Daddy Love, c’est le surnom d’un homme qui enlève des petits garçons pour les soumettre à sa volonté. Un jour d’août 2012, il s’attaque à Robbie, 5 ans, et à sa mère. L’enfant disparaît et les parents entrent dans un monde nouveau. La mère milite dans une association d’aide aux parents d’enfants disparus pendant que le père continue à espérer le retour éventuel de l’enfant, tout en participant à toutes les interventions qu’il estime pouvoir être utiles à cet éventuel retour. Je m’arrête ici en ce qui concerne l’intrigue afin de ne pas vous dévoiler la fin d’un roman à l’impact certain.
Ce dernier roman de Joyce Carol Oates pourrait être un roman policier. Les ingrédients habituels du polar sont présents : un enlèvement d’enfant, une enquête qui tourne court mais des parents qui continuent à attendre et à chercher, un psychopathe d’une perversité glaçante. Sauf que la romancière américaine ne braque pas le projecteur sur l’enquête. Elle n’utilise pas non plus le suspense, ou peu. Si le roman fait frémir, c’est justement parce que l’important est ailleurs. Cet ailleurs, il réside dans le contact avec la monstruosité. Le récit fait grandir l’enfant aux côtés de son ravisseur et nous montre la manière dont l’enfant « s’adapte » à son horrible situation. Il nous laisse entrevoir tout autant les rouages de l’esprit dérangé de Daddy Love que des aménagements aveuglés de ceux qui seront en contact avec lui et avec l’enfant.
Les habitués de ce blog savent combien j’admire le talent de Joyce Carol Oates. J’ai pourtant hésité avant d’acheter ce roman. Le sujet me semblait peu propice au « romanesque » et je redoutais plus que tout la complaisance face à ce genre de fait divers (on a tous en tête les visages de ces enfants disparus, toujours pas retrouvés, et l’on n’ose imaginer le quotidien des parents qui vivent avec cela). Et bien je ne regrette pas du tout cet achat car la romancière a évité toute dérive de ce genre (autrement dit le registre "putassier" comme je l'ai lu dans le Télérama à propos de certaines séries). Elle propose seulement une variation sur une déviance et une réflexion sur le pouvoir de contamination du « mal ». C’est un roman profondément dérangeant car il pose de très nombreuses questions sur le libre arbitre, sur les pouvoirs de l’éducation et sur le rôle du paraître dans nos sociétés modernes. Elle invite également à de salutaires interrogations sur les pouvoirs de la religion (sujet ô combien d’actualité avec les affaires qui ont récemment éclaboussé la hiérarchie de l’Eglise à Lyon). Car Daddy Love est prédicateur et il se déplace avec un véhicule surmonté d’une énorme croix, allant de ville en ville pour prêcher la bonne parole, tout en ayant dans son pick-up un enfant enlevé…
Le roman se clôt sur une dernière page qui s’avère tellement troublante que l’on a envie de relire le roman pour comprendre quelque chose qui restera sans doute inaccessible. Vous l’avez compris, c’est du grand art. Une fois de plus, Joyce Carol Oates nage en eaux troubles, voire ici franchement délétères, mais elle en tire un suc vénéneux tout autant qu’intelligent. Sans jamais céder à la facilité ou au voyeurisme, elle brode une fois de plus une trame sur les relations de pouvoir et les conséquences de la prédation sur les plus faibles. Les enfants victimes d’adultes en position de figure d’autorité sont des figures récurrentes dans son œuvre. Toutefois, elles sait aussi montrer leur part d’ombre, y compris lorsqu’ils sont victimes. C’est ce qui dérange souvent dans ses récits où même les faibles peuvent se transformer en salauds. Plusieurs jours après avoir fermé l’ouvrage, je pense encore aux personnages, et je tourne dans tous les sens les options laissées en suspens dans la pages finale. Du grand art je vous dis !
