Toni Morrison
n’a pas son pareil pour nous faire entendre des voix qui, longtemps après la
lecture, chuchotent encore à notre oreille. Dans ce onzième roman, elle compose
une fois de plus une mélodie polyphonique. Les points de vue de Sweetness (mère
de Bride), de Brooklyn (une amie), de Sofia (ex-taularde), et des autres, sont
centrés autour de celui du personnage de Lulla-Ann surnommée Bride, jeune noire
née couleur de goudron. Ce noir tirant vers le bleu effraie sa mère dès
l’arrivée de l’enfant et va déterminer d’événements centraux de son existence.
Ce poids des origines leste
l’ensemble de la vie de Bride et guide l’avancée du roman. Sujet central, il ne
cesse de tirer les personnages vers des directions qui les perdent. Ainsi, la
peur de la mère de Bride face à la couleur de sa fille va entraîner un
véritable drame pour l’enfant qui n’aura de cesse d’être enfin vue, et surtout
reconnue par cette mère au regard fuyant. Booker, le petit ami de Bride, est
lui marqué par un deuil impossible, celui d’un frère aîné aimé comme un jumeau
perdu.
On retrouve ici, avec le thème des origines, celui de l’enfance brisée. Presque tous les romans de Toni Morrison présentent des enfants marqués par des existences trop tôt devenues celles d'adultes. Ils sont souvent l’écho miniature des tentatives maladroites des adultes pour ordonner une vie qui n’a de cesse de repartir sur les chemins de traverse, quand ce n’est pas pour sombrer dans quelque obscur précipice. Quand j’ouvre l’un des romans de cette romancière, j’ai l’impression de retrouver la même histoire toujours renouvelée. Il y est question de l’attraction vers la vie qui se confond parfois avec celle du vide. Il y est question du mal, celui que l’on fait à ceux qu’on ne connaît pas, mais aussi à ceux qu’on aime. Il y est question des femmes dont la couleur, répulsive ou attractive, induit un regard particulier.
On retrouve ici, avec le thème des origines, celui de l’enfance brisée. Presque tous les romans de Toni Morrison présentent des enfants marqués par des existences trop tôt devenues celles d'adultes. Ils sont souvent l’écho miniature des tentatives maladroites des adultes pour ordonner une vie qui n’a de cesse de repartir sur les chemins de traverse, quand ce n’est pas pour sombrer dans quelque obscur précipice. Quand j’ouvre l’un des romans de cette romancière, j’ai l’impression de retrouver la même histoire toujours renouvelée. Il y est question de l’attraction vers la vie qui se confond parfois avec celle du vide. Il y est question du mal, celui que l’on fait à ceux qu’on ne connaît pas, mais aussi à ceux qu’on aime. Il y est question des femmes dont la couleur, répulsive ou attractive, induit un regard particulier.
C’est peut-être ce jeu des
regards qui induit l’attraction, qui, de roman en roman, nous pousse à revenir
vers les nouveaux personnages de l’écrivaine. Les échos qui bruissent dans son
œuvre s’éveillent dès qu’on découvre la première page d’un nouveau roman. Et c’est
bien à cela que l’on reconnaît les grands…
L’incipit
Sweetness
Ce
n’est pas ma faute. Donc vous ne pouvez vous en prendre à moi. La cause, ce
n’est pas moi et je n’ai aucune idée de la façon dont c’est arrivé. Il n’a pas
fallu plus d’une heure après qu’il l’avait tirée d’entre mes jambes pour se
rendre compte que quelque chose n’allait pas. Vraiment pas. Elle m’a fait peur,
tellement elle était noire. Noire comme la nuit, noire comme le Soudan. Moi, je
suis claire de peau, avec de beaux cheveux, ce qu’on appelle une mulâtre au teint
blond, et le père de Lula Ann aussi. Y a personne dans ma famille qui se
rapproche de cette couleur. Ce que je peux imaginer de plus ressemblant, c’est
le goudron (…).
grand, sûrement, mais très sombre (sans vouloir faire de mauvais jeu de mots)
RépondreSupprimer@Adrienne : les romans de Toni Morrison sont toujours assez sombres mais ils disent aussi la force qui anime certaines femmes. Pour moi, c'est la plus grande romancière américaine avec JC Oates, rien que ça...
SupprimerQuel retour ! J'avais beaucoup aimé ce romans et je devais en lire d'autres du même auteur mais toujours pas fait hélas !
