Philippe Carrese est un auteur marseillais. Né
en 1956, il a déjà a son actif dix-neuf polars, souvent situés dans la cité
phocéenne, et dont certains sont inspirés de faits réels (il faut avouer que
dans ce domaine, la belle du Sud fournit de quoi…). Mais cet auteur se
caractérise par sa polyvalence puisqu’il est également réalisateur,
illustrateur, et documentariste (voir sont site, ICI).
C’est totalement par hasard que je suis tombée
sur Enclave, ouvrage publié initialement en 2009 chez Plon, qui vient de
ressortir en édition de poche aux éditions de l’Aube. Je précise immédiatement
qu’il ne s’agit pas d’un polar mais bien d’un roman que je n’ose qualifier
d’aventure en raison du contexte de l’histoire…
Janvier 1945 au nord de la Slovaquie. C’est la débâcle.
Les Russes avancent. Le 17 janvier, ils sont en Pologne (fin janvier, ils
franchiront l’Oder). L’occupant allemand commence à avoir froid aux fesses et
dans le camp de travail de Medved’, il décide d’abandonner les lieux au hasard.
Un hasard calculé toutefois puisque les nazillons, toujours créatifs, décident
de couper les accès au camp qui se trouve dans un lieu particulièrement
difficile d’accès. Tout d’abord sidérée, la communauté du camp de travail finit
par réaliser que les Allemands sont partis. Passé le choc de cette incroyable
libération, les résidents du camp s’organisent et mettent en place une nouvelle
hiérarchie. Le camp pourra-t-il être évacué ? Les prisonniers pourront-ils
fuir ce lieu où ils ont vécu l’horreur ? Les Allemands vont-ils
revenir ? Qui va diriger la communauté et comment ? Voilà une partie
des questions que l’on se pose en lisant fébrilement ce roman.
J’avoue avoir hésité beaucoup avant d’acheter
ce livre. En effet, le romanesque associé à la thématique des camps de
concentration me gêne souvent pour des questions d’éthique (oui, je sais, le
terme est passé de mode mais j’assume mon côté vieille école). Enfin, le risque
de complaisance morbide étant fort, il a fallu trois visites en librairie
avant que je ne finisse par l’acheter, après avoir lu les premières pages… Et
j’ai bien fait car non seulement Philippe Carrese évite la complaisance ou les
effets faciles, mais il pose les bonnes questions.
A travers les déboires de cette communauté
oubliée de tous, il pose les éternelles questions du bien, du mal et des
rapports de pouvoir entre les hommes (et les femmes…). Nous découvrons
l’univers des prisonniers au travers du regard Eidesche, « le petit
lézard », jeune garçon fluet utilisé par les nazis pour explorer des tunnels
dans la montagne. On s’attache très vite à certains des personnages et on lit
tout cela très vite car le suspense monte aussi vite que la température descend
en Europe de l’Est l’hiver. J’ai souvent pensé à Tim Willocks qui ausculte lui
aussi les comportements des hommes vivants en milieu clos. Alors je vous invite
vraiment à découvrir ce roman. De mon côté, j'ai bien l'intention de découvrir les autres ouvrages de cet auteur !
Tatras, l'hiver, en Slovaquie |
Extrait
Nous nous sommes rassemblés. Le peuple de Medved’,
ou ce qu’il en restait, faisait corps. Le groupe compact s’est approché du
gouffre. De la passerelle ferroviaire il ne restait que la poutre centrale
tordue, qui n’arrivait même pas à rejoindre l’autre rive. Nous étions à jamais
perdus sur ce bout de territoire, isolés du reste du monde. Dansko m’a dévisagé, silencieux. Il a regardé
les femmes, les gamins, les survivants. Puis il est allé s’asseoir dans la
neige au bord de la gorge, les jambes dans le vide. Il était tellement abattu
qu’il en semblait serein. Un dernier éboulement résiduel, en face, est venu
couper l’inutile route d’accès en épingle à cheveux. Le silence est revenu.
