve en fin de soirée ! 

22h - La fin
Ce soir, reprise en douceur avec le bel album Philipok, une histoire de Tolstoï illustrée par Gennady Spirin. Je l'avais chroniqué ICI. 28 pages.

 
Ensuite, j'ai commencé (et je suis déjà séduite), le roman de Lydie Salvayre Pas pleurer que j'ai trouvé la semaine dernière à la bibliothèque. J'ai déjà lu 33 pages.
 
 

Bilan du week-end
Deux jours passés à terminer des livres... et en commencer d'autres qui méritent le détour. Un marathon d'hiver bien sympathique ! 
Je n'ai pas compté les heures car je me suis vraiment laissée porter au gré de la disponibilité du moment... et j'ai été moins assidue aujourd'hui pour cause de travaux à préparer.
Nombre de pages lues : 423 pages samedi et 131 aujourd'hui = 554 pages, un bilan qui me laisse le sourire aux lèvres et l'envie de recommencer bientôt. Merci encore aux organisatrices et bonne fin de soirée à tous.

samedi 6 décembre 2014

Marathon d'hiver - J1, un samedi "Blue Christmas"

     Il y a des blogueuses qui ont le sens du logo... et d'autres qui faiblissent devant des livres surmontés d'une jolie tasse en porcelaine, surtout lorsque l'arrière-plan enneigé de la scène donne envie de se laisser doucement aller sous un plaid, un livre à la main... Je commence donc aujourd'hui ma participation au marathon d'hiver organisé par Samarian, Petit-Spéculoos et Chicky Poo. La formule choisie, "Blue Christmas", nous invite à lire de 8h à 22h. 
   Pour une fois, j'ai préparé cela avec soin : livres choisis, achat d'un bon thé de Noël et de petits gâteaux pour un doux coup de fouet en cas de baisse de régime... Tout s'annonce pour le mieux, Mme Chien a été promenée, elle est installée et je vais pouvoir commencer. Je viendrai faire un point en fin de matinée.


12H - Bilan de la matinée

9h45 : en piste ! Je commence en douceur. Tout est prêt, j'attaque avec du noir mais dans une ambiance ouatée. J'ai laissé hier soir le 2e tome des Visages de Victoria Bergman à la page 156. Je continue donc cette lecture. Le nouveau chapitre, p. 157, s'ouvre à Stockholm en 1988 dans un des nombreux retours en arrière du roman. Je vais en apprendre plus sur la jeunesse de Victoria... 
Comme ce marathon met l'hiver à l'honneur, voici de quoi vous faire frissonner un peu :
(...) Victoria monte seule dans sa chambre (...). Les draps sont frais, elle se couche sur le côté et regarde vers la fenêtre. Le froid glacial de février fait presque éclater les carreaux : elle entend gémir le verre sous son étreinte violence. Moins quinze.

11h45 : Deux heures de lecture. J'ai avancé Trauma de 150 pages. C'est vraiment noir de chez noir... mais ce deuxième volume est tout aussi addictif que le premier... Cette après-midi, je vais toutefois me diriger vers quelque chose de plus léger ! En attendant, une pause s'impose. 

Bilan de 16h
Après une pause bienfaitrice, reprise à 13h45. Afin de me remettre en forme, une petite nouvelle liée à l'hiver et que je relis toujours avec plaisir : Le meneur de loups de Claude Seignolle (6 pages dans l'anthologie du fantastique de chez Librio). 
Une douce torpeur s'emparant de moi, j'ai été obligée de céder à l'appel de la sieste... Au réveil, un bon thé et ça repart ! Je me suis emparée de Bug Jargal de Victor Hugo, bien décidée à en venir à bout (le livre était déjà entamé) : mission accomplie, les 100 dernières pages sont lues.

http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-classique/Le-Dernier-jour-d-un-condamne-precede-de-Bug-Jargal
Je vais maintenant aller prendre un peu l'air avant de me remettre à lire...

22h20 - Bilan de fin de soirée

Repartie sur la lecture de Trauma depuis la fin de l'après-midi, avec des coupures pour manger et jouer un peu de musique. Je n'ai pu prendre un autre livre avant d'avoir enfin achevé celui-ci ! Alors voilà, après environ deux heures de lecture, j'ai lu les 167 pages... Récit haletant, final qui nous invite à lire la suite et je n'ai pas le 3e tome : arrrrrrrrgggggggh.

