Difficile de parler de ce roman sur lequel j'ai un avis mitigé. Commençons par les points positifs car il y en a. Tout d'abord le genre. Marie Darrieussecq nous propose ici une dystopie avec un roman qui pourrait très bien trouver sa place en Folio SF. On sait qu'elle aime jouer avec les frontières génériques puisque son premier roman, Truismes, histoire d'une femme qui se transforme en truie, lui a permis d'obtenir le succès que l'on sait. Elle nous propose ici l'histoire d'une femme qui écrit du fond d'une forêt (remarquez combien cela évoque le personnage principal du Paradoxe de Fermi...). Cette femme, avant de se transformer en survivaliste sylvestre, était psychologue. Elle recevait un patient surnommé "le cliqueur" qui lui posait d'étranges questions et qui, du jour au lendemain, a disparu. Cette femme vit dans un monde ou de nombreuses personnes ont des "moitiés", des humains dont les corps servent de réceptacles aux organes qu'ils contiennent afin de pouvoir servir à des greffes. Vous l'avez compris, il s'agit de clones. Je ne vais pas donner plus de détails concernant l'intrigue afin de ne pas dévoiler ce que l'on découvre petit à petit, par le biais du récit à la première personne de la narratrice.
Alors bien sûr, l'intérêt réside dans la réflexion proposée sur le monde que pourrait bien nous préparer la technologie le jour où la science sera définitivement sans conscience... et donc ruine de l'âme. J'ai particulièrement aimé tout ce qui touche aux corps. La romancière s'est attachée à décrire la manière dont les corps peuvent être modifiés, transformés (retour à Truismes), mais aussi marchandisés. Jusque là, rien à dire. Elle propose également une vision du rapport au "réseau" que j'ai trouvé particulièrement intéressante :
"Mais on peut se déconnecter de l'intérieur aussi. Il faut trouver sa chambre intérieure. Ne penser à rien, rien, pendant quelques minutes, fait déjà vaciller la connexion. Ne répondre à aucune sollicitation, n'effectuer aucune mise à jour, ne processer aucune information, ne réagir à aucun manque même quand ça devient insupportable, même quand l'ennui se mue en une douleur physique. Passer ce cap. (Je ne dis pas que ce soit facile.) Dézoner le cerveau."
Mais, malgré l'intérêt que peut présenter ce roman, j'ai eu du mal à entrer rapidement dans le récit, sans doute à cause du style. L'effet présent + langage familier, assorti à des paragraphes courts qui peuvent se limiter à "Bref", rend la lecture heurtée. Alors bien sûr, on pourra me répondre que la pauvre femme se trouve dans la forêt et que la structure narrative renvoie à sa situation. Peut-être, mais les séries de phrases du genre "Parce que ça ne va pas. C'est pas bon, là, tout ça. Pas bon du tout.", m'ont plusieurs fois fait refermer le livre.
Enfin, pour conclure, je pense que ma perception a été influencée par une autre dystopie lue en juillet : La Servante écarlate. Et là, il faut avouer que ce roman ne tient absolument pas la distance par rapport à la richesse du grand classique de Margaret Atwood...
La critique enlevée de l'équipe du Masque et la Plume ICI.
La critique enlevée de l'équipe du Masque et la Plume ICI.
je comprends tout à fait tes bémols. On cherche tout de même un effort de style dans nos lectures. Le "C'est pas bon, là, tout ça." on est capable de l'écrire aussi... :/ Merci de l'avoir lu pour nous:) !
RépondreSupprimer@Violette : on est bien d'accord... j'ai trouvé cela un peu irritant à force... De rien pour la lecture ;-) Pas sûr que je recommence l'an prochain (avec Nothomb, au moins, on rigole parfois, ici, c'est pas drôle...).
SupprimerTrop de dystopie pour moi, c'est un genre avec lequel j'ai du mal, sauf rares exceptions magistrales, comme La servante écarlate ! En plus, si le style est sans intérêt, ce sera sans regrets ...
RépondreSupprimer@Athalie : oui, il est vrai qu'avec le roman d'Atwood, on est nettement au dessus, voire hors catégorie ! Une de mes meilleures lecture de l'été, hélas non chroniquée.
SupprimerJe crois que c'est au Masque et la Plume qu'ils n'ont pas été très tendres avec ce roman. Je l'essaierai à l'occasion à la bibliothèque, pour voir ..
RépondreSupprimer@Aifelle : je vais essayer de trouver la critique du Masque tiens ! Avec un peu de chance, ils auront été bien caustiques :-))
SupprimerEvidemment, si tu compares à La servante écarlate.....
RépondreSupprimer@Alex : oui, il faut l'avouer, c'est la comparaison qui tue !
SupprimerLe masque et la plume (dimanche dernier je crois) l'ont plutôt descendu, toi tu y as trouvé du positif tout de même.
RépondreSupprimer@Keisha : j'ai trouvé hier l'émission en question, je vais l'écouter (j'ai hâte !) aujourd'hui et la mettre en lien dans le billet. Bon dimanche à toi :-)
Supprimerje suis toujours contente de voir qu'un titre n'allongera pas ma longue liste de livres à lire ;-)
RépondreSupprimer@Adrienne : ah ah ! j'ai exactement la même réaction que toi dans ce cas-là ;-)
SupprimerC'est très à la mode ce langage oral, mais j'ai souvent du mal aussi !
RépondreSupprimer@Sophie : oui, c'est vrai qu'en plus il y a un phénomène de mode :-( Heureusement que ce n'est pas le cas pour tous...
SupprimerJ'ai beaucoup aimé la critique du Masque et la plume.
RépondreSupprimer@Valérie L : oui, moi aussi :-)Depuis, j'ai vu qu'il y a eu une émission sur France Culture avec l'auteure mais je n'ai pas encore eu le temps de l'écouter. Je mettrai le lien dans mon billet ce we.
SupprimerJe suis plus tentée par La servante écarlate !
RépondreSupprimer@Maggie : et tu as bien raison ;-) Je l'ai lu fébrilement en août, un souvenir intense ! Je n'ai pas pris le temps de rédiger un billet, trop occupée à en profiter...
SupprimerLa servante écarlate est un roman que l'on n'oublie pas !
RépondreSupprimer@Claudialucia : oui, c'est sûr ! Je suis contente de l'avoir enfin lu. Et je trouve dommage de ne pas avoir eu le temps de le chroniquer...
SupprimerDifficile d'égaler M Attwood et sa servante écarlate, c'est vrai. Je suis curieux de M Darrieussecq dont je retrouve des livres un peu partout, votre avis ne va pas m'y pousser trop je crois. Je me tournerai peut-être vers son Médicis (2013).
RépondreSupprimer@Christw : oui, la référence est un peu écrasante... Je suis un peu déçue par cette écrivaine ces derniers temps, je crois qu'une pause s'impose...
SupprimerPas du tout le genre de livre que j'aime, je passe donc.
RépondreSupprimer@Emma : oh tu ne perds pas la lecture d'un chef d’œuvre...
SupprimerTU sais que je commence à me demander quand même si chez POL ils ne donnent pas la consigne aux auteurs de rendre leur style plus familier, plus accessible et moins littéraire, parce que vraiment, c'est fou que nous ayons ce reproche à faire à deux romancières (moi WOlkenstein et toi Dame D). Bon moi la dystopie c'est un genre qui m'angoisse donc je passe mon tour de toutes manières.
RépondreSupprimer@Galéa : oui, ça finit par questionner :-( tu m'as quand même intriguée avec Dame W., je vais essayer de lire un de ses romans, si tu en as un à me conseiller, je prends ;-)
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