Enfin ! Il est des auteurs que, pendant des
années, on envisage de lire. Dans les livres dont je parlais sans jamais les
avoir lu se trouvaient ceux de Jane Austen, comme se trouvent aussi, hélas, ceux
de Dostoïevski. Mais heureusement, il y a le mois anglais… N’ayant pas
forcément la disponibilité de me lancer dans des ouvrages exigeants, j'ai commencé avec ce petit opus, un inédit publié en janvier qui présente des lettres
de Jane à ses nièces mais aussi la description de « Tante Jane » par
ses nièces Anna, Caroline et Fanny. Au risque de paraître totalement frivole,
j’avoue que la belle couverture de ce Livre de Poche de la collection biblio, a
été une première accroche avant de devenir le petit plaisir journalier qui
précédait la lecture des lettres…
Voilà un livre que je conseille tout d’abord au Janeites, bien
que j’imagine qu’ils (elles) ne m’auront pas attendue pour dévorer cet objet
cher à leur cœur ! En effet, on y découvre Jane dans son quotidien et l’on
prend connaissance du milieu dans lequel elle évoluait. Née en 1775 à
Steventon, au sud de l’Angleterre, elle appartenait à la « gentry »
anglaise. Fille de pasteur, elle vécut entourée de sa famille nombreuse (elle
avait 6 frères et une sœur et eut une trentaine de neveux et nièces !). Sa
biographie reste très lacunaire car dans un souci de discrétion, sa sœur
Cassandra a détruit la plus grande partie des lettres qui auraient pu permettre
de dévoiler les aspects plus intimes de la romancière. Ces lettres, écrites
lors de leurs périodes de séparation, ont été brûlées ou soigneusement
découpées afin de censurer les passages trop personnels.
Cassandra et Jane dans le film Becoming Jane (2007) |
En dehors de Cassandra, ses nièces Anna, Fanny et Caroline ont
été ses trois correspondantes les plus régulières et ce livre rassemble
l’ensemble de leurs lettres à Jane. Fanny, orpheline de mère[1],
deviendra une confidente, une « presque deuxième sœur ». Il est donc
d’autant plus surprenant de lire, à la fin du volume, une lettre de Fanny qui
présente Jane sous un jour peu positif : « oui, ma très chère, il
est tout à fait vrai que dans certaines circonstances Tante Jane ne se montrait
pas aussi raffinée qu’elle aurait dû si l’on songe à son talent. »
(extrait d’une lettre de 1877, Fanny est alors âgée de 84 ans). La présentation
de cette lettre (de Marie Dupin) évoque les hypothèses qui peuvent être
formulées pour expliquer ce qui ressemble à un règlement de compte… (hypothèses
que je vous laisse découvrir…).
Mais revenons à l’échange épistolaire qui constitue le cœur de
l’ouvrage. Il s’ouvre en 1814 par une lettre à Anna et se clôt par une lettre
de Cassandra, la sœur adorée, à Fanny, à la mort de Jane, survenue le 18
juillet 1817 (elle était âgée de 42 ans). D’une lecture très agréable, il
compose une sorte de tableau impressionniste de la romancière. C’est ainsi par
petites touches aux couleurs estompées que l’on fait sa connaissance. Nous
l’entendons ainsi donner des conseils littéraires à Anna (celle-ci vient
de commencer un roman intitulé Which is the Heroine ?) : « Durant
les quelques années où l’héroïne grandit encore, il est normal que l’intérêt
qu’on lui porte soit moindre, mais j’attends beaucoup de divertissement des 3
ou 4 prochains cahiers & ses remarques, je l’espère, ne te fâcherons pas au
point de ne plus m’envoyer ton travail. » . Nous découvrons par la
même occasion ses goûts en matière de roman : elle déteste Alicia de
Lacy de Mrs West mais apprécie « ceux de Miss Edgeworth ».