Enfin, j'ai passé une excellente journée de lecture : 423 pages lues, l'équivalent d'un bon pavé. J'ai terminé deux livres qui ne demandaient que cela et je n'ai qu'une envie, recommencer demain. Je vous retrouve donc pour la suite de ce marathon d'hiver dimanche, mais cela sera pour une version plus tranquille car j'ai du travail ! Bonne fin de soirée à tous et toutes et merci à celles qui sont venues m'encourager.

mercredi 3 décembre 2014

Personna d'Erik Axl Sund


     Il y a des associations qui produisent des miracles ! Ce premier volume d'une trilogie noire, très noire, en est la preuve. Sous le pseudonyme d'Erik Axl Sund se cachent en réalité deux écrivains suédois : Jerker Eridsson et Hakan Axlander Sundquist. Le premier, ancien bibliothécaire de prison est également producteur musical. Le deuxième, musicien et ingénieur du son évolue également dans le milieu de la musique. Le duo s'est formé par hasard. Les deux hommes ont divorcé la même année, en 2008. Fragilisés par cet événement, ils ont associé leurs difficultés du moment pour construire un projet nouveau et se sont lancés dans l'écriture de ce roman.

Voir le Monde des livres ICI
   Le premier volume de la trilogie se tisse autour de la mort de jeunes garçons. Le premier est retrouvé derrière des buissons, près d'une station de métro de Stockholm, à Thorildsplan. Le cadavre est étrangement momifié, et surtout, porte des traces de mutilation. Personne ne se préoccupe de sa disparition car l'enfant est d'origine étrangère. 
   Jeanette Kihlberg, dépêchée sur place, va se trouver face à une affaire bien retorse qui va se compliquer lorsque d'autres morts dans le même genre vont apparaître dans d'autres secteurs de la ville. Tout évoque alors une macabre série. Elle va donc se faire aider par une psychothérapeute, Sofia Zetterlund, qui suit deux patients aux histoires cauchemardesques : Samuel Bai a été enfant soldat en Sierra Leone et Victoria Bergman (qui donne son nom à la trilogie), a été abusée par son père.
   J'ai dévoré ce premier volume de la trilogie et je convoite déjà le deuxième qui m'attend bien tranquillement (un grand merci à ma bibliothèque de quartier... grâce lui soit rendue). Je vous conseille d'ailleurs d'acheter les deux premiers (le premier vient de sortir chez Babel noir) en même temps car le premier s'achève sur un suspense à la limite du soutenable. Et en parlant de soutenable, je précise immédiatement que ce livre est très noir. Mais, contrairement à certains polars dans lesquels on sent une complaisance face au morbide, ici, on s'interroge. Ce livre pose beaucoup de questions sur lesquelles je vais revenir. 

Pourquoi cette lecture fébrile ?
1. Les personnages sont très attachants et ils portent tous une part d'ombre, même ceux auxquels nous nous identifions rapidement. Jeanette, la fliquette flanquée de son mari artiste, propose un beau portrait de femme, et il en va de même pour Sofia. Une relation extra-professionnelle va d'ailleurs rapprocher les deux femmes.
2. La construction narrative appuyée sur une succession de lieux et de souvenirs qui nous promènent dans le temps forment une sorte de mosaïque que l'on a rapidement envie de voir s'assembler pour former un tout et pour nous permettre de deviner enfin la forme de la révélation finale.
3. Le roman se tisse autour de problèmes contemporains qui interrogent : que faire pour la réinsertion des enfants soldats, victimes mais aussi bourreaux (et quels bourreaux...) ? Comment gérer les flux migratoires et les excès associés à ces flux (exploitation des enfants, prix prohibitifs exigés par des "passeurs" peu scrupuleux) ? Comme Millénium auquel j'ai souvent pensé, le roman se nourrit des démons de nos sociétés occidentales.
Conclusion : je commence la suite ce soir et vous tiens informés de la suite des événements !

samedi 29 novembre 2014

Marguerite Yourcenar – Croquis et griffonnis par Sue Lonoff de Cuevas

http://www.magazine-litteraire.com/critique/non-fiction/marguerite-yourcenar-croquis-griffonis-sue-lonoff-cuevas-07-12-2010-35138

   Tout lecteur assidu de Marguerite Yourcenar connaît son goût pour l’art. En revanche, son appétence pour le dessin reste confidentielle et je dois avouer que la lecture de ce livre, en plus d’être agréable – on y trouve 106 illustrations – a été une vraie surprise. Sue Lonoff de Cuevas, universitaire américaine, a voulu présenter et étudier les dessins de l’écrivaine, les « faire connaître » mais aussi « montrer en quoi il est précieux de les connaître ». En effet, l’amateurisme des dessins en questions pourrait laisser dubitatif mais l’essayiste nous emporte avec elle et nous prouve qu’ils « peuvent éclairer ses centres d’intérêt, élargir le champ de ce que nous savons de ses préoccupations, apporter des clés sur ses méthodes de travail, ses premiers jets et leurs corrections, et même inciter des lecteurs à reconsidérer leurs hypothèses à propos de son œuvre. » L’ouvrage nous emporte donc au pays de l’avant-texte, matrice de l’œuvre à venir, gestation en traits et en couleurs qui ne peut que séduire tout amateur d’art.


