Alors que je cherchais désespérément un ouvrage se déroulant à Londres pour le mois anglais de Lou et Cryssilda, mais aussi un livre que j'avais envie de lire... Virginia Woolf s'est imposée tout naturellement. Ce petit recueil de 80 pages se compose de six textes qui proposent une découverte de la capitale anglaise tout autant qu'une découverte des populations qui la compos(ai)ent. Des docks de Londres à la Chambre des Communes, l'écrivaine nous emmène visiter sa ville tout en posant un regard aiguisé sur les différences qui marquent les classes sociales. Sociologue avant l'heure, Virginia analyse avec beaucoup de lucidité la manière dont les lieux s'associent avec une population qui l'incarne, et inversement.
Les cinq premiers textes sont issus d'une commande du magasine Good Housekeeping. Les articles furent publiés dans les numéros de décembre 1931, janvier, mars, mai et octobre 1932 du magasine avant d'être édités aux États-Unis en 1975, en Angleterre en 1982, puis traduits en français pour l'édition présente en 1983.
L'ouvrage étant parfait pour partir à la découverte de la ville, je vous propose donc d'illustrer chaque chapitre par une photographie et une citation. Mon avis se limitera au relevé d'un aspect particulièrement frappant développé dans le texte.
1. Les Docks de Londres
Un trois-mâts scandinave dans le dock "West India", 1830 |
"En remontant à la vapeur vers Londres nous rencontrons ses ordures qui descendent le fleuve. Des péniches chargées de vieux seaux, de lames de rasoir, d'arêtes, de journaux et des cendres - tout ce que nous laissons dans nos assiettes et jetons dans nos boîtes à ordures - déchargent leurs cargaisons sur le sol le plus déshérité du monde."
Aujourd'hui, la rénovation ayant frappé, les docks ne ressemblent plus du tout à ce qu'ils étaient... En 1981, Mme Tatcher a lancé l'opération "Docklands" et les centres d'affaires ont remplacé les anciens équipements industriels. Vous pouvez vous en faire une idée ICI.
2. La marée d'Oxford Street
Oxford Street en 1930 |
Le début de ce texte particulièrement savoureux file la métaphore de "l'affinage" qui se déroule entre les docks et le quartier commerçant d'Oxford Street. Après la crudité des matériaux qui débarquent bruts des navires de transport, l'affinage donc. Les dockers cèdent le pas aux "habits noirs". Ici, tout "rutile et scintille". Mais les snobs et les moralistes montrent du doigt le quartier encore trop populeux à leur goût, quartier où l'on trouve de tout... et même des tortues :
"A un autre on trouve des tortues sur une litière d'herbe. Les plus lentes et les plus contemplatives des créatures accomplissent leurs tranquilles évolutions sur un pied ou deux de trottoir, jalousement préservées des pieds des passants."
3. Maisons de grands hommes
La description de la maison de Keates par Virginia Woolf semble bien éloignée de ce que l'on découvre aujourd'hui :
Maison de Keates à Hampstead |
"A part les deux chaises la pièce est vide, car Keats ne possédait pas grand chose, quelques meubles et, disait-il, pas plus de cent cinquante livres."
4. Abbayes et cathédrales
St Paul en 1930 |
"C'est un lieu commun, mais nous ne pouvons que le répéter : Saint-Paul domine Londres. De loin son dôme s'enfle comme une grosse boule grise qui se fait énorme et menaçante, écrasante, à mesure que nous approchons, pour disparaître d'un coup."
5. Voici la Chambre des Communes
Virginia Woolf, dans ce texte, manie avec brio une ironie bon teint. Elle se demande ainsi ce qu'il faut faire pour avoir le droit de se transformer un jour en l'une de ces statues qui regardent passer de leurs yeux vides les processions démocratiques. Les jacasseries des oiseaux du jardin doublent celles des vénérables messieurs des Communes. Dans ce lieu où l'on change le destin du monde, on porte "les hauts-de-forme les mieux lustrés qu'on puisse voir en Angleterre", on est "sévère comme le marbre" et l'on respecte un code de conduite imperturbable.
6. Portrait d'une londonienne
Tasse "vintage" années 30 |
Ce dernier texte est une publication inédite en recueil. Il parut en décembre 1932 dans Good Housekeeping mais ne figurait pas dans les éditions américaine et anglaise. Il propose le portrait de Mme Crowe, Londonienne qui réside dans l'une de ces maisons privées qui incarnent la ville.
