Nos librairies
sont des lieux miraculeux ! C’est en flânant dans les rayons de la mienne
que je suis tombée sur cette perle. Alors que je ne lisais plus de
science-fiction depuis bien longtemps, depuis cette année, j'y reviens. Il faudrait d’ailleurs que je fasse un billet à propos des ouvrages lus dans
ce genre qui se renouvelle avec brio. Retour à la librairie : la
quatrième de couverture de ce livre - mis en évidence sur le présentoir de
SF/Fantasy que je regarde toujours- m’interpelle. Lecture du premier
chapitre : je suis fébrile, debout et déjà ferrée ! Je sors de la
librairie avec quatre livres et avec une seule envie, continuer cette lecture
au plus vite… Le lendemain, le livre est lu et je sais déjà que son
empreinte sera profonde. Autant dire que 2017 marque un retour en fanfare
vers le genre de la science-fiction !
Il s’agit d’un roman de SF écrit
il y a une dizaine d’année (1ère édition en 2002 chez Aléa) par un agrégé de mathématiques qui en connaît un
rayon au niveau scientifique. Et tout l’intérêt de cet opus est qu’il associe plaisir
d’une lecture enthousiaste (malgré le côté glaçant, j’y reviendrai) et
intelligence. Mais vous devez attendre le résumé et je tergiverse, encore
sous le choc, oui oui, le choc. Et il ne s’agit pas ici de faire vendre ou de
proposer une hyperbole à noter sur une 4e de couverture…
Le récit se fait à la première
personne. Robert Poinsot, quelque part dans les Alpes, dans de vieux
cahiers trouvés sur la route, raconte ce dont il a été témoin. Un vendredi
de 2 022, sans que l’on sache bien pourquoi (ou plutôt, on le savait, mais
rien n’a été fait pour l’éviter…), une crise systémique a éclaté. Le
détonateur : un « conflit lié à des questions de concurrence entre de
très grosses entreprises américaines et chinoises ». La suite :
crise économique mondiale et totalement incontrôlable. Effet domino
avec faillites en chaînes et délitement des économies européennes. Après la
suspension des salaires et l’hystérie collective, un système de troc qui se met
en place puis les pillages commencent, avant que chacun tente de
survivre aux bandes…
Je vais bien me garder de vous
dévoiler la manière dont Jean-Pierre Boudine imagine la suite de cette
histoire. On y trouve de nombreux éléments qui ressemblent tellement aux prodromes
qui sont déjà présents dans notre société que cela donne parfois envie de
crier « Attention ! ». Car l’écrivain explique bien la manière
dont, en creusant les inégalités sociales, on prépare le chaos à venir.
Il montre avec brio, au travers de ce roman de SF « post-apo » comme
on le dit maintenant, combien le lent délitement des institutions et des
États fabrique des « déclassés » qui, le jour où ils n’auront
véritablement plus rien à perdre, encore moins à espérer, et où les instances
de régulation seront aux abonnés absents, risquent de faire payer cher la
hargne accumulée.
C’est un roman totalement
glaçant. Pourtant, pas de « gore » ou de descriptions à la
violence complaisante. Non, simplement la lente mais inexorable chute de la
civilisation. Un retour au chaos et à la barbarie sous la forme d’une
descente de toboggan que l’on ne peut stopper. Un retour au chaos lié à
l’emballement et la potentialisation de l’ensemble des problèmes qui sont, pour
certains, déjà là : surpopulation, changement climatique, tout
technologique… sur fond scandaleux de creusement des inégalités (voir un exemple
ICI avec le salaire du PDG de Renault).
Ce qui glace, c’est tout ce
qui est en germe dans notre société. Et le démantèlement du Code du travail
qui s’annonce dans les mois qui viennent se place directement dans cette
fabrique des exclus qui nous prépare des lendemains qui déchantent. Un livre à
lire, et à faire lire, à méditer aussi, qui est accompagné d’une passionnante
postface de Jean-Marc Lévy-Leblond. Un livre que l’on devrait distribuer
dans les écoles de commerce, au lieu d’apprendre comment faire toujours plus de
profit et engendrer toujours plus de précarité. Un livre qui laisse un goût étrange dans
la bouche car on ne peut s’empêcher de se demander s’il n’est pas déjà trop
tard…
« Beaucoup de personnes
vivaient dans la rue, le jour, parce qu’elles n’avaient rien à faire, en
particulier les enfants. La situation des écoles était tout à fait comparable à
celle des laboratoire de mon lieu de travail : absentéisme galopant. J’ai
su que certains professeurs étaient restés fidèles au poste, et de même,
certains élèves. Un quart, peut-être.
