Alors que s'ouvre le mois anglais, et après avoir longuement hésité concernant le livre digne d'ouvrir le mois de juin, rien ne m'a paru plus adapté aux circonstances que ce roman de Virginia Woolf. En effet, Mrs Dalloway déroule la journée d'une femme et s'ouvre par une fraîche matinée du mois de juin. Il condense, au milieu de ce mois printanier tout ce que la romancière, comme sa narratrice, aimait : "la vie, Londres, ce moment de juin".
La guerre enfin terminée a laissé la place aux mondanités et Mrs Dalloway sort de chez elle afin d'acheter un bouquet de fleurs. Elle reçoit le soir et souhaite décorer sa maison. Une fois à l'extérieur, elle plonge dans l'ambiance londonienne qui va induire chez elle sensations et souvenirs qui vont rythmer le déroulement de se journée et agiter une vie intérieure qui semble se mouvoir de manière autonome. Au centre de cette journée, les cloches de Big Ben. "Ah ! Il commence. D'abord, un avertissement musical, puis l'heure, irrévocable. Les cercles de plomb se dissolvent dans l'air."
Big Ben. Source ICI |
Entre chaque sonnerie, le "flux et le reflux des choses". Et entre le cercle des sons, des personnages qui viennent tournoyer dans le monde de Clarissa. Dans ces personnages, il y a Peter Walsh, l'homme de onze heures et demi, l'amoureux éconduit qui habite maintenant aux Indes et qui aime une femme plus jeune. Il y a Septimus, le fou, l'homme de onze heures et trois quarts. Assis sur une chaise verte, dans un parc, il se souvient, entend les oiseaux parler en grec et voit des visages de vieilles femmes dans les fougères. On songe bien sûr aux épisodes délirants de Virginia Woolf en lisant les passages qui concernent ce personnage très émouvant qui, devant une rivière dit à sa femme "Maintenant, allons nous tuer"...
Il y a l'homme de quinze heures, Richard, le mari de Clarissa, et tout les autres, présences pensantes qui se meuvent dans l'espace narratif comme des fantômes pensants. Car tout l'intérêt réside bien dans l'expression du monde intérieur des personnages, dans la manière dont les rencontres font surgir des souvenirs, des rêveries ou des mécanismes de pensée parfois dangereusement peu contrôlés.
C'est un roman qui peut sans doute déstabiliser, mais c'est aussi l'un de ces romans dans lequel on peut plonger avec une véritable délectation. Ce fut le cas pour moi alors que je lisais ce livre pour la deuxième fois, l'appréciant encore plus que lors de la lecture initiale. Belle méditation sur le temps, l'ouvrage renvoie parfois à Proust, mais j'ai apprécié une écriture beaucoup plus "lisible" et surtout, une écriture qui m'a paru plus incarnée. Pour tou(te)s ceux(celles) qui souhaitent découvrir la romancière anglaise, je ne peux que vous inviter à commencer par ce roman beaucoup plus accessible que Les Vagues.
Septimus incarné par Rupert Graves |
C'est un roman qui peut sans doute déstabiliser, mais c'est aussi l'un de ces romans dans lequel on peut plonger avec une véritable délectation. Ce fut le cas pour moi alors que je lisais ce livre pour la deuxième fois, l'appréciant encore plus que lors de la lecture initiale. Belle méditation sur le temps, l'ouvrage renvoie parfois à Proust, mais j'ai apprécié une écriture beaucoup plus "lisible" et surtout, une écriture qui m'a paru plus incarnée. Pour tou(te)s ceux(celles) qui souhaitent découvrir la romancière anglaise, je ne peux que vous inviter à commencer par ce roman beaucoup plus accessible que Les Vagues.
J'ai commencé ma lecture de Virginia Woolf, il y a des années, par la chambre de Jacob. Un choc immense. Mrs Dalloway aussi, quelle émotion. Vous en parlez bien.
