TNB à Rennes |
J'ai eu la chance d'assister, samedi dernier, à une représentation de la pièce de Marivaux, Les Fausses Confidences, mise en scène par Luc Bondy. Avec : Isabelle Huppert dans le rôle d'Araminte, Louis Garrel dans le rôle de Dorante. Mention spéciale pour Jean-Damien Barbin qui jouait Arlequin et Bulle Ogier parfaite en Madame Argante.
P. Garrel et Bulle Ogier |
L'intrigue
Dorante, un jeune homme pauvre mais beau (vous remarquerez que je choix de Louis Garrel était plutôt adapté...), aime Araminte, femme riche qui n'a jamais vu son amoureux transi. Le fossé social qui sépare nos deux personnages devrait interdire toute rencontre mais c'est sans compter sur Dubois, ancien valet futé de Dorante. Car Dubois, plein de ressources, sous le couvert de" confidences" savamment distillées, va exciter tout d'abord la curiosité d'Araminte. Piquée d'intérêt face à cet amour qu'on lui porte, la belle va vite se construire des scénarios romanesques. Face à cet engouement naissant, Madame Argante vient rappeler, pour le plus grand bonheur des spectateurs, que les fâcheux existent encore. L'argent face aux intermittences du cœur... thème au centre de ce petit bijou, n'est pas sans questionner l'actualité.
J'ai moyennement goûté
L'aspect survolté de cette lecture du texte. J'ai trouvé de parfois les personnages étaient "surjoués" au point de friser le ridicule. Le marivaudage est pour moi plus discret et plus fin. Cela donne un aspect franchement comique à la pièce, ce qui n'est pas désagréable mais Araminte est parfois au bord de l'hystérie, alors que je l'imagine plus mélancolique et plus réservée. Isabelle Huppert expliquait, dans une interview donnée au journal Ouest-France, qu'elle s'amusait à varier les interprétations d'un soir à l'autre, passant de la franche gaîté à un aspect plus mélancolique justement du personnage. Il faudrait donc que je retourne voir la pièce une deuxième fois...
J'ai aimé
- La mise en scène de Luc Bondy qui tout en étant moderne, sait évoquer sans marteler. La présence des chaussures au fond de la scène, disposées en rond, m'a interrogée... jusqu'à ce que je pense ce matin à l'expression "trouver chaussure à son pied" et que je revois la pauvre Marton (Manon Combe) à la fin de la pièce en train d'essayer vainement de nombreuses chaussures, et qui arrivait à la fin munie de chaussures plates à lacets, alors qu'elle portait, amoureuse et bientôt mariée au début de la pièce de belles chaussures noires à talons aiguilles.
Dorante et Dubois (Yves Jacques) |
Les panneaux coulissants qui paraissent glisser sur la scène et composent une maison à la fois trouée, labyrinthique et en perpétuel changement me semblent incarner parfaitement les intermittences du cœur et de ce monde intérieur si souvent fluctuant. Les panneaux s'éloignent, se rejoignent, dans un ballet amoureux qui évoque le marivaudage.
Araminte et Dubois |
- Le jeu des acteurs ! J'ai adoré la composition de Bulle Ogier. Le plaisir de jouer des acteurs était palpable : on sentait à la fois le travail mais aussi le bonheur de jouer encore une fois pour ces acteurs pour la plupart très expérimentés. Ce plaisir, en ce qui me concerne, a été communicatif.
- Quel plaisir d'entendre la voix d'Isabelle Huppert en direct ! De retrouver certaines de ces mimiques vues tant de fois sur un écran et ici présentes sans aucun "filtre". Un vrai bonheur pour moi car je voue une grande admiration à cette actrice pour ces choix et sa manière d'aborder son travail.
Isabelle Huppert |
- J'ai également apprécié cette place accordée à la fin du spectacle à la lecture de la belle lettre de Jacques Ralite en faveur de la culture, adressée au Président de la République. Vous pouvez la lire entièrement ici.
Extrait :
"(...) Le travail est tellement livré au
management et à la performance que les personnels se voient ôter leurs
capacités de respiration et de symbolisation. On a l’impression que
beaucoup d’hommes et de femmes des métiers artistiques sont traités
comme s’ils étaient en trop dans la société.
On nous répond, c’est la crise. La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle la rend au contraire plus indispensable. La culture n’est pas un luxe, dont en période de disette il faudrait se débarrasser, la culture c’est l’avenir, le redressement, l’instrument de l’émancipation. C’est aussi le meilleur antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme. (...)"