"C'était dans son salon que les innombrables fragments de la vaste métropole semblaient se rassembler en un ensemble vivant, compréhensible, amusant et agréable."
Vous l'avez compris à la lecture de ce billet sans doute, mon voyage en Angleterre se fera essentiellement en compagnie de Virginia Woolf...
2e participation au mois anglais |
Je suis donc venue prendre des nouvelles de vos lectures woolfiennes ! Comme c'est agréable, n'est-ce pas, de passer du temps avec cet auteur, et avec l'Angleterre, ....
RépondreSupprimerBonnes lectures et à très vite pour la suite !
@Bonheur du jour : c'est gentil de passer me rendre visite... j'ai avancé ce billet prévu initialement mercredi car jeudi, je réserve une surprise woolfienne sur le thème de la campagne.
SupprimerEn effet, c'est un vrai bonheur de rester en compagnie de Virginia Woolf. A bientôt alors ;-)
Pas lu ce recueil, merci Margotte. Sur Londres, un de ses textes que je préfère s'intitule "Au hasard des rues. Une aventure londonienne" ("La mort de la phalène").
RépondreSupprimer@Tania : je l'ai trouvé par hasard en biblio alors que je cherchais de quoi nourrir mon "mois anglais"...
SupprimerVirginia Woolf a écrit de très nombreux textes ! On connaît surtout les romans mais son œuvre est finalement très diversifiée. De quoi trouver son bonheur... Je connais le titre que tu cites mais je ne l'ai pas lu encore.
Bonne journée à toi.
Humm, Virginia Woolf, une de mes nombreuses lacunes...
RépondreSupprimer@Sandrine : on a tous et toutes des auteurs "phares" que l'on a pas encore lus... Une chance finalement car il s'agit de moments intenses à venir !
Supprimerje crois n'avoir jamais lu ces textes là , le problème en ce moment ce sont les parutions qui portent des noms différents pour des textes identiques à ceux que l'on a déjà, il est parfois difficile de s'y retrouver
RépondreSupprimermais bon pour VW qu'est ce qu'on ne ferait pas !
@Dominique : je ne sais pas si ce livre est ensuite sorti en poche... Je l'ai trouvé en biblio dans mes errances woolfiennes ;-) Mais je suis d'accord avec toi, pour Virginia qu'est-ce qu'on ne ferait pas !
SupprimerJe dirais pareil que dominique! Parfois on voit des parutions, pour découvrir qu'il s'agit de quelques nouvelles prises à part!Mais là ça m'a l'air nouveau! (et chic!)
RépondreSupprimer@Keisha : il est ressorti en version poche en 2006... Et il s'agit bien d'une édition "à part", qui reprend une édition originale, en ajoutant seulement le dernier texte...
SupprimerBon voyage!
RépondreSupprimer(encore une destination où je projette de retourner... un jour ;-))
@Adrienne : ville inconnue pour moi... et pas trop envie d'y aller (trop de monde...).
SupprimerJe ne connaissais pas du tout ce petit recueil de nouvelles. Ca me tente beaucoup !
RépondreSupprimer@Fleur : il est bien agréable à lire et se case facilement entre deux lectures de romans, voire en même temps ;-)
SupprimerLe genre de petit recueil que l'on savoure. Je le note, parce que finalement, j'ai peu lu Virginia Woolf.
RépondreSupprimer@Aifelle : oui, il est tentant ! Je n'ai eu aucune hésitation à la biblio lorsque je suis tombée dessus :-)
SupprimerJe ne connais pas (encore) Londres et à vous lire, j'ai tout de suite anticipé votre conclusion, ce livre devrait m'accompagner quand je la visiterai.
RépondreSupprimer@Christw : comme je le disais à Adrienne, je n'ai pas trop envie de visiter Londres à cause de la foule... mais si je devais y aller, ce recueil serait dans mon sac !
Supprimerje ne connais pas celui-ci que je m'empresse de noter ! J'aime beaucoup la plume acérée et lucide de Virginia Woolf, et quelle femme !
RépondreSupprimer@Unchocolatdansmonroman : oui, sa vie est aussi passionnante que son œuvre...
SupprimerJe m'empresse de l'ajouter à mes lectures woolfiennes !
RépondreSupprimer@Praline : tu fait bien :-) Bonne soirée !
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