RépondreSupprimerBonne journée.
@Bonheur du jour : un choc ! je suis tout à fait d'accord avec cette perception... Je n'ai pas lu "La Chambre de Jacob" mais je suis partie pour lire une bonne partie de l’œuvre durant l'été ;-)
SupprimerBonne journée à vous aussi.
j'aime beaucoup Virginia Wool et la peinture désabusée qu'elle fait de l'univers féminin parfois. Mrs Dalloway evoque les apparences, ce qui se cache sous le vernis, c'est un récit troublant
RépondreSupprimer@Unchocolat : troublant par moments, c'est vrai, troublant et assez fascinant.
SupprimerMais oui, Woolf pour le mois anglais, j'ai encore de quoi faire ici!
RépondreSupprimer@Keisha : le problème avec Woolf, c'est juste que lorsqu'on commence, on ne peut plus s'arrêter ;-)
SupprimerIl est difficile je trouve de commencer la lecture de VW par ce livre car il est malgré tout comme tu le dis assez déstabilisant, j'ai lu VW dans un ordre anarchique ce qui fait que certains romans ne m'ont plu que des années plus tard mais ça c'est la magie de la relecture
RépondreSupprimerIl me reste peu de choses à lire : les Années que j'ai lu mais que je relirai, les vagues abandandonné il y a longtemps mais qui nécessairement aujourd'hui va me plaire
Ce qu'il y a de fantastique c'est que l'on peut lire et relire la Promenade au phare sans jamais se lasser et toujours en y découvrant un détail, une couleur, un nuage que l'on avait raté
@Dominique : je pense lire bientôt "La Promenade au phare" que je ne connais pas encore. Je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis de la "magie" de la relecture. Ici, elle a opéré à plein ! C'est étonnant comme cela peut avoir un effet démultiplicateur lorsqu'elle se fait au bon moment...
SupprimerSais-tu que j'ai lu et adoré "Le jardin de VWoolf" ! Le billet viendra durant le mois de juin...
Lu et moins apprécié que toi... Mais il faut dire que je l'ai lu durant une très mauvaise période et j'avais la tête à tout à fait autre chose et il me semble qu'il faut être complètement dans le livre pour le saisir. Je me rappelle néamoins que le personnage de Septimus était mon préféré, c'est finalement le seul qui m'avait ému.
RépondreSupprimer@Lor : c'est le genre d'ouvrage qui demande de la disponibilité... J'ai également eu de la tendresse pour Septimus Smith. J'aimerais bien, d'ailleurs, voir le film qui correspond à la photo que je propose de lui dans ce billet.
SupprimerJe l'ai lu il y a longtemps, je ne m'en souviens plus beaucoup ; il faudrait que je le relise aujourd'hui. Je ne suis pas allée plus loin dans ma lecture de Virginia Woolf, il faudrait que je m'y remette sérieusement.
RépondreSupprimer@Aifelle : il faut trouver le bon moment pour ce genre de relecture. J'ai dû choisir un moment adapté car me voilà partie pour une cure woolfienne dont vous allez profiter ;-)
Supprimerc'est terrible, quand j'y pense, tout ce qu'il faudrait encore que je lise... c'est vertigineux!
RépondreSupprimer@Adrienne : et moi donc ! quand on pense que je connais presque rien à la littérature russe... Mais tu vas voir Adrienne, l'an prochain, tu vas pouvoir t'en donner à cœur joie ;-)
SupprimerJe ne l'ai jamais lu mais apparemment tu l'as extrêmement bien choisi ! je le note précieusement pour l'an prochain car il est plus que temps que je lise enfin du V Woolf :-)
RépondreSupprimer@FondantGrignote : c'est un coup de chance, il s'est tout à fait bien adapté au moment :-)
SupprimerMoi aussi, je l'ai trouvé plus accessible que les vagues... Très belle ouverture !