   Marguerite de Crayencour, avant de porter son nom d’écrivaine, a fréquenté les musées avec assiduité. Lorsque la famille s’est installée à Paris, en 1912, elle en profité pour visiter le Louvre, Cluny et le palais des Thermes. A Londres, elle fréquentera la National Gallery et le British Museum. A Petite Plaisance, on a retrouvé une collection de cartes postales qui reproduisaient des œuvres vues dans les musées visités. Ces œuvres d’art ont souvent servi d’embrayeurs à l’écriture, elle a utilisé des « stimuli visuels ».
 Dans l’ensemble de ces dessins, des thèmes reviennent comme des leitmotivs, comme le Pierrot dont une ou deux représentations le montrent pendu. Les mains apparaissent de manière récurrente, que l’on se souvienne d’ailleurs de la présence des mains dans Mémoires d’Hadrien, des mains et de leurs lignes, de ces mains d’Antinoüs qui se retirent doucement de celles de la chiromancienne qui veut lire leurs lignes. Mais on trouve aussi des signes cabalistiques et de nombreux dessins liés à la mythologie greco-romaine.


   Il semblerait qu’elle composait de manière non linéaire, en « expérimentant les images et les phrases » et en biffant ce qui ne convenait pas. Ainsi, le dessin pouvait servir à « visualiser un passage dont elle savait qu’elle voudrait le changer. » Un chercheur a divisé ces dessins en deux catégories, ceux qui, hors de la fiction, permettent de réfléchir sur le processus créateur en cours, et ceux qui s’intègrent au récit en cours.
« Le cahier de Denier du rêve contient plus de cent dessins, dont plusieurs sont aussi clairement liés que celui-ci à des objets ou des œuvres d’art qu’elle avait sous la main. »
   J’ai trouvé émouvant la tenue du registre des cultures de son jardin à Petite Plaisance. Dans un carnet vert, elle dessinait à l’encre rouge chaque fleur, arbres ou arbuste du jardin. On y trouve aussi leur nom en latin, en anglais, parfois en français et souvent d’autres notes. Cinquante dessins achevés illustrent ce registre et aidaient sans doute l’écrivaine à pouvoir décrire avec une grande exactitude toute fleur de sa propriété. Elle fit même un plan des cultures de son jardin à l’encre verte.


    Enfin, pour conclure, je me suis promenée dans cet ouvrage comme on découvre le jardin d’un ami. J’avais l’impression d’entamer un bavardage entrecoupé de silences qui laissent la place à l’autre et à l’imaginaire. Un livre pour les admirateurs de Marguerite Yourcenar, un livre aussi pour tous ceux qui aiment l’art et qui savent combien il peut être le compagnon de la création littéraire.

Catégorie essais

lundi 24 novembre 2014

La rentrée littéraire - S63 de Jean-Bernard Pouy



     Le musée des Confluences de Lyon abrite plus de deux millions d’objets. Il s’est constitué à partir du Muséum d’histoire naturelle et du musée Guimet et propose un voyage dans le monde des « choses ». Il ouvrira ses portes en décembre 2014. La collection dans laquelle est publié cet ouvrage, édité par invenit, propose aux écrivains de faire vivre ces objets en les plaçant au centre de leurs récits. De plus, grâce à un complément numérique, elle propose « un nouveau rapport au livre »… Je n’ai pas téléchargé l’application associée pour voir l’objet en « réalité augmentée », ayant manipulé l’objet en question assez souvent pour en avoir une perception encore très nette.
  Je n’ai pas acheté le livre pour la démarche éditoriale mais je la trouve assez séduisante pour avoir eu envie de vous en parler en guise d’introduction. Je vais bien me garder d’ailleurs de vous dire quel est cette chose appelée « S63 »… je vous laisse le découvrir en lisant ce livre qui m’a fait passer un très bon moment de réalité non augmentée comme vous l’avez maintenant compris. 
   Tout commence dans un vide-grenier en plein air, à Poulganec (vous l’aurez deviné, avec un nom pareil, c’est en Bretagne). Le narrateur qui nous conte à la première personne le récit de cette étrange aventure est un fan des brocantes et autres lieux où l’on peut dénicher l’affaire du siècle. Critique d’art dans un magazine féminin, il aime, pour se changer les idées, chiner. Par un beau matin de crachin breton, il dégote une peinture sur bois qui évoque « un intérieur hollandais du XVIIe ou du XVIIIe siècle ». Sa femme, horrifiée devant un nouveau truc destiné à venir enrichir une collection déjà bien envahissante, pousse des hurlements et le tableau atterri dans l’atelier du narrateur.

