Toute nouvelle parution de la grande écrivaine norvégienne Herbjorg Wassmo annonce toujours un grand moment de bonheur pour moi. Depuis la lecture de la grande saga qui commence avec la trilogie du Livre de Dina, je me précipite sur chaque nouveau volume comme j'irais chez une vieille amie, le sourire aux lèvres.
L'écrivaine, fille de l'heure bleue et des aurores boréales, habite toujours à Hinnoya, une île à proximité du cercle polaire. Après l'excellent Cent ans qui nous contait histoire d'une dynastie de femmes du grand nord sur trois générations, elle nous livre ici un ouvrage qui s'arrête sur une seule femme. Ce roman m'a semblé le plus autobiographique de l'ensemble de l’œuvre. Certains points communs avec la vie de la romancière s'avèrent presque troublants.
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Contrairement à ses autres romans qui proposent en général une narration plutôt chronologique, l'écrivaine a composé avec Ces instants-là l'itinéraire d'une quête sous la forme d'une mosaïque. Chaque chapitre s'arrête sur un instant qui va compter dans la vie de l'héroïne et qui, quelque part, mène à ce qui sera le résultat de cet assemblage hétéroclite qui compose une vie : devenir écrivain. Deux références me viennent à l'esprit, Proust et sa Recherche pour la quête, Sylvie Germain et ses Petites scènes capitales qui trament le parcours de Lili.
L'héroïne, c'est "elle" dont on ne découvrira le prénom que tardivement, dans la bouche des autres, de ceux qui l'appellent. Le roman s'ouvre alors qu'elle fait sa rentrée au collège. Elle vit dans un lieu où les tourbières et les eaux du lac rendent le monde irréel. Son père, en revanche, est réel et lui fait du mal. Il sera présent tout au long de cette histoire comme celui qu'on méprise et qui, en quelque sorte, incarne la détestation.
"Son père fait toujours obstacle au monde. Aux gens qu'elle rencontre. Aux événements. Son père est une ombre qu'elle essaie toujours de gommer, mais ça ne marche pas. Elle sait bien que ça ne marche pas. Il a le pouvoir d'envahir ses rêves tant et si bien qu'elle se retrouve tout à coup debout au milieu de la pièce dans la nuit noire. Il diffuse au travers de toute chose une répulsion fétide. Même à l'église, son ombre est présente dans les moindres recoins."
Divisé en trois parties, le roman commence avec l'enfance et l'école, continue avec les études, le mariage et les enfants (elle en aura deux). La troisième partie commence sur une île et correspond à la vie du personnage principal devenu écrivain. Dans ce découpage de la vie, des instantanés qui s'arrêtent sur des moments caractérisés par leur titre : "Aller en visite en Suède", "A la fenêtre de la honte", "Le prix de l'instruction", "Rêve d'un espace à soi" (on pense ici à V. Woolf...), "Cours d'anglais" auquel je décerne une mention spéciale à cause de ce passage tellement évocateur (elle est alors devenue institutrice et va continuer des études de lettres) :
Et elle s'entend dire qu'il n'y aura pas d'interrogation de vocabulaire, parce qu'elle a oublié de la préparer, et parce qu'elle a le sentiment que la journée est trop palpitante pour une interrogation de vocabulaire. Leurs visages s'ouvrent comme s'ils étaient exposés à un soleil inopiné. (...)
Elle commence à leur parler, pas en anglais, mais en norvégien. De pensées. De curieux petits instants dont on se souvient simplement, longtemps, même s'ils n'étaient pas grandioses. (...) Et de tout l'intempestif qu'on croit ne pouvoir partager avec personne.
Ces "petits instants" sont ceux qui tissent la trame de ce roman composite. Celle qui les vit, "elle", peut être l'héroïne ou une autre. Je ne la distingue pas très bien en sortant de cette lecture, elle est une femme mais aussi toutes les autres, faite de leurs peurs, de ces "curieux petits instants" liés à la maternité, au travail à la vie commune avec un homme. C'est peut-être bien ce qui fait la force de cette histoire à la fois unique et universelle.
L'avis de Nadael qui a aimé aussi.
L'avis de Nadael qui a aimé aussi.
Merci à PM pour cet envoi ! |
je l'ai lu sans dépliaisir mais sans passion réelle, nettement moins bon à mon avis que Cent ans
RépondreSupprimer@Dominique : ce n'est sans doute pas le meilleur mais je l'ai lu surtout en le plaçant face à l’œuvre, en perspective. De ce point de vue là, j'ai vraiment pris plaisir à le lire, même si j'ai été nettement moins "emportée" que par "Cent ans" ou par la trilogie de Dina. Et puis, c'est celui qui évoque le plus l'écriture. En cela, il est sans doute très personnel pour l'écrivaine.
SupprimerJe dois déjà lire "cent ans" et le commentaire de Dominique me fait penser qu'il faut vraiment que je commence par lui.
RépondreSupprimer@Aifelle : "Cent ans", j'ai vraiment adoré ! Tu as un beau moment de lecture devant toi ;-)
SupprimerJe suis moi aussi cette auteure, que j'admire comme toi, depuis "Le livre de Dina", je n'ai pas encore tout lu, notamment "Cent ans" qui sur mes étagères depuis un petit moment. Il me semble d'ailleurs que je l'avais noté chez Dominique .... Du coup, tu me donnes vraiment envie de m'a attaquer .... Plus qu'à celui-ci, peut-être que comme parle semble-t-il beaucoup de l'écriture, je crains de ne pas assez bien connaitre l'auteure pour apprécier ...