Même le torrent, en contrebas, semblait rugir moins fort. Le faucon crécerelle
est repassé, virevoltant à l’endroit où se dressait la passerelle, comme pour
nous narguer. Ils sont partis ce
matin. Et ne nous ont laissé aucune chance.
J'ai eu à plusieurs reprises et dans des salons du livre de rencontrer cet auteur. Il déborde d'idées et de projets...
RépondreSupprimer@Jeanmi : à voir sa productivité, cela ne m'étonne pas ;-)
SupprimerUn auteur au doux nom.....
RépondreSupprimer@Alex : le livre n'est pas à l'image du nom ;-)
SupprimerJe découvre votre site, éminemment évocateur, poétique.
RépondreSupprimerJ'y glane que vous aimez les haïkus.
En voici un de ma plume:
"Soleil et pluie
Douceur jaune du coing
Le cœur en gelée."
Bien à vous,
David
@Anonyme : merci pour les compliments, pour votre visite, et surtout, pour le haïku... En effet, j'aime beaucoup ce genre poétique. Bonne soirée à vous.
SupprimerEst-ce que cela colle ou non
Supprimerà l'image que l'on se fait du poète?
J'ai l'audace d'être récidiviste...
Bien à vous et bonne journée.
La nuit
La nuit, toujours
Ce fut l’absence
La parole bruyante
du silence
le hurlement d’amour
sans lèvres
Le corps séparé de ses bras,
la bouche éventrée de sa langue
L’ombre d’une vitre
posée sur le rectangle
du drap
La nuit, toujours
Ce fut l’absence.
comme une éternité en
trop
L’Éternité vidée
du sang
des hommes.
David Mazhar
@David Mazhar : la récidive, dans le domaine de la poésie, ne me gêne aucunement. Vous me demandez si la création de haïku me paraît être de la poésie : oui, bien sûr. La poésie me paraît, plus qu'un genre, une manière d'être au monde qui passe, parfois, par l'utilisation des mots... Comme vous venez de le faire une deuxième fois.
SupprimerMon blog ne peut que s'en réjouir.
Bien à vous,
Margotte
Un peu trop sombre pour moi en ce moment...
RépondreSupprimer@Lor : oui, c'est très sombre mais aussi un très bon roman. Enfin, je comprends bien ton soucis, il y a des périodes où l'on évite certains livres ;-) Bonne soirée à toi !
SupprimerJ'ai ce livre dans ma PAL depuis sa sortie en grand format et je le découvre grâce à toi... tu me donnes envie de le lire.
RépondreSupprimer@Sandrine : tu peux le sortir du fond de ta PAL, lecture fébrile garantie ;-)
SupprimerJe n'ai jamais entendu parler de cet auteur .... Ta référence à Tim Willoks ne peut que retenir mon attention pour le découvrir....
RépondreSupprimer@Athalie : je pense qu'il a tout pour te plaire... surtout si tu aimes Tim Willocks (d'ailleurs, son livre de lit. jeunesse Doglands vient de sortir en poche...).
SupprimerIl est passionnant ton billet Margotte, je partage les mêmes craintes que toi sur l'éthique, et je déteste tout ce qui se complait dans le glauque...mais je note au moins le nom de l'auteur dont je n'avais jamais entendu parler...
RépondreSupprimer@Galéa : merci pour tes compliments Galéa, c'est toujours agréable, après une petite période de sevrage numérique de revenir et de trouver des mots gentils sur mon blogounet ;-) Je n'avais jamais entendu parler de lui non plus, mais j'ai bien l'intention de trouver d'autres polars de cet auteur. Bonne soirée à toi.
Supprimerle genre de roman que j'aurais laissé de côté sans ton avis du coup je le note car la région où cela se déroule m'est très chère
RépondreSupprimer@Dominique : c'est une région très "typée", j'ai adoré les descriptions de la région en question. Ce roman a vraiment été un coup de cœur !
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