Voilà une pièce de Victor Hugo
qui aura attendu bien longtemps avant de figurer dans le Théâtre en
liberté. Commencée en 1866, elle attendra 1934 pour être éditée, entre
le Théâtre de jeunesse et les Plans et projets ! Si elle n’est
pas la pièce la pièce la plus connue ou la plus jouée du répertoire hugolien,
elle a tout de même été montée par la Comédie française en 1995, sous la
direction de Jean-Paul Roussillon.
On y retrouve les grands thèmes
chers à Victor Hugo, avec, en tête, l’injustice. Mais si j’ai pris grand
plaisir à la lire, c’est avant tout pour deux raisons : tout d’abord la
richesse narrative de ce drame qui présente un côté ébouriffant, ensuite les
personnages, et particulièrement celui de Glapieu (j’y reviendrai…).
J’ai déjà évoqué dans un billet
précédent (ICI) le contexte de publication du Théâtre en liberté mais je
reviens tout de même sur la chronologie qui mènera à Mille francs de
récompense. En 1843, le drame de la mort de Léopoldine engendre le silence de
l’écrivain qui cesse de publier des œuvres littéraires pour se consacrer à la
politique. Toutefois, de 1843 à 1856, les fragments de ses brouillons montrent
qu’il continue à écrire. En 1854, un dossier « théâtre en liberté »
est ouvert, et ne demande qu’à accueillir de nouveaux drames en gestation. Le 3
septembre 1859, alors qu’il vient de clamer du fond de son exil, « Quand
la liberté rentrera, je rentrerai », il ébauche une « Préface des
drames à publier ». Son théâtre
alors n’a plus été joué à Paris depuis 8 ans. Fi ! il publie alors Les
Misérables (en 1862)… Or, on retrouve, dans les personnages de la pièce qui
nous intéresse aujourd’hui de nombreux éléments du roman. En 1866, il note sur
son carnet « Aujourd’hui jeudi 1er février, je tire de ma
réserve les deux rames de papier Bichard 1831 doré sur tranche. C’est sur ce
papier que, selon toute apparence, D.V., j’écrirai les deux drames Cinq cents
francs de récompense (prose) et Torquemada (vers). »
Mise en scène de Laurent Pelly (2010). Source ICI |
Mais qu'en est-il de l'histoire ? Elle est assez simple. Une famille Gédouard est poursuivie par les huissiers et un homme sans scrupule, Rousseline, grand machinateur, essaie de profiter de la situation (qu'il a contribué à créer) afin d'épouser la fille des malheureux. Mais Etiennette n'a aucune envie de se marier avec lui car elle aime ailleurs. Face à tant d'adversité, un voleur au grand cœur, Glapieu, va venir s'opposer à ceux qui ont tout mais veulent toujours plus.
La pièce se lit avec enthousiasme ne serait-ce que parce que les didascalies sont si nombreuses que l'on se croit parfois dans un roman. Drame romantique oblige. On "voit" ce qui se trouve sur scène : "au lever du rideau, pendant que Cyprienne parle, on voit sur le palier dans le compartiment de gauche un homme en haillons". Les quatre actes se déroulent dans des décors différents et l'ensemble est riche en rebondissements, avec vols, reconnaissance d'enfants machinations rocambolesques.
Et puis, j'avoue avoir été séduite immédiatement par le personnage de Glapieu. Imaginez Gavroche ayant échappé aux balles des soldats, un Gavroche toujours épris de liberté et de justice : c'est Glapieu. "Car qui n'a pas la liberté, n'a plus la vie", lance-t-il dans la première scène de la pièce. Sa fraîcheur s'oppose au cynique Rousseline qui a une morale simple : "la vertu finit où la bêtise commence"...
Mention spéciale à la scène 5 de l'acte III, où Glapieu monologue face au coffre-fort du baron de Puencarral, riche banquier. Extrait :
"C'est une chose bizarre que l'acharnement de nos commencements à nous poursuivre. Je veux faire une bonne action. Soit. Il faut que je la fasse avec effraction. Dans la jaunisse tout est jaune ; dans la chute, tout est faute. Une fois qu'on est dans ce que les gens du monde appellent la pègre, il n'est pas possible d'être honnête autrement qu'en se servant du moyen déshonnête. Pour aller de la rive coquine à la rive vertueuse, pas d'autre passerelle que le pont du diable."
Tu as pu voir la pièce adaptée au théâtre ?
RépondreSupprimer@Alex : non et j'aimerais bien car les rebondissements doivent en faire un spectacle agréable !
SupprimerCette contradiction entre le Bien et le Mal et l'absence nette de frontière entre les deux m'a frappée. C'est vrai aussi pour Edgar Mark qui sauve le grand père en commettant un acte indélicat. Je suis comme toi, j'ai beaucoup aimé la pièce et le personnage de Glapieu. Les procédés rocambolesques m'ont amusée. Molière les utilisait assez souvent mais on trouve cela aussi dans les mélos.
RépondreSupprimer@Claudialucia : tout cela me fait apprécier de plus en plus le "Théâtre en liberté" de notre cher Hugo ;-)
Supprimerintéressant! s'écrie la fan de Victor qui sommeille en moi ;-)
RépondreSupprimer@Adrienne : qui sommeille seulement ? ou qui se réveille ? ;-)
SupprimerMais je vais la lire, cette pièce que je ne connais pas !
RépondreSupprimerBon week end.
@Bonheur du jour : excellent choix ! Bon we à toi aussi.
SupprimerOh je n'avais pas fait le lien, mais tu as raison : Glapieu est un Gavroche adulte ! C'est tellement évident maintenant que tu le dis.
RépondreSupprimer@Nathalie : c'est sans doute pour cela que l'on se prend vite de sympathique pour lui ;-)
SupprimerChez vous Hugo, chez l'autre Balzac ("à sauts et à gambades"), il va falloir que je me remette à mes classiques ! C'est tentant. A priori Balzac m'ira bien amis je crois que c'est parce que j'en ai tout en numérique (gratuit via Bibebook).
RépondreSupprimer@Christw : Balzac, c'est bien aussi pour sûr ;-)
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