C'est après avoir écouté l'émission L'heure bleue de Laure Adler que je me suis replongée dans la lecture de Marie-Hélène Lafon que je connaissais trop peu... Après une lecture intense de Joseph - un vrai coup de cœur - l'occasion s'est présentée de lire son dernier roman qui était en lice pour le Goncourt des lycéens.
L'histoire se déroule sur fond de solitude urbaine. L'histoire, c'est celle de Gordana, une femme blonde aux cheveux rêches et à la poitrine plantureuse, avec des seins du genre "qui remplissent la photo". Gordana est caissière à Franprix. Elle survit plutôt qu'elle ne vit, s'économisant pour durer, vaillante au travail situé rue du Rendez-Vous à Paris. Le rendez-vous, c'est aussi celui de l'homme qui passe tous les vendredis matins au magasin, présence silencieuse et tenace.
N'attendez pas de cette lecture une romance faite de passions échevelées. Tout est question de style ici et, chez Marie-Hélène Lafon, le beau rôle appartient aux taiseux, qu'ils soient de la ville ou des champs. Comme ses taiseux, la romancière pèse ses mots, les choisis, les lisse, les malaxe et les dispose à la Flaubert. Il faut que cela claque, que cela porte loin. Elle nous laisse à voir et à entendre. C'est une musique et une ambiance. On ne se souviendra peut-être pas des détails de la vie de Gordana, faite de répétitions et de vagues moiteurs, mais on se souviendra du voile opaque qui la recouvre. C'est le voile des occasions manquées, celui des lendemains de fêtes qui déchantent, celui des renoncements qui finissent par laisser à la vie qui reste un goût amer.
Marie-Hélène Lafon vient de prendre sa place dans ma bibliothèque imaginaire (l'autre est encore en carton alors que je rédige ce billet...) entre Flaubert et Annie Ernaux. Je vise pour la suite son premier roman, Le Soir du chien, Renaudot des lycéens en 2001.
L'incipit de Nos Vies
Elle s'appelle Gordana. Elle est blonde. Blonde âcre, à force de vouloir, les cheveux rêches. Entre les racines noires des cheveux teints, la peau est blanche, pâle, elle luit, et le regard se détourne du crâne de Gordana, comme s'il avait surpris et arraché d'elle, à son insu, une part très intime. Sa bouche est fermée sur ses dents. Elle s'obstine, le buste court et têtu, très légèrement incliné, sa tête menue dans l'axe. On devine ses dents puissantes, massives, embusquées derrière les lèvres minces et roses. Le sourire de Gordana éclaterait comme un pétard de 14 juillet.
Je n'ai lu jusqu'à présent que "le soir du chien" que j'avais aimé. J'espère bien en lire d'autres.
RépondreSupprimer@Aifelle : le roman que tu cites sera ma prochaine lecture de l'auteur...
SupprimerJe le lirai, j'aime beaucoup l'auteur. Patience, il est souvent emprunté, mais rien ne presse
RépondreSupprimer@Keisha : idem... je vais d'ailleurs maintenant la suivre de plus près...
SupprimerMon Dieu je n'ai toujours pas lu Marie-Hélène Lafon, j'ai le projet d'une série "à la ferme" avec son titre "Les pays" et je ne l'ai toujours pas réalisé...
RépondreSupprimer@Anne : pour ta série, commence par "Joseph", c'est une perle !
SupprimerIl va falloir que je la lise un jour ou l'autre. Mais pour l'instant j'ai dans ma PAL celui qui a eu vraiment le prix Goncourt des lycéens.
RépondreSupprimer@Claudialucia : les lycéens font de bons choix en général, tu vas donc passer un bon moment ;-)
SupprimerTu me pique ma curiosité : je ne connais aps du tout l'auteur. deux prix lycéens ? Curieuse de découvrir leur goût, alors que ce que tu en dis ne m'attire pas particulièrement.
RépondreSupprimer@Maggie : il n'y a qu'un seul Goncourt des lycéens, mais j'ai (ou j'avais...) l'intention de lire tous les livres de la sélection de cette année. Seulement, depuis, la rentrée est passée par là, et déjà bien occupée par ailleurs, si j'en lis deux ou trois, cela sera déjà bien ;-)
SupprimerJe n'ai lu aussi que "le soir du chien". Les lycéens ont souvent bon goût mais à vrai dire celui-ci ne me tente pas trop.
RépondreSupprimer@Moustafette : celui-ci n'a pas été un coup de cœur non plus. Peut-être l'auteure est-elle plus inspirée quand elle évoque la campagne et ses habitants...
SupprimerJe n'ai jamais lu cette auteure mais en te lisant, je me demande pourquoi ! Une lacune à réparer rapidement !
RépondreSupprimer@A_Girl : c'est le genre d'auteure que l'on garde comme amie quand on l'a découverte pour de bon ;-)
SupprimerUn titre qui est dans mes projets. J"'avais apprécié beaucoup "Joseph".
RépondreSupprimerCaissière de superette : S. Murata,une vendeuse japonaise de superette 24/24h, a obtenu le prix Akutagawa (équivalent du Goncourt au Japon, vendu à des millions d'exemplaires) pour "Konbini" où elle s'y raconte. Il devrait paraître chez Denoël en janvier ici. Il paraît qu'elle est toujours vendeuse au même endroit (source Le nouveau magazine littéraire).
@Christw : intriguée par le titre que vous citez, j'ai cherché quelques renseignements supplémentaires... et voilà que j'ai bien envie de le découvrir ! Ma PAL va encore en prendre un coup ;-) Bonne journée à vous.
SupprimerJe suis en train de le lire.
RépondreSupprimer@Aline : au plaisir de lire ton billet alors ! et bonne lecture :-)
Supprimerpeut-être que j'aimerais celui-là mais je ne suis ni fan de Lafon ni d'Ernaux... pas mon style!
RépondreSupprimer@Violette : un style très particulier qui, c'est sûr, plaît ou ne plaît pas... Ce n'est pas du passe partout... Pas étonnant que tu cites Ernaux, que j'aime aussi, comme j'aime Lafon. Si tu n'aimes ni l'une ni l'autre, ce roman n'est pas pour toi !
SupprimerJ'ai lu Les pays, à sa sortie il y a quelques années... Je retiens celui car j'avais entendu l'auteur à La grande librairie, d'ailleurs où elle est souvent invitée et ton billet me le confirme !
RépondreSupprimer@Enitram : "Les Pays" reste à lire pour moi. Et oui, c'est vrai qu'elle est souvent à l'honneur à LGL : tant mieux ;-) Bon we à toi.
SupprimerUne lecture qui ne m'a pas convaincue à cause de personnages un peu trop stéréotypés.
RépondreSupprimer@Alex : elle est décidément plus à l'aise avec les personnages du monde rural je trouve...
SupprimerJ'avais beaucoup aimé Joseph, il faut que je continue à la lire.
RépondreSupprimer@Emma : ah oui, coup de coeur pour moi aussi en ce qui concerne Joseph et je vais continuer à suivre cette écrivaine, c'est sûr ! Bonne semaine à toi :-)
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