   Or, après avoir inspecté la peinture dans le détail, il constate la présence de couches successives à deux endroits différents. Il décide donc de faire inspecter sa toile par un voisin restaurateur de tableaux. Ce dernier, quinze jours plus tard, le convoque afin de lui révéler ce qu’il a trouvé sous les couches de peinture. 
   Ce court récit de 76 pages (une nouvelle plus qu’un récit) réserve de bonnes surprises. Tout d’abord, on y retrouve l’humour dont Jean-Bernard Pouy est coutumier, et rien que cela vaut lecture. Ensuite, les références à l’art sont nombreuses et l’on se promène dans un musée imaginaire où il est bien agréable de flâner. De Füssli à Vermeer, en passant Goya, la lecture est illustrée par une galerie de tableaux que j’ai pris plaisir à « revoir » en stimulant ma mémoire… Enfin, si le romancier excelle dans le roman noir, il est également particulièrement à son aise lorsqu’il écrit à la frontière des genres. Ici, il flirte avec le fantastique et cela lui va très bien. J’ai retrouvé la même ambiance étrange que dans Train perdu, wagon mort que je ne peux que vous conseiller chaudement.

   A déguster sans modération, un livre d’art sur les genoux et un thé chaud à la main, après avoir passé une matinée froide d’hiver à arpenter les étals d’une brocante…



Extrait

   Si je fréquente, même pas assidûment, ces étals sauvages, c’est que j’ai une passion, héritée d’un grand-oncle qui, officier de marine, avait fait le tour du monde, et, à terre, un cabinet de curiosités. Plein de merdes disparates, mais toujours étonnantes ou tape-à-l’œil. De temps en temps, j’augmentais cette folle collection, en rajoutant aux vieilles merdes des étrons plus récents.
   Mon épouse ne supportait pas, elle une fana des murs peints en blanc immaculé où , in extremis, une reproduction de Hopper avait réussi à se faire punaiser, et elle m’a donc forcé à squatter le garage, où plus jamais elle ne rentrerait, pour entreposer, comme elle disait, « mes cacas poussiéreux ». 
   Et où en trouver, de ces excréments de l’art ? dans les braderies, les brocantes et les vide-greniers.

http://delivrer-des-livres.fr/challenge-rentree-litteraire-2014/

dimanche 16 novembre 2014

Noir sur la ville à Lamballe


Ce week-end, dans le centre des terres bretonnes, à Lamballe, se déroule le festival du polar Noir sur la Ville. Je suis allée y faire mon petit tour hier, pour retrouver les habitué(e)s de ce salon. Avant leur arrivée, cela ressemblait à cela :


Après sont arrivés les auteurs, dont les écrivains fétiches du festival (sans eux, rien ne serait plus pareil...), à savoir Jean-Bernard Pouy et Jean-Hugues Oppel par exemple, ci-dessous présents (ils se sont prêtés au jeu de la photographie avec grand naturel !) :

Jean-Hugues Oppel au centre et G. Alle à droite
Jean-Bernard Pouy
Mais il y avait aussi Maud Tabachnick, Bussi et bien d'autres (le programme est ici, si certains peuvent encore s'y rendre aujourd'hui !).  Alors bien sûr, les discussions furent sympathiques, la journée agréable malgré la pluie qui tombait à verse au retour et la moisson noire fut bonne. Elle promet quelques bons moments de lecture...