Ce dernier roman de Joyce Carol Oates pourrait être un roman policier. Les ingrédients habituels du polar sont présents : un enlèvement d’enfant, une enquête qui tourne court mais des parents qui continuent à attendre et à chercher, un psychopathe d’une perversité glaçante. Sauf que la romancière américaine ne braque pas le projecteur sur l’enquête. Elle n’utilise pas non plus le suspense, ou peu. Si le roman fait frémir, c’est justement parce que l’important est ailleurs. Cet ailleurs, il réside dans le contact avec la monstruosité. Le récit fait grandir l’enfant aux côtés de son ravisseur et nous montre la manière dont l’enfant « s’adapte » à son horrible situation. Il nous laisse entrevoir tout autant les rouages de l’esprit dérangé de Daddy Love que des aménagements aveuglés de ceux qui seront en contact avec lui et avec l’enfant.
Les habitués de ce blog savent combien j’admire le talent de Joyce Carol Oates. J’ai pourtant hésité avant d’acheter ce roman. Le sujet me semblait peu propice au « romanesque » et je redoutais plus que tout la complaisance face à ce genre de fait divers (on a tous en tête les visages de ces enfants disparus, toujours pas retrouvés, et l’on n’ose imaginer le quotidien des parents qui vivent avec cela). Et bien je ne regrette pas du tout cet achat car la romancière a évité toute dérive de ce genre (autrement dit le registre "putassier" comme je l'ai lu dans le Télérama à propos de certaines séries). Elle propose seulement une variation sur une déviance et une réflexion sur le pouvoir de contamination du « mal ». C’est un roman profondément dérangeant car il pose de très nombreuses questions sur le libre arbitre, sur les pouvoirs de l’éducation et sur le rôle du paraître dans nos sociétés modernes. Elle invite également à de salutaires interrogations sur les pouvoirs de la religion (sujet ô combien d’actualité avec les affaires qui ont récemment éclaboussé la hiérarchie de l’Eglise à Lyon). Car Daddy Love est prédicateur et il se déplace avec un véhicule surmonté d’une énorme croix, allant de ville en ville pour prêcher la bonne parole, tout en ayant dans son pick-up un enfant enlevé…
Le roman se clôt sur une dernière page qui s’avère tellement troublante que l’on a envie de relire le roman pour comprendre quelque chose qui restera sans doute inaccessible. Vous l’avez compris, c’est du grand art. Une fois de plus, Joyce Carol Oates nage en eaux troubles, voire ici franchement délétères, mais elle en tire un suc vénéneux tout autant qu’intelligent. Sans jamais céder à la facilité ou au voyeurisme, elle brode une fois de plus une trame sur les relations de pouvoir et les conséquences de la prédation sur les plus faibles. Les enfants victimes d’adultes en position de figure d’autorité sont des figures récurrentes dans son œuvre. Toutefois, elles sait aussi montrer leur part d’ombre, y compris lorsqu’ils sont victimes. C’est ce qui dérange souvent dans ses récits où même les faibles peuvent se transformer en salauds. Plusieurs jours après avoir fermé l’ouvrage, je pense encore aux personnages, et je tourne dans tous les sens les options laissées en suspens dans la pages finale. Du grand art je vous dis !
11e participation au challenge JC Oates |
pas certaine de plonger là car le sujet est un peu lourd pour mon moral actuel
RépondreSupprimer@Dominique : je comprends... c'est le genre de livre qu'il faut aborder "en son temps"...
SupprimerLe thème est assez glauque, mais tu en parles très bien, et tu me mets l'eau à la bouche! cela fait quelques temps que je n'ai pas lu de livres de JC Oates et il est grand temps que je m'y remette!
RépondreSupprimer@Eva Sherlev : cela faisait longtemps que je ne l'avais pas lue, et cette reprise fut forte ! J'aimerais continuer avec "Maudits", un pavé qui vient de sortir en poche. La retrouver, c'est toujours un grand moment...
SupprimerSuperbe billet ,en tout cas, on sent que tu aimes et connais l’oeuvre de l'auteur.
