J'ai eu la chance d'assister à une rencontre avec J.B. Pouy aux Champs-Libres en avril 2010. La rencontre était animée par Alain Le Flohic, animateur du festival Noir sur la ville à Lamballe. Je vous propose donc le compte-rendu de la rencontre qui est resté dans mes archives... Ce nouveau blog est l'occasion de le remettre en circulation ! J'ai essayé de retranscrire le plus fidèlement possible les propos de l'auteur… Je n'ai pas tout noté mais l'essentiel doit y être…
A. Le Flohic - Pourquoi cette passion pour ce type de littérature, le roman noir ?
JB Pouy : “C'est parti pour trois heures là ! Bon, tout d'abord, revenons sur un problème de dénomination. Moi, je déteste le roman policier car il y a des policiers dedans ! Enfin, il existe quatre catégories de “romans policiers” :
- le roman à énigme,
- le roman policier. On le date d'environ 1850. Lisez Une ténébreuse affaire de Balzac, on dirait Chirac à la mairie de Paris.
- Le thriller, qui baisse un peu en ce moment.
- Le roman noir. On le fait remonter à Sophocle. D'ailleurs, Raynal a publié Œdipe roi. Apparu dans les années 20 aux Etats-Unis, il était écrit au départ par des “progressistes” qui essayaient de parler des choses de leur temps. (…) Le policier, censé défendre l'ordre social, étant corrompu à l'époque, ces écrivains ont apporté le personnage du détective, issu de la vie civile. C'est quelqu'un de beaucoup plus libre, qui peut dire ce qu'il veut. (…) Mais en France, le personnage du détective ne s'est pas imposé. A partir de Manchette, un vision de la société s'impose. Avant lui, Amila et Meckert avaient lancé des pistes. Ensuite, le néo-polar a permis toutes les inventions. Puis, sont apparus Daeninckx et Meurtres pour mémoire. Ce n'est pas un grand roman mais il parle d'un événement majeur : la manifestation du FLN, à Paris, le 17 octobre 1961. Après, la spécificité du roman noir est apportée par Manchette, alors que Daeninckx lui apporte la légitimité. Ensuite, un groupe d'une vingtaine de personnes va faire vivre le genre en France.
De mon côté, je refuse toujours d'écrire des romans policiers car à force de parler de certaines choses, elles finissent par vous arriver. Alors, si vous parlez des flics sans cesse, il y a des chances pour qu'un jour ils débarquent chez vous ! Avant tout, le roman noir s'occupe du réel et essaye de décrire un peu notre monde. C'est un roman qui doit parler de la douleur du monde. (…)
Il faut évoquer aussi le problème de la langue. On m'accuse parfois de grossièreté. Mais il suffit d'aller dans un zinc pour entendre le langage tel qu'il est parlé, pour entendre sa vitalité ! Le roman noir a remplacé l'ancien roman réaliste, genre qui existe encore dans le roman noir. Demain, si des historiens veulent savoir combien coûtait une bière en 2010, il devront lire de la littérature populaire, et pas du Christine Angot ! On décrit notre monde, comme le faisait Balzac. Mais la grande différence entre Balzac et moi, c'est que lui, il était payé à la ligne, alors que moi, je suis pas payé… Le roman noir se doit de continuer ce courant du roman populaire.”
- le roman à énigme,
- le roman policier. On le date d'environ 1850. Lisez Une ténébreuse affaire de Balzac, on dirait Chirac à la mairie de Paris.
- Le thriller, qui baisse un peu en ce moment.
- Le roman noir. On le fait remonter à Sophocle. D'ailleurs, Raynal a publié Œdipe roi. Apparu dans les années 20 aux Etats-Unis, il était écrit au départ par des “progressistes” qui essayaient de parler des choses de leur temps. (…) Le policier, censé défendre l'ordre social, étant corrompu à l'époque, ces écrivains ont apporté le personnage du détective, issu de la vie civile. C'est quelqu'un de beaucoup plus libre, qui peut dire ce qu'il veut. (…) Mais en France, le personnage du détective ne s'est pas imposé. A partir de Manchette, un vision de la société s'impose. Avant lui, Amila et Meckert avaient lancé des pistes. Ensuite, le néo-polar a permis toutes les inventions. Puis, sont apparus Daeninckx et Meurtres pour mémoire. Ce n'est pas un grand roman mais il parle d'un événement majeur : la manifestation du FLN, à Paris, le 17 octobre 1961. Après, la spécificité du roman noir est apportée par Manchette, alors que Daeninckx lui apporte la légitimité. Ensuite, un groupe d'une vingtaine de personnes va faire vivre le genre en France.
