Quoi de mieux, pour une ébauche
de retour sur la blogosphère « littéraire » qu’un court roman de
Joyce Carol Oates ? L’ouvrage est sous-titré « Un conte
gothique » mais affiche son genre : roman. Ce court récit d’une
centaine de pages a dû être écrit pour une revue puisqu’il est d’abord paru
dans l’Ontario Review. Philippe Rey, qui édite nombre des parutions de la
grande dame américaine, a été fort inspiré de nous le proposer en édition de
poche. Les aficionado(a)s de la romancière ne seront pas déçus. On y retrouve
la JC Oates de la trilogie de Bellefleur
et de ses autres romans au suc vénéneux. On y retrouve la moiteur du sud des
Etats-Unis rempli d’alligators furieux et de crapauds qui parlent. On y retrouve
la décomposition du bois des grandes maisons de maîtres qui cachent des secrets
qui hurlent. Je m’y suis installée in media res, heureuse de retrouver une
vieille amie chez qui j’aime prendre un thé dont la saveur, connue, est
pourtant toujours renouvelée.
Ecoutez :
La claque du soleil sur ton front, légère, comme en signe
d’avertissement, il n’est même pas huit heures du matin, et, déjà, il fait
chaud. Tu cours, cours ! Tes pieds s’enfoncent dans la terre spongieuse.
De toutes parts résonne le vacarme furieux des oiseaux, des crapauds-buffles et
des cigales. Au pied de la colline, des planches ont été posées en travers du
marais ; tu te demandes s’il est prudent d’y mettre le pied, elles sont
tellement pourries. (1ère page)
Durant l’été chaud et humide de
ses onze ans, Josie se retrouve dans la maison de sa grand-mère Esther à
Ransomville, dans l’état de New York. Sa mère a fui le domicile conjugal pour
venir échouer avec sa fille dans le rôle de « parent pauvres dans la
vieille maison des Burkhardt ». Les deux étages de la demeure immense
dominent la rivière de Cassadaga, en lisière de marais. La maison du Révérend –
aujourd’hui mort – est occupée par Esther et son petit-fils Jared Jr venu y
passer l’été. Le jeune homme de vingt-cinq ans souhaite devenir pasteur
presbytérien et suit des études dans un séminaire, à Rochester.
Alors que la mère de Josie, jeune
femme de trente et un ans totalement immature, scelle sous le sceau du silence
les raisons de son départ, sa fille se laisse entraîner dans un jeu malsain au
fond des marais. Se tisse alors une étrange histoire de « premier
amour » sur fond de moiteur. Les deux premières phrases du récit donnent
le la : Le serpent noir. Tu te sens
attirée !
Alors que je m’apprête à
commencer un livre de nouvelles de la même romancière, Étouffements, je referme ce court récit un peu sonnée. JC Oates
nous propose ici de ces récits cruels dont elle a le secret. Un court récit
charpenté et écrit, qui développe ses saveurs y compris une fois sagement installé entre Chutes et Délicieuses pourritures.
Ce n'est pas l'envie qui me manque de la lire, mais elle écrit de tels pavés que je n'arrive que trop rarement à les caser. Mais un texte court tel que celui-ci, pourquoi pas, surtout s'il est vénéneux...
RépondreSupprimer@Sandrine : c'est vrai qu'elle a écrit d'énormes pavés mais dans son œuvre pléthorique, on trouve aussi des récits de taille "raisonnable" quand on ne veut pas se lancer dans un roman fleuve. Ici, 100 pages, c'est parfait pour un début ;-)
SupprimerJe n'en ai lu qu'un d'elle et je n'ai pas recommencé. Son univers est trop sombre et trop glauque pour moi.
RépondreSupprimer@Aifelle : un univers sombre mais quelle écriture ! Et puis, cela dépend de ses romans. Le recueil de nouvelles que je viens de commencer est noir à souhait mais vraiment excellent ("Etouffements"). Bonne journée à toi !
Supprimerj'ai encore une pile de ses romans à lire: brrrr un peu désespérant et pourtant j'en ai apprécié certains mais elle écrit trop cette dame :-)
RépondreSupprimer@Dominique : on est d'accord ! elle a une vitesse de production à la Balzac... elle est impressionnante ! J'ai beau en lire régulièrement, je n'arrive pas à suivre.