RépondreSupprimer@Keisha : merci ! en effet, j'aime vraiment son œuvre et je suis contente de faire partager cet attrait ;-)
Supprimerj'imagine trop bien: la camionnette avec la croix, cet abruti de pervers qui hurle sa foie,et l'enfant caché et terrorisé, je vais en rester là mais tu en parles très bien
RépondreSupprimer@Luocine : merci à toi aussi Luocine. Cette partie avec la camionnette est assez hallucinante...
SupprimerJe parcourais hier soir avant de m'endormir un vieux "Lire" avec un article sur "Mudwoman" de JCO. Je ne l'ai jamais lue et me suis promis de le faire, c'est presque anormal de laisser sur le côté une écrivaine si assidue, qui se donne entière à l'écriture.
RépondreSupprimer@Christw : assidue, c'est le mot... Je suis stupéfaite par son rythme de production qui m'évoque Balzac. Mais depuis que j'ai lu son journal, je comprends mieux. Comme tu le dis, elle se donne totalement à l'écriture ! J'attends toujours le Nobel pour elle...
SupprimerJe ne suis pas étonnée de lire un si bel enthousiasme de ta part ! ;-)
RépondreSupprimer@Noukette : avec JC Oates, c'est souvent le cas, elle est inspirée et inspirante ;-)
SupprimerJe pourrais laisser exactement le même commentaire que Dominique... Même si tu en parles très bien et avec enthousiasme. L'auteure (euh, autrice :0) m'attire de plus en plus mais je commencerais par Mudwoman, qui m'attend dans ma PAL en plus.
RépondreSupprimer@L'Or : "Mudwoman" est très bien paraît-il ! Pour moi, le prochain au programme sera "Maudits". J'attends un peu car c'est un pavé : cela sera peut-être pour la dernière semaine du RAT de printemps ;-)
SupprimerAh Maudits je l'ai repéré aussi ;0) En plus il vient de sortir en poche, si je craque je te le dirais, on pourrait se le lire ensemble (je te dirais ça ;0) Sinon, tu as été lire l'excellent billet d'Audrey sur auteure, autrice ? Elle vient d'en écrire un tout autant instructif sur les femmes et la BD, un blog dont j'ai retenu l'adresse et qui va bien avec l'émission d'hier dans la grande librairie... C'est pas simple d'être une femme, mais pour rien au monde je voudrais être un homme ;0)
Supprimer@L'Or : oui, je suis tout à fait partante pour une lecture commune de "Maudits". J'avais envisagé de le lire pour la dernière semaine du RAT (dans une dizaine de jours donc) mais il est très long et j'ai peur que cela soit un peu juste, une semaine, quand je travaille. Mais on peut aussi le commencer à cette occasion et se donner un délai plus long. Qu'en penses-tu ? On peut aussi lancer une LC sur un mois (j'adore faire les logos, ce sera l'occasion d'en faire un...).
SupprimerJe n'ai pas encore eu le temps d'aller lire le billet en détail, beaucoup de travail aujourd'hui. C'est toujours pareil, la fourmi, ayant chanté tout l'été, se trouva fort dépourvue lorsque l'hiver fut venu ;-) Et pendant que je m'amuse à faire des RAT, le reste n'avance pas :-0
C'est certain qu'à lire ton commentaire ce livre ne laisse pas insensible, reste à savoir si une réflexion sur le pouvoir de contamination du mal comme tu dis et sur toutes les autres questions (libre arbitre, pouvoirs, éducations, rôle du paraître et pouvoirs de la religion)peut aider à faire changer les choses ou si ce n'est pas un moyen pour l'auteur de trouver des excuses à la fatalité vu que c'est tellement énorme que l'on passe à autre chose pour ne pas risquer de sombre dans cette immense trou noir?
RépondreSupprimer@Alex-6 : le débat reste ouvert sur ce genre de question... Mais il est vraiment intéressant de voir comment elle aborde ces problèmes, sans verser dans le voyeurisme, ce qui, il faut le reconnaître, est déjà un sacré challenge !
SupprimerBrrr quel sujet glaçant mais ton billet est tellement tentant !