On nous répond, c’est la crise. La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle la rend au contraire plus indispensable. La culture n’est pas un luxe, dont en période de disette il faudrait se débarrasser, la culture c’est l’avenir, le redressement, l’instrument de l’émancipation. C’est aussi le meilleur antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme. (...)"
Pour conclure : une excellente soirée !
Les photographies proposées pour illustrer ce billet ont été prises par Pascal Victor, et sont visibles sur le site du théâtre de l'Odéon.
Aller au théâtre, déjà, c'est chouette. Alors si c'est pour Molière, Bondy, et Isabelle Huppert.... Encore mieux !
RépondreSupprimer@Bonheurdujour : oui ! ce fut mon bonheur du samedi ;-)
Supprimeren effet, voilà une pièce que j'aurais aimé voir!
RépondreSupprimer@Eimelle : je comprends... j'ai vraiment passé une excellente soirée :-)
SupprimerBonsoir Margotte, j'ai eu l'occasion d'aller voir la pièce à l'Odéon. J'ai aussi beaucoup apprécié la mise en scène de Luc Bondy et l'interprétation de Bulle Ogier http://dasola.canalblog.com/archives/2014/02/11/29134708.html Bonne fin d'après-midi.
RépondreSupprimer@Dasola : oui, les photos viennent d'ailleurs de la représentation à l'Odéon... je vais aller lire ton billet avec plaisir ;-) Bonne soirée à toi
SupprimerJe l'ai vue aussi à Paris et je me suis vraiment régalée, et Isabelle Huppert n'était pas spécialement hystérique. Autant je l'avais détestée dans Un tramway, autant là elle m'a beaucoup émue.
RépondreSupprimer@Papillon : le mot "hystérique" était peut-être un peu fort, disons qu'il y a des moment où j'ai trouvé qu'elle surjouait et où elle était un peu trop fofolle à mon goût pour ce personnage. Mais cela ne m'a pas empêchée de prendre du plaisir à voir à ce spectacle :-)
SupprimerTrès beau billet qui donne vraiment envie de revoir jouer cette pièce. Très belle lettre aussi de Jacques Ralite. Elle devrait être mieux connue et répercutée dans les médias!
RépondreSupprimer@Mango : merci ! C'est vrai que cette lettre, alors qu'elle est vraiment très belle devrait être diffusée de manière beaucoup plus massive... Bonne journée à toi.
SupprimerIl est chouette ton billet et il me rend nostalgique, j'allais beaucoup au théâtre il fut un temps, et je me rends compte qu'il est possible que cela me manque...
RépondreSupprimer@Galéa : merci ! C'est le genre de spectacle dangereux, qui donne envie de prendre un abonnement "Carte blanche" ;-) Tu n'as pas de théâtre proche de chez toi ? Ou pire... pas le temps ?...
SupprimerJ'ai raté cette représentation !!! Tu me le fais regretter. Par contre, j'ai lu ton billet avec intérêt, d'abord parce j'adore le travail de Bondy sur les pièces classiques. Il sait les revitaliser sans les trahir en les modernisant à l'excès, et ensuite, parce que Huppert "en vrai", c'est juste du bonheur ...
RépondreSupprimer@Athalie : Huppert en "vrai" comme tu le dis, c'est vraiment que du bonheur !!! C'était étonnant, de la part des acteurs présents (ils étaient tous très bons...) ce mélange de grand professionnalisme allié à une aisance palpable, à un "jeu" qui semblait les ravir. Ah quel plaisir cette soirée :-))
SupprimerJ'aime beaucoup Marivaux mais je connais mieux ses romans que ses pièces. Il fuadrait que je la lise ! tu as eu d ela chance de voir tous ces acteurs ( J'aime bien L. Garrel aussi !). La mise en scène moderne semble bien adaptée à la pièce...
RépondreSupprimer@Maggie : oui, la mise en scène mettait vraiment la pièce en valeur. La preuve, je n'avais pas eu le temps de lire le texte avant, que je ne connaissais pas, mais j'ai pu en profiter quand même. Non seulement en profiter mais apprécier véritablement. J'avais l'impression, en sortant, d'avoir saisi "l'essence" de la pièce, ce qui n'est pas toujours le cas après une représentation théâtrale. Enfin, de quoi donner envie de fréquenter assidument les théâtres ;-)
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