Mille ans après la naissance des premières villes dans le pays de Sumer, au sud de la Mésopotamie, régna Gilgamesh. Roi légendaire d'Ourouk, il donna naissance au premier grand récit de l'écriture cunéiforme. Cinq récits retraçant ses exploits ont été retrouvés et c'est vers - 1 200 que l'oeuvre trouva sa forme définitive, gravée sur 12 tablettes d'argile aujourd'hui conservées au British Museum. Elles ne seront déchiffrées qu'en 1872, malgré les "trous" des tablettes endommagées.
Ce texte, la plus ancienne épopée écrite, nous conte en 3 000 vers environ l'histoire du roi légendaire d'Ourouk, l'ancienne capitale de Sumer. Ce roi, qui aurait existé, aurait régné en 2 650 av. -JC. On le vénérait comme un dieu et il aurait fait bâtir les murailles d'Ourouk. Il est souvent représenté sous la forme d'un géant barbu combattant taureaux et autres monstres.
Bas-relief représentant le roi légendaire Gilgamesh maîtrisant un lion. (image : http://encarta.msn.com) |
L'épopée s'ouvre sur la présentation du "domaine dont Gilgamesh est le maître". Le roi règne sur la puissante ville d'Ourouk, capitale dotée d'une muraille, de 900 tours et de 1 000 hectares de jardins. Celui-ci ne rend de compte qu'aux dieux, surtout à Anou, le dieu du ciel et à Ishtar, la Dame-du-Ciel. Mais Ourouk n'est pas tranquille car son roi se comporte en enfant gâté. Son peuple, excédé, se plaint alors aux immortels. Ces derniers se réunissent en assemblée et décident de créer un rival. Ce sera Enkidou, né au plus profond de la steppe des oeuvres d'Ea et d'Arourou, la vieille déesse-mère dont le ventre, peut-être âgé, peut encore engendrer.
"C'est l'instant du mystère. Quel être, réellement, se prépare à naître ? Sans doute, son destin est tracé : conçu pour servir de rival à Gilgamesh. Anou l'a dit. Mais ce destin, écrit sur sa tablette, comment l'accomplira-t-il ? Ea aime les hommes. Il ne manque jamais une occasion de leur venir en aide. (...)
Dans le grand corps immobile, la vie commence à chauffer. La terre croûte en surface. Des écailles sèches tombent. Une peau grenue apparaît sous la gangue. La poitrine frémit. Le souffle circule, cherche la narine.
Arourou et Ea se regardent. Leur créature est achevée et il est temps, pour eux, de quitter les lieux. Pendant qu'ils s'éloignent, le mystère se défait, la steppe retrouve sa mouvance et le nouvel être s'accroupit en grognant. Il hume le vent, se dresse sur ses jambes, fait claquer ses mâchoires. (...)
"Nous l'avons descendu du Ciel pour qu'il accomplisse notre plan, confie Arourou. La terre, dorénavant, n'est plus tout à fait la même.""
Texte adapté par Jacques Cassabois, tiré de l'édition Hatier, Paris, 2009.
Enkidou contre Gilgamesh |
La première rencontre d'Enkidou et de Gilgamesh se solde par un combat au moment où le roi d'Ourouk, le "buffle d'Ourouk", s'apprêtait à s'accorder un droit de cuissage sur une jeune mariée malgré la colère de la famille. Enkidou gagne le combat mais refuse de mettre à mort son rival. S'ensuit une amitié qui amène les deux anciens ennemis à partir vers de nombreuses aventures. Ainsi, ils vont combattre le monstre Houmbaba et le Taureau Céleste... Je me garde bien de vous dévoiler la suite de leurs aventures. Il vous faudra lire l'ouvrage si vous voulez en savoir plus ! Et vraiment, je vous invite à lire cette épopée. Non seulement elle fait partie du patrimoine de l'humanité, mais aussi quelle force, et quelle poésie. L'adaptation de Jacques Cassabois a su transcrire toute la magie de ce récit qui se fait par moment enchanteur. Un très très bon moment de lecture !
