Comme le précise le sous-titre de cette première de couverture, ce livre nous propose un entretien entre Frédéric-Yves Jeannet et Annie Ernaux. L'édition originale a été publiée en 2003, mais cette nouvelle édition ajoute une postface rédigée par l'écrivaine. Cette dernière et J. Y. Jeannet ont entretenu une correspondance de six ans. Puis, pendant un an, ils se sont envoyés des courriels sur l'entreprise d'écriture commencée il y a maintenant 30 ans. "Ce qui assemble les phrases de mes livres, en choisit les mots, c'est mon désir, et je ne peux l'apprendre aux autres puisqu'il m'échappe à moi-même.".
Le premier chapitre, "En partance", pose l'objectif de la démarche : entreprendre une "exploration des modalités et des circonstances de l'écriture." Annie Ernaux évoque ensuite, dans les deux chapitres suivants, ce qui va la conduire à une écriture de plus en plus éloignée de la fiction. Je passage au "Je" accompagne la transition vers une écriture qu'elle qualifie de "clinique", que d'autres nomment "blanche", ou "plate". Seule cette écriture peut retranscrire la douleur de la déchirure sociale née du changement de classe sociale pour cette femme ayant évolué jusqu'à 18 ans dans le milieu des paysans et des ouvrirers, avant de trahir et de passer dans le monde des enseignants. La violence de cette immigration forcée prend sa forme dans le dépouillement des phrases qui refusent toute métaphore et se calquent sur la violence d'un monde "dur", celui des catégories dites populaires.
J'ai lu ce livre avec un intérêt continu. Intérêt pour la démarche, beaucoup plus politique qu'elle n'en a l'air, et bien sûr intérêt pour l'analyse de la naissance de l'écriture. Annie Ernaux évoque ici les livres fondateurs pour elle : la découverte du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir à 18 ans, mais aussi Une vie de Maupassant, Les Vagues de Virginia Woolf, Proust et les Confessions de Rousseau. Comme j'adore lire sur les "bibliothèques intérieures", cela ne pouvait que me plaire !...
"Je me souviens de cette expérience de lecture, dans un mois d'avril pluvieux, comme d'une révélation. Tout ce que j'avais vécu les précédentes années dans l'opacité, la souffrance, le mal-être, s'éclaircissait brusquement. De là me vient, je crois, la certitude que la prise de conscience, si elle ne résout rien en elle-même, est le premier pas de la libération, de l'action. (L'une des phrases de Proust qui me vient souvent, c'est "là où la vie emmure, l'intelligence perce une issue.").
Cette réédition fait suite à la belle édition de l'anthologie Ecrire la vie chez Quarto, associée à celle de l'Atelier noir dont j'ai déjà parlé ici.
Cette réédition fait suite à la belle édition de l'anthologie Ecrire la vie chez Quarto, associée à celle de l'Atelier noir dont j'ai déjà parlé ici.
ah je l'ai eu en main... et j'ai failli l'acheter!
RépondreSupprimermais comme je devais me limiter... je l'ai remis à sa place.
Tôt ou tard... :-)
@Adrienne : il est vraiment bien, la prochaine fois, n'hésite pas !
SupprimerTu connais mon point faible... !
RépondreSupprimer@Clara : une deuxième fan d'Annie Ernaux ?...
SupprimerJe viens justement d'ouvrir "l'atelier noir" que tu nous avais conseillé en novembre je crois. J'ai déjà noté celui-là
RépondreSupprimerBonne soirée
@Enitram : Il faudra venir me dire ce que tu penses de l'Atelier noir (j'ai oublié de mettre le lien sur ce billet, je vais l'ajouter).
SupprimerJe ne connais pour l'instant que la place mais je note celui-ci : moi aussi j'aime beaucoup "les bibliothèques intérieures". J'ai l'impression que l'écriture est beaucoup plus subjective que dans la place...
RépondreSupprimer@Maggie : cela n'a rien à voir avec "La place". A lire en complément de "L'atelier noir".
SupprimerJe le lirai, mais j'attendrai sagement le poche.
RépondreSupprimer@Aifelle : la version poche est déjà sortie si tu veux (c'est un folio). Bonne journée !
SupprimerUne auteure que j'aime beaucoup. Pas tout ses romans inconditionnellement, mais beaucoup d'entre eux.
RépondreSupprimer@Alex : pour moi, quasi inconditionnellement ;-) