Avertissement :
Ce billet, écrit durant les vacances vous semblera un peu... décalé. Mais c'est ce qui fait son charme !
Voilà en sept chapitres de quoi
alimenter bien des rêveries littéraires…. Dans ce livre publié en 2011 par
Gallimard, Mona Ozouf propose une compilation d’articles composés en quarante
ans de collaboration avec le Nouvel Observateur. L’historienne spécialiste de
la Révolution française est également connue pour ses critiques littéraires et
pour son travail sur le roman (Les aveux
du roman. Le XIXe siècle entre Ancien Régime et Révolution, 2001).
La masse d’articles pourrait être
proposée seulement comme une flânerie, mais Mona Ozouf ne s’est pas contenté de
cela. Le disparate s’organise et se déroule au travers de sept thèmes :
« Une patrie littéraire », « Une liasse de lettres » où
l’on trouvera des ouvrages épistolaires, « Voix d’ailleurs » avec une
très belle compilation d’articles sur la littérature anglaise, « Portraits
de femme », « Tableaux de la France et des Français »,
« Lumières, Révolution, République » où l’historienne reprend ses
droits et « Parmi les historiens » où j’ai pris grand plaisir à lire
une critique sur le très beau livre de Michelle Perrot, lu l’an dernier,
Histoire de chambres.
Autant dire que chaque lecteur
peut y trouver son compte. En fonction des affinités, on passe plus ou moins de
temps sur certains chapitres, ou sur certains articles, mais toujours on est
intéressé. Je l’ai lu dans l’ordre, en savourant un ou plusieurs chapitres tous
les jours. Je le retrouvais avec plaisir, me demandant en l’ouvrant vers quel
écrivain et quelle œuvre elle allait me conduire. J’ai lu avec enthousiasme des
groupes de chapitres thématiques comme ceux sur Henry James. Mes impressions de
lectures variaient donc selon les articles, et c’est bien ce qui fait l’intérêt
de cet ouvrage. L’ensemble forme véritablement une invitation à la lecture et à
l’ouverture d’esprit. Chaque article dispense en même temps une réflexion sur
l’acte de lire et sur l’importance de cet acte, le tout sans jamais être trop
didactique. Tant d’intelligence ne peut que réjouir et la somme proposée ici a
un côté rabelaisien qui ne peut que plaire à tout lecteur à tendance
boulimique. En effet, on ne cesse de noter des ouvrages, de souligner des
passages. On a envie de courir à la bibliothèque. On se dit qu’il est trop
tard, que l’on ne pourra jamais lire tout ça. On se dit aussi qu’il nous reste
tellement de merveilles à découvrir. On se dit que la lecture alliée à
l’intelligence produit de beaux enfants. On fait sa valise pour les vacances
avec plusieurs pavés, tout à coup pris par une frénésie livresque.
Alors, dois-je le dire, j’ai
fermé cet ouvrage avec un brin de nostalgie et je n’arrive pas à le ranger dans
ma bibliothèque. Je crois qu’il passera les vacances sur ma table de nuit, pour
que je retourne picorer dedans, cette fois-ci par les sentiers de traverse, au
gré des envies. Il s’associera avec bonheur avec Alexandre Dumas aussi bien
qu’avec Virginia Woolf, il sera là pour me rappeler que la lecture rime avec
plaisir, mais aussi avec « la profusion d’un univers que nous ne percevons
bien, selon le grand liseur qu’était Jaurès, qu’à travers des livres capables
de démultiplier nos vies étroites. »
Extrait
« Telle est la cause des
livres. En choisissant de coiffer par ce titre ce pêle-mêle de papiers, j’ai
conscience d’avoir opté pour une tonalité guerrière, qui suggère des
adversaires protéiformes à combattre, et une cause à défendre. Les adversaires
portent des noms variés : uniformité, généralité, abstraction,
simplification, contrainte, refonte autoritaire des âmes et des vies. La cause
peut se contenter du simple et beau nom de liberté. Mais si l’on peut en effet,
juché sur le rempart des livres, batailler pour elle, on peut aussi, abrité
derrière ce rempart, savourer le pur plaisir qu’ils procurent. « Quand
vous aurez fini de jouer avec vos livres », c’était, adressé à ma mère et
à moi, l’injonction grondeuse de ma grand-mère. Avec ce mot de jeu, arraché
selon elle aux tâches essentielles de la vie, elle disait quelques chose aussi
de la cause des livres, qui peut être, mais n’est pas toujours, celle de l’utilité.