Et puisque l'on parle de polars, j'en profite pour vous conseiller l'addictif W3, Le sourire des pendus de Jérôme Camut et Nathalie Hug. Je viens de le terminer. Plus de 700 pages dévorées en une semaine environ, j'ai même trouvé le moyen de l'emporter au travail pour lire quelques chapitres en douce ! Bon dimanche à tous et toutes.


dimanche 9 novembre 2014

Rentrée littéraire 2014 - Ces instants-là de Herbjorg Wassmo


Toute nouvelle parution de la grande écrivaine norvégienne Herbjorg Wassmo annonce toujours un grand moment de bonheur pour moi. Depuis la lecture de la grande saga qui commence avec la trilogie du Livre de Dina, je me précipite sur chaque nouveau volume comme j'irais chez une vieille amie, le sourire aux lèvres.
L'écrivaine, fille de l'heure bleue et des aurores boréales, habite toujours à Hinnoya, une île à proximité du cercle polaire. Après l'excellent Cent ans qui nous contait histoire d'une dynastie de femmes du grand nord sur trois générations,  elle nous livre ici un ouvrage  qui s'arrête sur une seule femme. Ce roman m'a semblé le plus autobiographique de l'ensemble de l’œuvre. Certains points communs avec la vie de la romancière s'avèrent presque troublants.

Source de la photo ici
Contrairement à ses autres romans qui proposent en général une narration plutôt chronologique, l'écrivaine a composé avec Ces instants-là l'itinéraire d'une quête sous la forme d'une mosaïque. Chaque chapitre s'arrête sur un instant qui va compter dans la vie de l'héroïne et qui, quelque part, mène à ce qui sera le résultat de cet assemblage hétéroclite qui compose une vie : devenir écrivain. Deux références me viennent à l'esprit, Proust et sa Recherche pour la quête, Sylvie Germain et ses Petites scènes capitales qui trament le parcours de Lili.
L'héroïne, c'est "elle" dont on ne découvrira le prénom que tardivement, dans la bouche des autres, de ceux qui l'appellent. Le roman s'ouvre alors qu'elle fait sa rentrée au collège. Elle vit dans un lieu où les tourbières et les eaux du lac rendent le monde irréel. Son père, en revanche, est réel et lui fait du mal. Il sera présent tout au long de cette histoire comme celui qu'on méprise et qui, en quelque sorte, incarne la détestation.
"Son père fait toujours obstacle au monde. Aux gens qu'elle rencontre. Aux événements. Son père est une ombre qu'elle essaie toujours de gommer, mais ça ne marche pas. Elle sait bien que ça ne marche pas. Il a le pouvoir d'envahir ses rêves tant et si bien qu'elle se retrouve tout à coup debout au milieu de la pièce dans la nuit noire. Il diffuse au travers de toute chose une répulsion fétide. Même à l'église, son ombre est présente dans les moindres recoins." 
Divisé en trois parties, le roman commence avec l'enfance et l'école, continue avec les études, le mariage et les enfants (elle en aura deux). La troisième partie commence sur une île et correspond à la vie du personnage principal devenu écrivain. Dans ce découpage de la vie, des instantanés qui s'arrêtent sur des moments caractérisés par leur titre : "Aller en visite en Suède", "A la fenêtre de la honte", "Le prix de l'instruction", "Rêve d'un espace à soi" (on pense ici à V. Woolf...), "Cours d'anglais" auquel je décerne une mention spéciale à cause de ce passage tellement évocateur (elle est alors devenue institutrice et va continuer des études de lettres) :
Et elle s'entend dire qu'il n'y aura pas d'interrogation de vocabulaire, parce qu'elle a oublié de la préparer, et parce qu'elle a le sentiment que la journée est trop palpitante pour une interrogation de vocabulaire. Leurs visages s'ouvrent comme s'ils étaient exposés à un soleil inopiné. (...)
Elle commence à leur parler, pas en anglais, mais en norvégien. De pensées. De curieux petits instants dont on se souvient simplement, longtemps, même s'ils n'étaient pas grandioses. (...) Et de tout l'intempestif qu'on croit ne pouvoir partager avec personne.

http://delivrer-des-livres.fr/challenge-rentree-litteraire-2014/
Ces "petits instants" sont ceux qui tissent la trame de ce roman composite. Celle qui les vit, "elle", peut être l'héroïne ou une autre. Je ne la distingue pas très bien en sortant de cette lecture, elle est une femme mais aussi toutes les autres, faite de leurs peurs, de ces "curieux petits instants" liés à la maternité, au travail à la vie commune avec un homme. C'est peut-être bien ce qui fait la force de cette histoire à la fois unique et universelle. 
L'avis de Nadael qui a aimé aussi.


Merci à PM pour cet envoi !


dimanche 2 novembre 2014

Purgatoire des innocents de Karine Giebel


Avertissement : âmes sensibles s’abstenir absolument…
Voilà un polar diablement efficace qui m’a rivée pendant deux jours sur un fauteuil, le livre à la main ! L’intrigue se tisse sur deux histoires qui finissent par s’entrecroiser.