RépondreSupprimer@Anne : tout à fait glaçant en effet, et la glace met longtemps à fondre car je pense encore à ce livre lu il y a déjà une quinzaine de jours maintenant...
SupprimerEt de trois ! même commentaire que Dominique et l'Or ... déjà, elle me fait peur en temps ordinaire cette romancière, alors là .. mais après tout, un jour de grand courage, pourquoi pas.
RépondreSupprimer@Aifelle : il faut bien choisir son moment en effet pour lire ce genre d'ouvrage. Mais ensuite, on est vraiment en admiration devant tant de talent. Bon enfin, tu le sais, je suis conquise ;-)
SupprimerElle nage bien souvent en eaux très troubles cette chère JCO. J'aime beaucoup ce genre de roman où on cherche à comprendre des psychologies différentes, voire clairement perturbées. Je le note donc celui-là, comme beaucoup d'autres de l'auteur d'ailleurs que je n'ai pas lue depuis longtemps...
RépondreSupprimer@Sandrine : oui, parfois très troubles même... mais je la retrouve toujours avec grand plaisir !
SupprimerOh que tu me donnes envie... J'aime énormément cette auteure et j'avais été déçue par "maudits" mais celui-ci semble davantage se rapprocher de, par exemple, "petite soeur mon amour" que j'avais trouvé remarquable, ou d'autres, comme "nous étions les mulvaney" ou "les chutes"... je vais le lire ! Bises de Sandrion (ton blog refuse que j'apparaisse comme telle ! donc je signe...)
RépondreSupprimer@Sandrion : tu m'inquiètes un peu concernant "Maudits" car je pensais en faire ma prochaine lecture de JC Oates. "Les Chutes" reste pour moi un sommet dans sa production ! Mais je n'ai pas lu sa trilogie vénéneuse où l'on trouve, entre autres, "Bellefleur". Bonne lecture pour "Daddy love".
SupprimerUne fois de plus, ce blog fait des choses étranges... les mystères de l'informatique, parfois, me dépassent :-(
Bonjour Margotte, à te lire, c'est un roman dérangeant mais fort et qui vaut la peine. Peut-être un jour mais pas tout de suite. Ce genre de sujet me perturbe. Bonne journée.
RépondreSupprimer@Dasola : c'est en effet un roman perturbant que je n'ai d'ailleurs toujours pas oublié. Mais concernant ce genre de sujet, c'est finalement plutôt bon signe... Bon we à toi.
Supprimerdis, tu ne serais pas super méga fan de cet auteur, toi? :)
RépondreSupprimer@Violette : euh... ben si M'dame, j'avoue ;-)
Supprimerquelle auteure! Je suis loin de les avoir tous lu, mais jamais déçue!
RépondreSupprimer@Eimelle : comme toi, jamais déçue ! Et pour tout lire, il faudrait bien du temps, elle a une production pléthorique, je me demande comment elle arrive à rédiger tout ça...
SupprimerTu arriverais presque à me convaincre de le lire. Mais après quelques déceptions avec cette auteure, j'hésite toujours un peu.
RépondreSupprimer@Alex : des déceptions avec JC Oates ? avec quels livres ?
Supprimerça me fait vraiment trop peur, au niveau du contenu, pour que j'ose cette lecture...
RépondreSupprimer@Adrienne : je comprends. Dans ce cas là, surtout, ne pas se forcer... Bonne soirée à toi Adrienne.
SupprimerJ'ai lu de nombreux romans de cet auteur. elle explore toujours l'aspect sombre de l'amérique... Je note. J'aime beaucoup cet auteur même si ses sujets sont souvent durs...
RépondreSupprimer@Maggie : je crois que lorsque l'on goûte cette auteure, on y revient, encore et toujours. Les sujets sont durs en effet mais quel plaisir de lecture !
SupprimerC'est une auteur qui me tente depuis longtemps et le mois prochain, je vais normalement lire Mudwoman.
RépondreSupprimer@Zofia : ah, cela fait partie des titres de cette auteure que j'ai envie de lire ! Il a eu de très bons échos ce roman...
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