Je me demande comment se
passaient les classes. Dans un climat bien étrange, certainement : des
élèves motivés avec des enseignants motivés ! Quel rêve ! Une
véritable école, enfin. Mais trop tard. »
Addendum : pour ceux qui veulent mettre de la SF dans leur valise, des conseils judicieux dans l'excellente émission de France Culture, La Méthode scientifique ICI.
Oh zut de zut, rien à ma bibli number one. Je poursuis la recherche. ^_^
RépondreSupprimerJe précise qu'il vient de ressortir en poche, chez Folio SF ;-)
SupprimerIl est dans ma bibli number 2 (mais faut le demander)
RépondreSupprimer@Keisha : ah ! ouf !
SupprimerMoi aussi, j'aime de plus en plus la SF. J'ai emprunté 2001 l'Odyssée et Demain les chiens ! Celui-là, je ne l'ai pas lu. c'est noté !
RépondreSupprimer@Maggie : "Demain les chiens", j'aimerais bien le lire aussi ! Je vais attendre ton avis ;-)
SupprimerEt oui, c'est cela la bonne SF, elle nous parle du devenir de notre monde en s'appuyant sur une réalité qui existe déjà. Comme dans Globalia de Rufin. Et c'est glaçant !
RépondreSupprimer@Claudialucia : je n'ai pas lu le Rufin que tu évoques. Mais après "Le Paradoxe de Fermi", je fais une pause du côté des livres glaçants...
SupprimerTotalement glaçant..., je passe pour l'instant mais je le note pour une période plus courageuse ;-).
RépondreSupprimer@Tania : tu as bien raison, il m'a fallu plus de trois jours pour m'en remettre...
Supprimertu penses bien qu'après le livre que je viens de lire sur l'année sans été, celui là va tomber tout droit dans mon escarcelle
RépondreSupprimermerci à toi de le faire connaitre, je ne lis que très très peu de SF mais après tout 1984 était de la SF à sa sortie :-)
@Dominique : oui, il va tout à fait bien avec le livre que tu viens de chroniquer. C'est vraiment de la SF excellente. Le livre semble d'ailleurs être connu par ceux qui aiment le genre (que je connais mal, je l'avoue...).
SupprimerMerci de proposer ce livre qui lance un avertissement. L'on se demande s'il n'est pas trop tard mais surtout, l'on s'inquiète de ne rien voir venir qui propose, qui s'avère capable de modifier la tendance de façon significative. Je lis le mot «incontrôlable» dans une citation du billet, c'est celui qui me vient souvent à l'esprit lorsqu'il 'agit des évolutions liées à l'économie mondiale.
RépondreSupprimer@Christw : "incontrôlable", c'est bien le mot qui rend l'ensemble si effrayant. On assiste à l'emballement sans rien pouvoir faire... et quant on voit les non-décisions prises en ce qui concerne l'environnement par exemple, on frémit (sans même parler du reste...). Pendant la canicule, on a comme cela entendu parler de fonte dramatique d'énormes morceaux de glaciers de l'Antarctique sans que cela ne déclenche la moindre réaction :-(
SupprimerPas de SF dans ma valise. Mais ce roman a l'air passionnant.
RépondreSupprimer@Alex : passionnant et marquant, j'y pense encore !
Supprimerje viens de le terminer et je dois dire que ça donne un sacré coup au moral !!! mais c'est excellent sous couvert d'une écriture un peu simpliste que de choses sont dites
RépondreSupprimer@Dominique : un coup au moral, c'est sûr ! j'ai mis plus de 3 jours à m'en remettre et j'y pense encore... D'ailleurs, ce matin, petite piqure de rappel à la radio avec un mini reportage sur les "riches" Américains qui, à défaut de penser à mieux équilibrer les richesses, envisagent la fin du monde et se font construire des abris pour des sommes astronomiques en Nouvelle-Zélande :-(
SupprimerTu comprends pourquoi après, je ne souhaitais pas lire de suite "L'Année sans été"... Bonne journée à toi !
Un grand merci pour le partage !
RépondreSupprimer@Poli : mais de rien ;-)
Supprimer