Histoire un : le braquage foireux
Raphaël, un cambrioleur de haut vol vient de sortir de prison. Il a déjà écopé de quatorze années d’enfermement pour vol, ce qui ne l’empêche pas de monter un nouveau coup avec son frère Will, le benjamin de la famille, et deux autres larrons. Le cadet, Anthony, ancien dealer, est tombé sur les trottoirs de Marseille : deux balles dans la peau. Alors que ce coup devait être le dernier et la promesse d’une retraite dorée, tout foire. Bilan : deux morts, un blessé grave et une débandade en voiture sur les routes de France pour fuir Paris au plus vite. 
 
 Histoire deux : une étrange vétérinaire
Sandra, vétérinaire de son état, mène une vie qui semble bien rangée, dans un coin perdu de la France profonde. Mariée à un gendarme, elle exerce son métier en milieu rural et vit dans une maison isolée où elle élève des chevaux. Sous des dehors très normés, elle paraît cacher un passé qui ne demande qu’à ressurgir… 
Je vais bien me garder de vous en dire plus sur ce polar qui n’a pas fini de vous causer des frissons si toutefois vous vous décidez à l’ouvrir. Comme je l’ai déjà dit, je ne l’ai pas lâché avant la fin. Suspense, malaise, ambiance tordue, tous les éléments du thriller - version corsée - sont ici habillement dosés. C’est le quatrième polar de Karine Giebel  que je lis et je crois que je vais être obligée de lire les autres. J’avais commencé avec Chiens de sang, j’ai continué avec Juste une ombre – totalement diabolique – acheté au festival du Chien jaune à Concarneau, puis on m’a prêté Jusqu’à ce que la mort nous unisse. Je vais toutefois attendre un peu car c’est vraiment du noir, très très noir, et une pause s’impose entre deux volumes… Je n'ai d'ailleurs pas ouvert un polar depuis cette lecture.
Seul bémol pour moi, l’abondance de phrases non verbales. Cela rend l’ensemble efficace, le rythme rapide à souhait, mais on regrette parfois de n’avoir pas une écriture plus fluide et moins syncopée. 


Extrait
Après, ce sera le bureau d’un juge, les nuits au dépôt.
Et la maison d’arrêt. Son quartier d’isolement.
Suite du calvaire.
C’est le jeu.
Drôle de jeu.
Le procès, le troisième déjà.
La peine, toujours plus lourde.
D’un point de vue pénal, mieux vaut violer une femme que le coffre d’une banque. Prendre les armes pour prendre l’argent là où il se trouve, voilà un crime impardonnable aux yeux de la justice… Vraiment aveugle, aucun doute.

samedi 25 octobre 2014

Rentrée littéraire 2014 - Le vrai lieu d’Annie Ernaux


En 2008, Michelle Porte, réalisatrice de documentaires sur V. Woolf et M. Duras, a proposé à Annie Ernaux de la filmer dans les lieux de sa jeunesse et d’aujourd’hui (Yvetot, Rouen, Cergy). L’écrivaine, enthousiasmée par le projet et convaincue que les lieux en questions sont la toile de fond sur laquelle se trace l’écriture, a immédiatement accepté. Le documentaire en question, Les mots comme des pierres, Annie Ernaux écrivain (Folamour Productions), a été diffusé sur France 3 en 2013. Les entretiens que propose ce livre ont été réalisés en 2011, durant trois jours, dans la maison de l’écrivaine à Cergy.
Ce livre s’adresse donc essentiellement aux lecteurs d’Annie Ernaux qui y trouveront de nombreux détails sur son écriture. Divisé en dix chapitres, il s’ouvre sur un lieu, Paris : Paris, je n’y entrerai jamais. La capitale symbolise à la fois le lieu de l’ascension sociale tant désirée tout autant que celui où elle n’est pas vraiment à sa « place ». 
Il faut toujours que je me justifie de ne pas habiter Paris, d’habiter à Cergy. Je dois lutter contre l’imaginaire des Parisiens et encore plus sur celui des provinciaux, tout de suite l’image des « cités » ! Il n’y a pas de cités à Cergy.
 Le lieu de la jeunesse, c’est Yvetot, lieu longuement évoqué dans Retour à Yvetot, et dans la plupart de ses récits.
Dans le troisième chapitre, « Ma mère, c’est le feu », l’écrivaine évoque le couple que formaient ses parents et donne une nouvelle image de sa mère, femme violente et autoritaire mais aussi croyante et « grande initiatrice de la lecture ». Consciente du poids de la domination masculine, la mère en question l’a soutenue dans ses études et l’a poussée à les continuer le plus loin possible. Elle a offert à sa fille Les raisins de la colère de Steinbeck et a acheté dès sa sortie Autant en emporte le vent. Cette femme forte fut le premier modèle de féminisme proposé à la petite Annie, avant qu’elle ne lise Le deuxième sexe.
 Grande lectrice d’Annie Ernaux, j’ai lu ce livre d’entretiens avec le plus grand intérêt. J’ai particulièrement aimé découvrir l’arrivée de « l’envie d’écrire ». Elle évoque dans le même chapitre l’envoi de son premier manuscrit qui fut lu par Jean Cayrol. Le chapitre « Sortir les pierres du fond d’une rivière » éclaire bien des facettes de l’œuvre et à lui seul mérite lecture.  Elle y évoque l’écriture de son roman Les armoires vides, commencé « dans un moment de fort désarroi », ainsi que son goût pour les photos. 