Supprimertu as l'art de savoir convaincre! Et le titre me rappelle le livre de Tourgueniev... nostalgie !
RépondreSupprimer@Violette : je n'avais pas fait le rapprochement avec Tourgueniev. Je n'ai pas lu le livre en question, mais il semble te rappeler bien des choses... tu éveilles ma curiosité ;-)
SupprimerUn court JCO pour se remettre en selle, bon choix ! Pas lu celui-ci, ni tant d'autres de cette romancière que j'aime beaucoup malgré la noirceur de son univers.
RépondreSupprimer@Tania : je l'ai acheté en prévision de cette remise en selle... et tant qu'à faire, j'en ai acheté deux de cette écrivaine dont décidément je ne me lasse pas...
Supprimerah toute cette noirceur me fait peur, je n'ai déjà pas trop le moral ;-)
RépondreSupprimer@Adrienne : oui, c'est sûr qu'en période de baisse de moral, ce n'est peut-être pas l'écrivaine à lire... enfin, elle écrit tellement bien qu'on peut quand même se consoler grâce à la qualité de son écriture !
SupprimerBonne fin de journée à toi ! J'espère que ton voyage scolaire s'est bien passé ;-)
Chaque fois que je découvre un billet sur JCO, je me dis qu'il faudrait la lire. J'ai d'ailleurs vu cet amour de jeunesse quelque part en rayon récemment, ne devrais-je pas bientôt me laisser attirer dans les marais, parmi les sucs vénéneux de la sombre américaine du Sud...?
RépondreSupprimer@Christw : oui, laissez vous entraîner ! ce livre est particulièrement bien écrit... Vous avez dû le voir car P. Rey vient de sortir cette nouvelle édition en poche. Je crois que le livre était déjà sorti avant en version poche chez Babel. Bonne journée !
SupprimerMon souci avec Oates, c'est de tenter de ne lire que les "bons" .... Mon dernier fut "Zombi", et franchement, même s'il est court, j'ai réussi à m'ennuyer ( et pourtant j'aime l'écriture et l'univers de cette auteure),. Ce titre semble "savoureux et sonnant", je le retiens pour ma prochaine incursion dans la production pléthorique de Oates.
RépondreSupprimer@Athalie : avec celui-ci, peu de chance que tu sois déçue !
SupprimerJe n'aime pas trop son univers. Déjà le mot gothique pour un roman me fait frémir ! c'est sûrement une belle écriture mais j'ai du mal avec ses histoires. Je retiens malgré tout ce petit opus !
RépondreSupprimerA bientôt
@Enitram : tu fais bien de le noter, c'est vraiment une belle écriture, que l'on y mette l'adjectif gothique ou pas ;-)
SupprimerJe ne connais pas encore la trilogie Bellefleur mais elle me tente bien et je note aussi ce titre que je ne connais. Il me semble que j'ai encore Blonde dans ma PAL et j'en lirai de temps en temps, étant donné qu'elle a écrit de nombreux romans que je n'ai pas encore lu...
RépondreSupprimer@Maggie : clairement, il est quasi impossible de suivre son rythme de production, d'autant plus qu'il y a d'énormes pavés... la trilogie avec Bellefleur est dans mes projets depuis des lustres, j'ai lu des extraits mais j'attends une période longue avec du temps ;-) Pour le moment, j'ai attaqué La Recherche, ce qui est déjà un sacré morceau...
SupprimerJC Oates c'est comme George Sand! Je m'explique! On croit que l'on connaît l'auteure mais elles écrivent tellement que l'on n'aperçoit que l'écume... Bellefleur! Quel livre! j'en frissonne encore! Aaah! l'histoire de l'araignée! Par contre je n'ai pas lu celui-ci... mais j'y viendrai!
RépondreSupprimer@Claudialucia : ton commentaire me donne encore plus envie de plonger dans Bellefleur mais il me faudra encore attendre un peu ! Tu m'intrigues avec cette histoire d'araignée en plus... Cela sera peut-être pour cet été ?... En attendant, je viens de me ruiner chez mon libraire avant de repartir près de mes bois et au programme, cela sera Zola ;-)
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