Les affaires de cœur liées aux « sentiments » de Fanny
amènent de nombreux commentaires sur l’amour ou le mariage, et sur les
prétendants de sa nièce qui trouvent rarement grâce à ses yeux… « Tout est
préférable, tout peut être enduré plutôt qu’un mariage sans affection
(…) » écrit Jane en novembre 1814.
Les "souvenirs de Tante Jane"
réunis à la fin du volume permettent de découvrir le portrait physique de
l’écrivaine, une femme aux cheveux bruns clairs qui frisaient naturellement et
aux yeux noisette (que j’imagine pétillants d’intelligence…). « Elle
portait toujours un bonnet » nous dit Caroline Austen, et commençait
toujours la journée en musique, s’exerçant chaque matin sur son piano forte.
Elle menait une vie très régulière et écrivait dans le salon, y compris lorsque
s’y trouvaient des membres de la famille. La vie s’écoulait ainsi de manière
très feutrée à Chawton, d’après ces témoignages familiaux. L’ensemble des
écrits laissent l’image d’une femme d’une grande vivacité, qui aimait le
contact avec les enfants, leur racontant des histoires de fées à volonté…
Si vous êtes arrivé au bout de ce billet, vous avez deviné que
j’ai pris grand plaisir à cette lecture. La vivacité du ton des lettres, la
délicatesse du style, le portrait qui s’y dessine par un effet d’estompe, tout
concourt à proposer une lecture charmante qui invite à se plonger au plus vite
dans les romans qu’elle signait à l’époque « by a Lady »…
2e participation au mois anglais de Lou et Cryssilda |
Oh bien sûr que je l'ai lu (après tous les romans de Jane Austen!)
RépondreSupprimer@Keisha : en ce qui concerne les romans, me reste à commencer... mais ce petit livre très agréable fut un bon début ;-) Bonne journée !
Supprimeret bien... vive la famille, ses souvenirs colorés, décolorés, recolorés, découpés aux ciseaux... et ses règlements de comptes ;-)
RépondreSupprimer@Adrienne : on se demande bien ce qu'il pouvait y avoir au dessus des passages marqués à coups de ciseaux. Cela devait changer de l'ambiance thé et petits gâteaux dans un cottage anglais ;-)
SupprimerCa me rappelle que j'ai une bio de Jane Austen qu'il faut que je lise et que je lirais bien aussi son oeuvre épistolaire. ( J'adore les lettres d'écrivain !)
RépondreSupprimer@Maggie : alors ce livre est pour toi ! Je suis tombée aussi aujourd'hui sur un petit roman épistolaire publié dans la collection Folio à 2 euros. J'avais trop de lectures en cours mais je crois que cela sera mon prochain achat en mode "Janeite" ;-)
SupprimerTon billet très complet me donne grande envie de lire cet ouvrage ! hop, dans les favoris pour l'an prochain sans doute :-)
RépondreSupprimer@FondantGrignote : merci ! C'est ce qui est bien avec le mois anglais, c'est que l'on peut faire ses listes pour l'an prochain ;-)
SupprimerJe n'ai pas lu grand-chose sur la vie de Jane Austen et la découvrir à travers cette correspondance me plairait bien.
RépondreSupprimer@Tania : c'est un bon moyen... j'ai en plus podcasté aujourd'hui une série d'émissions de France Culture sur elle, pour continuer ma découverte. Bon we :-)
SupprimerC'est un écrivain qui occupe une place particulière dans mon cœur de lectrice, alors je suis ravie que tu aies pris le temps de la découvrir. Je n'ai pas lu ses lettres, mais j'y compte bien.
RépondreSupprimerAs-tu prévu de lire rapidement une de ses oeuvres ? Peut-être connais-tu les adaptations ?
@Lilly : j'aimerais bien commencer une de ses oeuvres, je ne sais pas trop par laquelle commencer, d'autant plus qu'en ce moment, je n'ai pas envie de partir dans des "pavés", n'ayant pas la disponibilité pour... Je connais une bonne partie des adaptations, qui sont souvent de petites pépites :-)
SupprimerAh oui, on sent que tu as aimé ce livre.
RépondreSupprimer@Alex : tout à fait :-)
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