RépondreSupprimer@Maggie : il a bien des auteurs qu'on aimerait découvrir entièrement... et nous manquons cruellement de temps pour le faire ;-)
SupprimerContente de te retrouver, Margotte. Je ne sais pourquoi, je reste à distance jusqu'à présent de cette romancière, une question d'écriture ou de traduction - alors que j'entre tout de suite dans les romans de JC Oates, j'ai d'ailleurs pensé à "Mudwoman" en lisant ton billet.
RépondreSupprimer@Tania : je n'ai pas lu "Mudwoman" mais j'ai programmé la lecture d'un JC Oates pour les vacances de Pâques !
SupprimerL'entrée dans l'univers de T. Morrison est, me semble-t-il, plus difficile, à cause des nombreux points de vues et des voix qui s'entremêlent souvent. Enfin, la rencontre entre un auteur et un lecteur dépend de tellement de facteurs... La rencontre se fera peut-être un jour ? Bonne soirée à toi.
Oui, un grand roman !
RépondreSupprimer@Hélène : comme souvent avec Toni Morrison ;-)
SupprimerJ'ai lu un de ses roman que j'ai apprécié mais je suis peu sensible à l'aspect irrationnel et plus ou moins magique de cette auteure
RépondreSupprimer@Luocine : au contraire, c'est un côté que j'aime beaucoup...
SupprimerPas encore lu celui-là mais j'ai un grand souvenir de "Home" découvert il y a quelques mois !
RépondreSupprimer@Anne : j'avais beaucoup aimé "Home" aussi, acheté dès sa sortie...
SupprimerUne auteure que j'aime beaucoup : Beloved, Tar baby, Home. je suis loin d'avoir tout lu d'elle. Celui-ci est le dernier,je crois. Je pense bien le lire un jour ou l'autre.
RépondreSupprimer@Claudialucia : oui, il s'agit du dernier, sorti il y a déjà quelques mois. Si tu aimes cette écrivaine, ce roman te plaira comme les autres ! On y retrouve son univers et ses thématiques habituelles.
SupprimerJe n'ai pas encore lu cette auteure, pourtant ce n'est pas l'envie qui m'en manque !
RépondreSupprimer@Aifelle : reste à te lancer ! il faut juste trouver le bon moment ;-)
SupprimerUne lecture que j'avais beaucoup aimée, même si je préfère ses premiers romans.
RépondreSupprimer@Alex : ce n'est peut-être pas mon préféré. Le plus marquant pour moi reste "Beloved", mais j'avais également adoré "Un don", sorti en 2008.
SupprimerBonjour Margotte, autant j'avais aimé Home, mon premier Morrison, autant Délivrances ne m'a pas intéressée et je n'ai pas retrouvé le style incomparable de Home. Une déception en ce qui me concerne. Bonne après-midi.
RépondreSupprimer@Dasola : comme je viens de le dire à Alex, ce n'est pas mon préféré mais j'ai aimé me replonger dans son univers même si je n'ai pas eu "l'éblouissement" provoqué par les deux que je cite plus haut. Bonne après-midi à toi aussi :-)
Supprimerje n'ai pas encore lu celui là, je l'ai en réserve car je sais que c'est un bon roman alors il patiente pour le jour où sa lecture va devenir impérative, et ça arrive toujours ce moment là
RépondreSupprimer@Dominique : j'imagine que cela arrivera même sans tarder... c'est le genre d'ouvrage qu'on ne laisse pas très longtemps en attente ;-)
SupprimerLa polyphonie fait le charme des romans de l'américaine. Je trouve son style naturel, pas élaboré, abrupt ou spontané, c'est selon l'impression positive ou pas qu'on veut rendre. "More" l'avait un peu déçu.
RépondreSupprimer@Christw : oui, le style semble "naturel", mais en même temps, cette polyphonie doit demander une bonne dose de virtuosité stylistique.
SupprimerUn de mes derniers coups de coeur de ces derniers mois (et un des rares dont j'ai parlé chez moi ;0) J'ai vraiment adoré, ces personnages cabossés sont vraiment attachants et pleins pleins de thèmes sont abordés. J'en garderais un beau souvenir. Si tu veux me lire ;
RépondreSupprimerhttps://lorouge.wordpress.com/2016/01/21/delivrances-de-toni-morrison/
@Lor : je vais de ce pas lire ça chez toi...
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