Mais celle du cadeau gratuit, des bonheurs qu’on n’a pas mérités, de
l’imagination en cavale et de l’échappée belle, comme dans la forêt de
Brocéliande on a parfois la chance d’entrer au hameau de la Folle
Pensée. »
Catégorie essais |
Je signe à deux mains pour ce titre : il est passé entre mes doigts, je ne sais pourquoi (malgré une bonne promo télé à sa sortie) et le voici en Folio.
RépondreSupprimerPour une cause qui m'est chère, je ferai comme vous, le garder tout près pour y picorer.
Un entretien intéressant ici :
http://www.lexpress.fr/culture/livre/mona-ozouf-la-cause-des-livres-est-menacee_1051826.html
@Christw : merci pour ce lien, je vais aller lire l'article.
Supprimer"Malgré une bonne critique à la télé" Voilà tout est dit ! Un auteur n'existe QUE s'il est passé à la télé. Pour les autres il peuvent aller se faire polir chez Plumeau...
Supprimer@Jeanmi : heureusement, il n'y a pas uniquement la télévision... je n'ai pas la TV (et ne m'en porte que mieux...) ;-)
SupprimerTon billet est excellent et donne vraiment envie de se plonger dans cet essai. J'adore ces livres qui parlent d'autres livres et donnent envie de les lire ( même si c'est assez maso puisqu'on sait bien qu'on ne pourra jamais tout lire) Je l'ajoute immédiatement à ma liste d'achats et je crois que je vais en offrir quelques exemplaires également. Merci pour cette découverte Margotte !
RépondreSupprimer@Aaliz : merci. Comme toi, j'aime beaucoup les livres qui évoquent d'autres livres ;-)
SupprimerBeau billet et un extrait alléchant ! J'avais déjà noté ce titre chez Dominique (A sauts et à gambades), mais ce rappel me le fait noter à nouveau. De Mona Ozouf, j'ai beaucoup aimé "Les mots des femmes". Sa belle écriture est un grand atout pour la cause des livres. Bonne journée, Margotte.
RépondreSupprimer@Tania : merci :-) Je n'ai pas encore lu "Les mots des femmes", cela sera peut-être le prochain de cette auteure dont je n'ai pas encore tout lu. Bonne journée à toi aussi.
SupprimerUn livre que j'ai lu à sa sortie et qui m'a tout simplement enchanté, c'est intelligent, varié et j'aime qu'on puisse le lire et y revenir ce que je fais de temps à autre
RépondreSupprimer@Dominique : intelligent, c'est le mot, une vraie bouffée d'air revigorante. J'y reviendrai aussi ;-)
SupprimerDémultiplier nos vies étroites ... que voilà une belle image, si juste. Je l'avais entendue s'exprimer à la radio sur ce livre, je n'avais pas vu qu'il était en Folio, c'est comme s'il était acheté :-)
RépondreSupprimer@Aifelle : je vais être contente de lire ton futur billet alors ;-) Bonne journée Aifelle.
SupprimerPas de souci, c'est le type de livres que j'aime...
RépondreSupprimer@Keisha : oui, j'ai le souvenir de billets où tu évoques ce goût pour les livres qui parlent de livres... Ici, tu vas être servie ;-)
Supprimerle livre comme échappée belle, voilà ce qu'il me faut ces temps-ci :-)
RépondreSupprimer@Adrienne : et bien n'hésite pas, c'est une lecture revigorante !
SupprimerTon billet me plaît bien déjà et ce livre que j'avais déjà noté m'attend ! Une auteure que j'apprécie beaucoup !
RépondreSupprimer@Enitram : moi aussi, j'aime beaucoup ce qu'elle fait, en histoire et en littérature. J'ai encore une bio de Jules Ferry qui m'attend ;-)
Supprimer"une échappée belle" oui, c'est tout à fait ça... "Une imagination en cavale, un cadeau", et encore beaucoup... Je le note, merci et bonne rentrée Margotte, bises
RépondreSupprimer@Lor : bonne rentrée à toi aussi Lor, j'espère que tu vas mieux, je n'ai pas encore pris le temps de poster un com sur ton blog mais j'ai bien lu ton dernier billet, et bien pensé à toi, des bises ;-)
SupprimerQue tu en parles bien, il me tente beaucoup cet essai, je note la référence.
RépondreSupprimer@Nadael : merci :-) Je pense qu'il a tout pour te plaire cet essai.
SupprimerPas sûr que je le lise, mais j'aime beaucoup ta citation.
RépondreSupprimer@Alex : des citations dans ce livre, je n'avais que l'embarras du choix ;-)
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