De mon côté, je refuse toujours d'écrire des romans policiers car à force de parler de certaines choses, elles finissent par vous arriver. Alors, si vous parlez des flics sans cesse, il y a des chances pour qu'un jour ils débarquent chez vous ! Avant tout, le roman noir s'occupe du réel et essaye de décrire un peu notre monde. C'est un roman qui doit parler de la douleur du monde. (…)
Il faut évoquer aussi le problème de la langue. On m'accuse parfois de grossièreté. Mais il suffit d'aller dans un zinc pour entendre le langage tel qu'il est parlé, pour entendre sa vitalité ! Le roman noir a remplacé l'ancien roman réaliste, genre qui existe encore dans le roman noir. Demain, si des historiens veulent savoir combien coûtait une bière en 2010, il devront lire de la littérature populaire, et pas du Christine Angot ! On décrit notre monde, comme le faisait Balzac. Mais la grande différence entre Balzac et moi, c'est que lui, il était payé à la ligne, alors que moi, je suis pas payé… Le roman noir se doit de continuer ce courant du roman populaire.”
A. Le Flohic - Peux-tu nous parler de tous tes projets éditoriaux en terme de littérature populaire ?
J.B. Pouy : “Des courants hors-Paris se sont levés pour faire des rencontres, des festivals. Ce sont des bénévoles qui travaillent toute l'année et ils organisent un festival où tout le monde se retrouve. (…) Lamballe est peut-être le plus grand festival de polar en France (hors régions viticoles…). Il y a un milieu agissant qui nous fait agir : on bouge ! On a essayé de monter des collections. Le Poulpe, par exemple, a été inventé alors qu'on était bourrés, dans un café. (…) Il existe donc une édition de littérature noire assez florissante. En province, on rencontre le public et tout cela fait une vie. (…)”
A. Le Flohic - Tu aimes Queneau et l'Oulipo. Comment utilises-tu la contrainte dans l'écriture ?
J.B. Pouy : “(…) J'ai fait de bonnes études, et j'ai toujours été fasciné par l'Oulipo. En France, il existe une mythologie de l'écrivain qui souffre, qui a un chat et qui écoute du Mozart. Dans le roman noir, nous sommes plus proches des écrivains américains qui doivent avoir exercé de nombreux métiers, être alcooliques, et avoir divorcé plusieurs fois. On se donne une joie d'écrire. Quand je rencontre un écrivain qui me dit qu'il souffre, je lui dis “arrête tout ! Viens boire un coup” ou “fais du macramé !”. (…). En fait, j'ai deux règles. Un : je joue à écrire. Deux : je me mets des contraintes pour écrire. (…) Il faut varier les plaisirs. (…)”.
A. Le Flohic - Tu as une certaine tendresse pour la Bretagne. Tu as une maison à Glomel, et ton dernier roman se passe en Bretagne.
J.B. Pouy : “La Bretagne, j'y allais jeune. Puis, j'ai rencontré une dame qui avait une maison en centre Bretagne. Ils sont très ardoise là ! On s'habitue ! Quand il fait beau sur la côte, il pleut chez nous. (…) Et puis, il y a les Anglais là-bas. Les “sandales-poteries” sont à Tremargat et les situationnistes plus loin. Tout ça fait des histoires…”
A. Le Flohic - Quand on regarde ta bibliographie, on est surpris par le nombre d'éditeurs.
J.B. Pouy : “(…) Moi, j'écris vite. C'est pas toujours un bien ! Je produis beaucoup de textes.”
Public - Pourriez-vous nous parler de Pascal Garnier ? Il est décédé début mars et il a fallu attendre un mois pour en entendre parler.