RépondreSupprimer@Maggie : merci :-)
Supprimertu sais quoi? tu me donnes une VRAIE envie de le relire! Il ne faudrait pas que j'oublie!
RépondreSupprimer@Violette : il est encore mieux à la relecture, alors prends un post-it ;-)
SupprimerJe devrais peut-être tenter la relecture de ce livre ? Je me souviens m'y être ennuyée...
RépondreSupprimer@Anne : je pense que cela dépend vraiment du moment choisi. Comme je l'ai déjà dit, il demande quand même de la disponibilité, ce dont on ne dispose pas toujours...
SupprimerIl me semble aussi bien indiqué pour rencontrer Virginia Woolf une première fois. Il reste très woolfien mais accessible. J'avais été emportée par "Nuit et jour" aussi par exemple mais il est de facture beaucoup plus classique. Cela fait longtemps que je n'ai pas relu "Mrs Dalloway" et je l'ai un peu oublié, mais nul doute que je le rouvrirai un jour.
RépondreSupprimer@Lou : "woolfien mais accessible", c'est ce que j'ai aimé dans ce roman :-)
SupprimerJe l'ai lu il y a longtemps, je le relirai bien tiens!
RépondreSupprimer@Nadège : c'est le genre d'ouvrage qui supporte les multiples relectures !
SupprimerC'est son chef-d'oeuvre, souvent relu, pour moi le plus beau monologue intérieur jamais écrit. Adapter "Mrs Dalloway" au cinéma me semble une gageure, voire un contresens.
RépondreSupprimerTa manière de présenter les personnages en fonction de l'heure m'a amusée. Quant à l'héroïne, elle est tantôt "Mrs" tantôt "Clarissa" - c'est ainsi que je l'appelle en moi-même. Comme le narrateur de La Recherche, elle fait partie de mon cercle intime de personnages littéraires.
@Tania : ce fut un choc cette lecture, associé à un grand moment de plaisir. Autant dire que "Clarissa" se trouve maintenant dans mon petit Panthéon personnel ;-)
SupprimerLu et commenté l'année dernière... C'est un art que j'admire même si je me sens très loin de ce genre de personnage qui incarne pour moi une forme de décadence. Septimus et son épouse me touchent plus.
RépondreSupprimer@Claudialucia : j'ai beaucoup aimé Septimus Smith et les aventures du couple, c'est vrai, sont très touchantes. Clarissa est peut-être plus un "support" d'écriture ? Enfin, c'est une sacré réussite ce roman et ce fut pour moi un moment de lecture des plus intense.
SupprimerChaque mois anglais est pour moi l'occasion de découvrir un peu plus de Virginia Woolf. Et c'est toujours une très belle surprise. Cette année, ce sera La promenade au phare !
RépondreSupprimer@Praline : c'est une occasion en effet pour continuer à découvrir des auteurs... J'avais prévu une seule lecture de V. Woolf, et je n'ai pu m'arrêter ;-) Je n'ai pas encore lu "La Promenade au phare" mais d'après les avis, tu vas te régaler, si ce n'est déjà fait. Bonne journée à toi.
SupprimerJ'ai personnellement pris VW par le mauvais bout si vous me permettez l'expression : j'ai lu "La fascination de l'étang", des nouvelles, mais que je crois mieux adaptées à une connaissance préalable de l'écrivain, encore que j'ai pu juger de ses grandes qualités.
RépondreSupprimerMrs Dolloway avant Les vagues, dès lors... Merci.
que j'aie pu, c'est mieux.
Supprimer@Christw : Virginia Woolf fait partie de ces écrivains pour lesquels le choix du premier livre est assez déterminant. Commencer par "Les Vagues", je pense que c'est vraiment une mauvaise option. D'après les avis lus en commentaire de ce billet, il semblerait que Mrs Dalloway soit une bonne option (en ce qui concerne les romans).
SupprimerJe ne connais pas le recueil de nouvelles que vous évoquez : à découvrir donc !