Ange-Marie d’Éric Stalner et Aude Ettori

J’ai déjà évoqué ici Éric Stalner à propos de la série intitulée La Zone dont le 3^e tome vient de sortir. Comme j’aime beaucoup le travail de ce dessinateur, j’ai emmené avec moi en vacances ce volume, paru en 2005, et trouvé en bibliothèque. Tout commence au lendemain de la Grande Guerre. Trois gamins gambadent dans la campagne. Ils partent voir « L’ange des poilus », un jeune homme qui sommeille dans une vieille gimbarde. Ce jeune soldat blond endormi - qui évoque le dormeur de Rimbaud - va se réveiller et manque bien d’assassiner l’un des garnements. Il s’appelle vraiment « Ange », ce jeune garçon, et l’on découvre bientôt qu’il a été fortement traumatisé par la boucherie générale. Il ne se fixe nulle part, accompagné dans son vagabondage par le "Caporal Savon", un certain Louis. Ils parlent sans cesse tous les deux, et leurs pas vont les mener chez Luce où Ange va louer ses bras, dans cette ferme manquant cruellement d’hommes. Les trois fils ont été tués durant la guerre, et seul le grand-père peut encore effectuer les travaux difficiles. Un jour, Luce, gamine éveillée et prise d’amitié pour le jeune soldat, l’emmène à la découverte d’un ancien manoir en ruine où habite encore un vieil homme, un sculpteur, qui va bientôt initier Ange à son art. Mais cette bâtisse abrite de bien terribles secrets, qui, sous le bruit des artistes, ne vont pas tarder à se réveiller…

Une magnifique bande dessinée et une excellente surprise dénichée totalement par hasard, simplement grâce au nom de l’auteur… J’ai aimé tout d’abord le dessin. De facture plutôt classique, il se regarde sans lassitude. Les regards des personnages sont très expressifs, ainsi que les visages de manière plus générale. Le travail sur la couleur rend l’évocation des saisons très marquée et les cases qui jalonnent leur passage se regardent comme une aquarelle au niveau du ciel. Ensuite, le scénario, vraiment bien construit, ne se laisse pas deviner, réservant étonnement et plaisir de la découverte. L’alternance du souvenir, récit en italique, avec le temps présent dans les phylactères, rend la lecture à la fois plus active et plus agréable car le texte au passé est plutôt « littéraire » : 

« Je ne saurais dire combien longs ont été les semaines, les mois ou les années qui ont suivi la guerre. A cette époque, bien peu comptaient pour moi la mesure du temps, l’actualité ou même la vie des gens. J’étais un vagabond, une bête blessée fuyant l’humanité, sans pour autant jamais vraiment s’en détacher… Et sans doute, mes errances pas plus que ma folie n’auraient trouvé leur cure, sans quelques bons esprits qui me portèrent secours… ». 

 Enfin, cette bande dessinée nous propose un voyage à la fois dans la mémoire intime d’un soldat, tout autant qu’une réflexion sur le pouvoir de l’art, ainsi que sur la transmission, la guérison. Autant de thèmes qui rendent cette lecture tout à la fois agréable et intense. J’ai terminé ce volume avec fébrilité… tant le dénouement se fait attendre au fil des pages… Vraiment, un beau volume à découvrir !

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