J.B. Pouy : “Il était un peu annexe au mouvement. Il ne voulait pas être étiqueté roman noir. Mais il a été gagné par notre ambiance, il s'est mêlé à nous. Si Vargas est écrasée par un autobus, on va en entendre parler ! Il y a un ostracisme (…). Dans un de ses livres, il y a un de mes thèmes secrets favoris, celui des Énervés de Jumièges. (…) Le tableau pompier est au musée de Rouen.”
Public - Va-t-il y avoir une suite à La Récup' ?
J.B. Pouy : “Je ne sais pas. J'ai fait de l'histoire de l'art et travaille en ce moment sur un peintre français qui travaille sur les combats de coqs. J'ai fais de longues études sur un peintre hollandais, Gerard ter Borch.”
Public - Vous êtes passionné de rock n'roll et de contraintes. Vous n'avez jamais essayé d'écrire des chansons ?
J.B. Pouy : “C'est très difficile ! Au festival du Havre, on essaie… et le rock n'roll sauve tout !… C'est vraiment difficile et je crois qu'il faut être musicien. La preuve, quand on essaie, on se cale sur des chansons qu'on aime bien. (…) Mais ce n'est pas notre taf !”
Public - Et le 7e art ? Quel est votre rapport avec le cinéma ?
J.B. Pouy : ” A chaque fois qu'on a besoin de quelqu'un qui prend une balle dans le buffet, on m'appelle ! (…) Mais le cinéma m'a gavé, je peux plus. Il y a une surchauffe ! J'ai plus la pulsion d'y aller mais je reste godardien. (…)”
Public - Les procès qui sont faits aux auteurs de polar suscitent chez vous de l'inquiétude ?
J.B. Pouy : “Non, pas du tout, ça fait vendre et puis, ils vont perdre. Il y a eu deux ou trois procès contre le Poulpe (…). Contre Lalie Walker, ils vont se ramasser. (…)”
Public - Que pensez-vous de l'oeuvre de Jacques Roubaud ?
J.B. Pouy : “A l'Oulipo, il y avait un nid de mathématiciens chiants comme la mort. Queneau était aussi fan de mathématiques, mais il les utilisait comme un jeu. Mais Roubaud, cela me dépasse, c'est un intellectuel. Je ne comprends pas toujours ce qu'il dit. (…) Moi, j'aurais voulu être Perec à la place de Perec ! (…)”
Un beau souvenir..Merci.
RépondreSupprimer@Alain : merci à toi ! C'est en effet un excellent souvenir pour moi aussi ;-) A renouveler...
RépondreSupprimerUn auteur qu'il faut absolument que je lise ! J'ai vu une adaptation qui date un peu... mais je sais qu'il fait plein de jeu de mots... va falloir que je répare ça... En plus j'aime bien l'a manière dont il aborde la littérature : je ne savais pas qu'il aimait l'Oulipo... Merci pour cet interview extrêmement intéressante... tu en as de la chance de l'avoir vu !!!! (et entendu !)
RépondreSupprimer@Maggie : en plus, il y a des livres très drôles (je pense à "La chasse au tatou dans la pampa argentine" par exemple). J'ai appris beaucoup de choses sur lui lors de cette rencontre !
RépondreSupprimersuper!!! merci Margotte!
RépondreSupprimerje retiens surtout ceci: "en fait, j'ai deux règles. Un : je joue à écrire. Deux : je me mets des contraintes pour écrire. (…) Il faut varier les plaisirs. (…)”.
et puis je retiens aussi qu'il aurait aimé être Perec à la place de Perec... ahlala!!! et moi donc!!!
Un auteur que j'ai envie de lire depuis longtemps, je ne sais pas si je vais y arriver ! J'apprends grâce à lui que Pascal Garnier a écrit sur "les énervés de Jumièges" une légende que je connais puisque c'est situé pas loin de chez moi. Je me demande de quel livre il s'agit.
RépondreSupprimerun petit tag chez moi pour l'amoureuse des images que tu es! bises!
RépondreSupprimer@Adrienne : ben oui, Perec, c'est une sacré référence ;-)
RépondreSupprimer@Aifelle : il n'a pas cité le titre du livre de P. Garnier... Je n'ai pas cherché non plus à en savoir plus. Je suis surtout allée voir du côté du tableau.
@Violette : je vais aller voir ça ce soir ;-)