mardi 5 avril 2011

L’Enfant Méduse de Sylvie Germain

C’est une métaphore cosmogonique qui ouvre ce quatrième ouvrage de Sylvie Germain : « Une nuit insolite, impromptue, vient de surgir au cœur du jour. La lune, qui un instant avant se tenait invisible, a jailli en plein ciel, toute de noir, de hâte et de puissance armée. La lune a rompu ses amarres nocturnes, elle s’est lancée à contre-courant des vastes remous de nuages pourpres et bleuté sombre qui frangent d’ordinaire le seuil de son apparition. Elle a brisé l’ordre du temps, renié toute mesure et toute loi. La lune est couleur d’encre, couleur de guerre et de folie, - elle monte à l’assaut du soleil. »


 Cette éclipse, planétaire, sera suivie par celle d’une enfance. Le loup céleste qui vient de dévorer la lumière n’est autre que Ferdinand, ce frère aimé qui va s’attaquer à la petite Lucie Daubigné, sa sœur de huit ans. Ce Ferdinand a lui même vu son enfance s’éteindre alors qu’il était âgé de cinq ans, à la mort de son père. Il sera élevé par une mère en deuil, qui considère cet enfant comme un pâle reflet de l’amour disparu dans les fracas de la guerre un beau jour de mai 40, en terre ardennaise. « Il a grandi, seul, sous ce regard étincelant qui tout à la fois mendiait et exigeait de lui une absolue ressemblance avec l’époux mort à la guerre. ».
   Alors que s’ouvre le récit, la petite Lucie admire encore les métamorphoses du ciel avec son ami d’enfance, Louis-Félix Ancelot, petit « prince des étoiles » qui veut devenir astronome. Mais dans ce village paisible caché près des marais sommeille un ogre qui commence par dévorer deux petites filles, Anne-Lise Limbourg et Irène Vassalle. 

Taddeo Gaddi - L'annonciation aux bergers (1328-30)

   « Le monde est une fable et la vie un grand livre d’images ; images bariolées, sonores et odorantes, images en mouvement qui dansent ou qui frappent. » L’album de la petite Lucie, suite à l’agression, va se remplir de vilains crapauds pustuleux. La mort de l’agresseur de suffira pas à changer ce nouveau regard haineux qu’elle porte sur le monde. 
Le roman nous conte le trajet de la vie de Lucie, de l’enfance à l’âge adulte. Les épigraphes qui jalonnent le livre accompagnent le trajet de l’héroïne. Ce roman est né d’une histoire vraie. Elle fut racontée à Sylvie Germain alors qu’elle travaillait à Prague, par une collègue de travail. La romancière, fortement marquée par cette histoire transgénérationnelle qui lui fut confiée, en a tiré ce très beau récit que je ne peux que vous conseiller...

9 commentaires:

  1. J'aimais bien la période praguoise de Sylvie Germain. Son imaginaire + celui de l'Europe de l'Est c'était super.

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  2. @Aifelle : j'aime bien cette période aussi et surtout la première, celle du Livre des Nuits... Attention, après-demain, sortie de son dernier livre :-))

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  3. Je retiens ce livre: il a l'air très bien!

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  4. Quelle beauté d'écriture et quelle riche idée de diviser les chapitres en tableaux. Je me dis que cette femme a dû être peintre dans une autre vie !
    Impatiente de découvrir le prochain, j'avais été assez dessus par "L'inaperçu".

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  5. euh... déçue pas dessus !

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  6. @Mango : oui, plus que bien même ;-)

    @Clara : ce n'est pas un roman. Il s'agit de deux textes liés à la disparition de ses parents, réunis sous le titre "Un monde sans vous". Je l'achète dès jeudi... Tu aimes bien Sylvie Germain aussi ?

    @Moustafette : demain, je publie un billet sur Sylvie Germain où l'on apprend... surprise ! Et c'est vrai qu'elle a un rapport au pictural qui sert à merveille son écriture.

    Bonne soirée à vous

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  7. J'aime les piqûres que tu me redonnes à l'occasion pour lire Sylvie Germain :)

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  8. @Kikine : j'espère qu'elles ne sont pas trop douloureuses, les piqûres ;-)

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