Annie Ernaux
 Ce qui me tenait fortement, c’était l’enjeu politique de mon entreprise. Remonter le monde du café-épicerie de mon enfance, c’était en même temps décrire la culture de ce milieu populaire, montrer qu’elle n’était pas, lorsqu’on était façonné par elle, ce qu’un regard cultivé juge avec mépris ou condescendance. Et ce qui m’importait, c’était de dévoiler les mécanismes par lesquels on transforme un individu en quelqu’un d’autre, en ennemi de son propore milieu. C’était cette mise en question de la culture, ce qu’une forme de culture fait à l’individu, cette séparation-là. Et finalement la violence de l’écriture était ce qui correspondait le mieux pour dire ces choses. 
Dans « Écrire, c’est un état », elle évoque longuement l’écriture de son roman Les années– un chef d’œuvre pour moi alors autant dire que je n’ai pas boudé mon plaisir… − avant d’évoquer, dans l’avant-dernier chapitre, le passage du temps.
Une lecture passionnante qui nous plonge dans la rivière au fond de laquelle Annie Ernaux trouve ses pierres. Une lecture qui donne envie de relire ses récits mais aussi et surtout qui invite à réfléchir sur l’acte d’écrire. Bien des textes me sont revenus en mémoire, de L’écriture comme un couteau en passant par L’autre fille, textes bâtisseurs pour l’écrivaine, mais aussi pour la lectrice que je suis.
Ici, l'entretien réalisé à l'occasion de la sortie de ce livre, sur le site des éditions Gallimard.
http://delivrer-des-livres.fr/challenge-rentree-litteraire-2014/
 

dimanche 19 octobre 2014

Près de mes bois


Source des photos ici

Bonjour,
Je vous abandonne un moment pour aller me ressourcer auprès de mes bois. Je vais toutefois penser à vous puisque cela sera l'occasion de rédiger mes trop nombreux billets en retard ! J'ai presque terminé le dernier Annie Ernaux dont je vous parle dès mon retour. Le dernier Quignard m'attend. Je dévore en ce moment un polar de K. Giebel et il me faudra évoquer aussi deux livres de littérature jeunesse particulièrement intéressants. 
Je vous souhaite un excellent week-end, j'espère que vous pouvez profiter de ce merveilleux soleil et des températures si exceptionnelles qu'elles en deviennent presque inquiétantes...
Bon dimanche à vous et à bientôt

Margotte

obsol:



‣ nature

mardi 14 octobre 2014

L’École des femmes de Molière



     C’est à l’occasion de la fête des Rois de l’année 1663 que Louis XIV fait représenter L’École des femmes, nouvelle comédie de Molière. Jouée  pour la première fois le 26 décembre 1662 au Palais-Royal, le succès de cette comédie fut immédiat et durable. Elle succédait à L’École des maris et à la pièce Les Fâcheux, qui remontaient à l’été 1661. La « fronde » qui va suivre cette représentation explique que chacun va s’y presser, d’autant plus que Molière va alimenter ce qui deviendra la « querelle de L’École des femmes » en créant La Critique de L’École des femmes. L’année 1663 sera ainsi rythmée par les épisodes liés à la Querelle lancée tout d’abord par Donneau de Visé dans ses Nouvelles nouvelles publiées un mois après la première de la pièce. Les enjeux du débat qui va durer un an sont esthétiques et moraux. Les récits, multiples, s’enchevêtrent dans une comédie dont les thèmes sont ancrés dans le monde contemporain et la structure de la pièce (5 actes) la rangent dans la catégorie des « grands textes » alors qu’elle propose des éléments de comique. Et c’est bien du côté du comique que les enjeux moraux se placent puisque Molière développe même dans cette pièce des allusions franchement sexuelles, ce qui va lui valoir d’être accusé d’impiété.