La 11e tablette de l'épopée de Gilgamesh (British Museum) |
Et pour finir (avec nostalgie...), un passage pour le monstrueux challenge de Za :
"Shamash monte vers son Zénith, mais déjà, la mort qui sent sa proie mûrir s'avance vers Enkidou pour le saisir. Des torches s'allument devant lui et guident ses pas vers le Pays Obscur. Il franchit les six portes des six premiers remparts. Devant la septième, il est reçu par un démon. Ses bras sont des pattes de lion et ses mains, des serres de rapace. Il attrape Enkidou. D'un coup de griffe, il fend son corps du haut jusqu'en bas, puis le suspend à un clou, comme un vieux vêtement inutile. Sous sa peau d'homme, Enkidou est un pigeon. Sa nouvelle apparence dans le Royaume des Ombres qu'il découvre soudain."
Dans un hebdomadaire belge aujourd'hui disparu (le Pourquoi Pas ?, pour ne pas le citer), un journaliste avait consacré une série d'articles à cette oeuvre sumérienne.
RépondreSupprimerJ'avais adoré sa description d' Ishtar qu'il comparait à une nymphomane actuelle qui se jetterait sur tous les mecs à portée de main : facteurs, employés du gaz, plombiers, quitte à les transformer une fois satisfaite en cloportes, limaçons ou psys.
C'est le "psys" qui m'avait bien fait rire.
Je ne sais pas si les psys avaient ri...
@Walrus : voilà une série d'articles qui aurait su me plaire !!! Pas sûr, en effet, que les psys apprécient la comparaison... quoique, certains ont sûrement le sens de l'humour ;-) Bonne journée Walrus
RépondreSupprimerJe découvre ce blog à travers cet article... passionnant.
RépondreSupprimerLa pérennité des villes des grands fleuves du bassin méditerranéen et du Proche-Orient est impressionnante : Ourouk (ou Uruk) entre Tigre et Euphrate, Le Caire sur Le Nil... Entre la réalité et le mythe !
@Laterrebouge : l'histoire du bassin méditerranéen est tout simplement fascinante. J'ai parfois envie de me transformer en égyptologue ou en déchiffreur de pictogrammes ;-) Les cartes de l'Antiquité de cette région me font rêver... "Entre la réalité et le mythe", c'est tout à fait ça ;-) Il faudra un jour que je visite Le Caire !!!
SupprimerLe Caire, une ville qui approche franchement le mythe ! Et dire qu'une partie des cartes dessinées lors de l'expédition de Bonaparte en Egypte et entreposées à proximité de la place Tahrir ont hélas brûlé le mois dernier...
SupprimerJe ne savais pas pour ces cartes ! Voilà une mauvaise nouvelle... Bon dimanche quand même !
SupprimerSi ça t'intéresse, j'en parle ici : http://laterrebouge.fr/?p=288 Bonne semaine !
Supprimerencore un truc qu'il faudrait que je lise...
RépondreSupprimer@Adrienne : mais oui, sans hésitation aucune ! En plus, tu peux même le lire en version abrégée, c'est rapide et c'est une excellente introduction. Introduction seulement car lorsque tu auras commencé... Bon we à toi
Supprimerun texte que je me promet de lire depuis ....des lustres
RépondreSupprimer@Dominique : un texte magnifique, vraiment ! J'ai hâte de lire la version complète...
SupprimerUN très, très grand livre. Peut-être le premier. Fascinant car on retrouve quelques uns de nos grands mythes que nous croyions nôtres et qui ne sont que la copie de mythes plus anciens. Une scène exceptionnelle sur la peur de la mort, sumériens ou parisiens, nous nous découvrons tous égaux. Enfin je conseille à ceux qui veulent lire ce livre de choisir plutôt la dernière édition Gallimard qui dispose d'un matériel de notes très éclairantes ainsi qu'une sorte de synopse des différentes versions de Gilgamesh jusqu'à la version grecque.
RépondreSupprimer@C. Sauvage : merci pour votre visite ainsi que pour votre conseil (éd. Gallimard). C'est vraiment un texte merveilleux et fascinant, en effet, sur lequel j'ai bien l'intention de revenir (sans doute par le biais de la fameuse éd. Gallimard, beaucoup plus complète que ma première approche avec une édition abrégée...).
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