RépondreSupprimer@Athalie : cela reste un roman, que l'on peut vraiment apprécier sans connaître cette écrivaine. Bien la connaître c'est juste un plus, comme pour la plupart des ouvrages, que l'on apprécie d'autant plus que l'on connaît bien l’œuvre dans laquelle ils s'inscrivent... Tu passeras un très bon moment avec "Cent ans" ;-)
SupprimerJe le lirai, parce que je suis fan de Herbjorg Wassmo.!
RépondreSupprimer@Anne : nous sommes au moins deux alors ;-) Bonne semaine !
Supprimerj'ai repéré cette lecture aussi.
RépondreSupprimer@Line : elle doit commencer à être commentée un peu sur les blogs comme elle fait partie de la rentrée littéraire. Une lecture à faire pour moi ;-)
SupprimerJ'aurais pu écrire à la lettre tes premières lignes ;0) Depuis ma lecture de la trilogie de Dina je suis fan, archi fan. L'histoire avec le père était déjà dite dans "Cent ans", celui ci semble encore plus autobiographique. Et je suis d'accord avec les commentaires "Cent ans" est vraiment magnifique !! Bisous, bonne semaine (je rajoute ton billet dans vos billets les plus inspirants :0)
RépondreSupprimer@Lor : je vais encore être sous les feux de la rampe alors, la veine ;-) Bonne semaine, et bon férié !
SupprimerVous voilà aussi dans le «composite».... Je ne connais rien de la littérature norvégienne, et certainement pas encore Wassmo. Celui-ci semble être le plus traduit en français ces derniers temps ?
RépondreSupprimerCette histoire est dans doute un peu autobiographique, mais comment savoir...
@Christw : celui-ci vient de sortir, c'est pour cela qu'on en parle en ce moment. Oui, cette histoire est sans doute autobiographique en partie mais contrairement à certains auteurs qui se répandent en détails scabreux tout en respectant bien peu ceux qui ont vécu avec eux parfois, H. Wassmo laisse planer le doute... et le doux mensonge littéraire... Mais pour qui connaît assez bien son œuvre, il y a des analogies plus que troublantes.
SupprimerJe ne connais pas du tout cette romancière (et je suis inculte en littérature scandinave) mais j'aime beaucoup ce que tu dis sur la construction d'une romancière. Par contre je crains le côté "instantanés de moments" envoyés sans chronologie au lecteur, parfois je reste en dehors quand il manque un fil rouge...
RépondreSupprimerDu coup j'hésite.
@Galéa : rassure-toi, les instantanés sont quand même proposés dans l'ordre chronologique. On n'a pas du tout de mal à se retrouver dans le "fil" de sa vie. Bonne journée à toi :-)
Supprimerok, reçu
SupprimerJe viens juste de terminer le livre de Dina qui m'a emballée! C'est une découverte pour moi !Quel talent! Quelle force dans sa plume et ces personnages extraordinaires.!
RépondreSupprimer@Claudialucia : je comprends ton enthousiasme ! J'en garde un souvenir de lecture fébrile ;-) En plus, ce qui est génial, c'est que tu as la suite à lire...
SupprimerJe découvre l'auteure avec ce roman-là. Quel bonheur son écriture... évidemment j'ai désormais envie de lire Le livre de Dina, et Cent ans aussi... Merci pour le lien, je vais faire de même avec ton billet. Bonne journée.
RépondreSupprimer@Nadael : "Le Livre de Dina", tu vas adorer :-) Merci pour le lien ! Bonne soirée à toi.
SupprimerJ'avais beaucoup aimé "Cent ans" !
RépondreSupprimer@Alex : oui, c'est un très bon roman, un bon cru de cette écrivaine (il faut dire qu'il n'y a pas beaucoup à jeter...).
SupprimerTrès tentante, cette mosaïque d'instants. J'ai lu "Cent ans", rien d'autre, donc "La trilogie de Dina" me paraît à noter aussi, après ce billet enthousiaste.
RépondreSupprimer@Tania : si tu commences la trilogie, je te promets de longs moments de lecture fébrile !
SupprimerJe n'ai jamais lu l'auteure mais visiblement ce n'est pas pas celui-là qu'il faut que je commence.
RépondreSupprimer@Sylire : non, ce n'est sans doute pas le meilleur pour commencer, il vaut mieux commencer par les débuts et donc par la fameuse trilogie de Dina :-)
SupprimerUn cadre et une construction très originaux... Je note le nom de cette auteure ! merci :-)
RépondreSupprimer@FondantOchocolat : oui, ce livre a le mérite d'être original en terme de structure, on sent que la romancière maîtrise maintenant parfaitement son art ! Bon dimanche :-)
SupprimerIl me tente bien ! ans aussi !
RépondreSupprimerBonne journée !
@Enitram : les deux sont de petits bijoux ! A consommer sans modération ;-) Bonne semaine à toi !
SupprimerJe suis en train de lire la suite : Le fils de la Providence; Très intéressant aussi mais un peu moins que Dina; afin, je ne l'ai pas encore terminé!
RépondreSupprimer@Claudialucia : il faut avouer qu'après la trilogie de Dina, on aime les autres mais surtout parce qu'on retrouve les personnages qui nous on tant fait vibrer ;-) Enfin, ce fut le cas pour moi... idem pour la suite (les aventures de Karna).
SupprimerJe me réjouis de le découvrir bientôt !
RépondreSupprimer@Noukette : une chance ! c'est un vrai plaisir de lecture ;-)
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