L’intrigue
Arnolphe (joué à l’origine par Molière), barbon quarantenaire, souhaite épouser une femme qui ne présentera pas les défauts des précieuses et autres femmes trop savantes à son goût. Sous le nom de M. de La Souche, il décide donc d’élever une jeune fille, Agnès, qu’il maintient non seulement enfermée, mais aussi ignorante. La pièce commence à la veille du mariage. Arnolphe s’entretient avec son ami Chrysalde, le « raisonneur » de la pièce. C’est l’occasion de nous présenter les principaux ressorts de l’intrigue à venir, et déjà nombre de bons mots et sentences fameuses :
Chrysalde : Oui : mais qui rit d’autrui,
Doit craindre, qu’en revanche, on rie aussi de lui.
Arnolphe : Épouser une sotte est pour n’être point sot.
Arnolphe : Chose étrange de voir, comme avec passion,
Un chacun est chaussé de son opinion !
La pièce commence alors qu’Arnolphe vient de s’absenter dix jours. Sa pupille et future femme, pendant ce temps, a rencontré Horace, un jeune homme beaucoup plus plaisant que notre vieux barbon, et capable de faire naître un désir jusqu’alors inconnu d’Agnès. Or, Horace est le fils d’un ami d’Arnolphe et les deux hommes se rencontrent à la scène 4. Le jeune homme, ravi de revoir un ami, en profite pour se confier. Il avoue son nouvel amour et les ennuis de la pauvre jeune fille élevée par un certain M. de La Souche. Le quiproquo ne sera levé qu’à la fin de la pièce, lorsque Horace, stupéfait, découvrira que son confident se confondait avec le père adoptif de sa bien aimée. Mais je ne vais pas vous révéler l’ensemble du dénouement…

Mise en scène de Jouvet en 1936
L’intérêt de la pièce 
Le comique
Molière, dans cette pièce, a joué des allusions grivoises et pour qui s'avère bon public concernant l’humour dit « bas » (c’est mon cas, je l’avoue, et avec le sourire en plus…), le texte offre de quoi s’amuser. On y trouve la fameuse scène du « le » dans laquelle Arnolphe s’inquiète de ce que le jeune Horace risque d’avoir pris à Agnès. La scène entre les domestiques où Alain explique à sa femme qu’elle peut se comparer à un « potage » est également drôle. Les autres ressorts du comique dépendent beaucoup de l’interprétation du texte, ce dont j’aurai l’occasion de vous reparler (j’ai visionné la mise en scène de Jacques Lassalle, avec Olivier Perrier dans le rôle d’Arnolphe).
La structure de la pièce
Première pièce en cinq actes de Molière, et considérée comme la première « grande comédie » du dramaturge, L’École des femmes présente une structure originale et inhabituelle. En effet, au lieu de nous proposer l’action, Molière a joué sur la narration d’actions dont le spectateur ne prend connaissance qu’au travers du discours. Ainsi, la bastonnade donnée à Horace n’est pas jouée. Le spectateur voit Horace à terre, et c’est au travers de ce qu’il en raconte qu’il apprendra ce qui s’est passé.
La question féminine
La force de la pièce vient de la place qu’elle accorde à la question féminine. L’enfermement d’Agnès et le manque d’éducation qui est le sien posent la question de l’éducation des femmes. Les rapports entre les deux jeunes gens invite à se questionner sur le problème des mariages forcés (question hélas encore d’actualité). L’évolution personnelle d’Agnès invitent également à réfléchir sur le libre arbitre de chacun. En effet, alors qu’elle ne devait apprendre qu’à lire, et surtout pas à écrire, on apprend qu’elle sait écrire. Elle a donc transgressé les interdits de son père adoptif. On pourrait donc également gloser sur le bon usage de la transgression…

Extrait
Non, non, je ne veux point d’un esprit qui soit haut,
Et femme qui compose, en sait plus qu’il ne faut.
Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime,
Même ne sache pas ce que c’est qu’une rime ;
Et s’il faut qu’avec elle on joue au corbillon,
Et qu’on vienne à lui dire, à son tour : « Qu’y met-on ? »
Je veux qu’elle réponde : « Une tarte à la crème » ;
En un mot, qu’elle soit d’une ignorance extrême ;
Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,
De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.


http://lecture-spectacle.blogspot.fr/2013/12/challenge-theatre-2014.html