Vous vous souvenez peut-être de mon enthousiasme pour le journal "extime" publié par Belinda Cannone l'an dernier, La Chair du temps. Elle y suivait au jour le jour les effets produits sur elle par un drame personnel : le vol de deux malles dans lesquelles elle conservait tous ses écrits, lettres et photographies. Depuis cette lecture, j'ai découvert quelques romans de cette universitaire professeur de lettres à Caen, ainsi que ses essais (billet sur L'écriture du désir ICI). J'attendais bien sûr avec impatience son prochain ouvrage, tout en me demandant s'il serait encore marqué par le fameux vol. Ravie de découvrir, dans l'avalanche des 550 ouvrages de la rentrée, un nouveau récit de l'écrivaine, je n'ai pas été totalement surprise en découvrant un récit autobiographique, bel hommage à son père aujourd'hui disparu.
Le désir de ce livre est né en 2009, trois ans après la mort du père. Un petit essai Le Baiser peut-être, est venu retarder le moment de l'écriture avant que l'événement déjà évoqué ci-dessus, survenu le 7 mars 2011, vienne interrompre la rédaction du livre. Après avoir rédigé La Chair du temps, 15 mois se sont écoulés avant que Belinda Cannone reprenne l'idée de ce livre. Énième hommage vibrant au père me direz-vous... mais un peu plus pour moi, pour deux raisons.
Un père original qui tenait des carnets
"Incorrigible bavard", le père de Belinda Cannone déversait un tel flot de paroles quotidien qu'elle eut, enfant, des hallucinations hypnagogiques liées à ce déferlement verbal. C'était également un homme assez étrange qu'elle compare à L'Idiot de Dostoïevski. Quitté rapidement par sa femme (cette rupture sera le drame de sa vie), il aura peu d'amis. Son métier ne l'intéressait pas, pas plus que le fait de gagner de l'argent. Affublé d'une compassion extrême, il était prêt à tout pour éviter de blesser quelqu'un. L'ensemble de ses traits de caractère font dire à sa fille aînée qu'il eut une vie ratée mais qu'il était original (elle s'interroge même sur une éventuelle "folie"). Mais, surtout, il lui a transmis, comme un "passeur", le goût de penser par elle-même. Il faut avouer que c'est déjà un magnifique cadeau éducatif...
Assister à la composition d'un récit autobiographique
Si je n'ai pas particulièrement goûté le personnage du père ici décrit, j'ai aimé la démarche de l'écrivaine qui, comme dans son "journal extime", analyse le cheminement autobiographique tout en rédigeant son texte. Plus qu'un simple hommage au père, on assiste donc ici à la construction du récit qui semble se faire sous nos yeux : "Je crois que je vais souvent écrire "peut-être", et aussi mêler le Je et le Nous (les quatre enfants). Dans une fratrie, aucun n'a exactement le même père, mais mes frères et ma sœur reconnaîtront le nôtre. Il sont heureux que j'écrive ce livre (...)".
En treize chapitres, elle compose donc un portrait tout en essayant de reconstituer ce qui lui fut transmis, sans vraiment savoir si elle arrive à ses fins. C'est que j'ai aimé, je crois, cette manière d'avancer sur le fil, sans certitudes, loin de tout effet de posture. J'irai donc acheter également le petit essai qui vient de paraître chez Folio, Petit éloge du désir.
Extrait
"Mon père ne souhaitait pas que je devienne écrivain. Une fois, alors que je publiais (sans succès) depuis une douzaine d'années, il m'a demandé pourquoi je n'attendais pas la retraite pour écrire et ne me faisais pas plutôt femme d'affaires (j'étais universitaire)... Je me souviens que ma soeur, ou ma mère, je ne sais plus, avait bondi en entendant l'anecdote : c'était tellement lui, ça ! Tellement lui : il pouvait parfois dire n'importe quoi, ce qui lui traversait l'esprit, lancer des idées comme un enfant des gestes désordonnées. Il était pourtant fier de moi (...). "
Interview très éclairante de l'auteur ICI
Article publié dans La Vie
Je l'ai vu ces jours-ci, je ne sais plus où et me suis dit que c'était un livre à retenir. J'attendrai qu'il soit à la bibliothèque.
RépondreSupprimer@Aifelle : il sera en effet sans doute commandé... bon dimanche à toi !
SupprimerIl a l'air drôlement bien. C'est drôle parce que ce que tu dis ça me fait penser à la démarche de JUlie Wolkenstein avec son propre père, elle aussi est universitaire je crois. Je me le note
RépondreSupprimer@Galéa : je n'ai jamais lu encore Julie Wolkenstein mais me souviens bien de ton billet à son propos... Bon dimanche à toi :-)
SupprimerBon, sûr que j'inscris cette auteure pour mes prochaines lectures !
RépondreSupprimerTon billet enthousiaste me donne une nouvelle fois envie de lire ses opus !
Bon dimanche !
@Enitram : il devrait te plaire ce livre ;-) Bon dimanche à toi aussi, avec le soleil au rdv...
SupprimerTe voilà fan de l'auteure.
RépondreSupprimer@Alex : une écrivaine que je vais suivre, c'est sûr ;-)
Supprimer"Quand j'ai dit à mon père que je voulais écrire il m'a demandé "À qui ?" Ce mot est de Maurice Donnay, le mien, sévère ingénieur, aurait certainement dit la même chose....
RépondreSupprimer@Jeanmi : j'adore le mot de M. Donnay que je ne connaissais pas :-)
Supprimerun beau billet pour un écrivain que je ne connais absolument pas! Et malgré ton enthousiasme, je ne suis pas trop tentée... pas fan des autobiographies...
RépondreSupprimer@Violette : j'adore quand on m'écrit "beau billet" ;-) merci donc Violette ! Si tu n'es pas tentée par les autobio, tu peux passer en effet. C'est un genre vers lequel je me dirige alors que je n'en lisais pas beaucoup avant. A suivre...
SupprimerJ'avais beaucoup aimé Entre les bruits, mais comme Violette, je ne suis pas fan d'autobiographie...
RépondreSupprimer@Nadael : pour moi, c'est l'inverse, je préfère ses essais et ses écrits autobiographiques, mais je n'ai pas encore découvert tous ses romans. A suivre donc ;-)
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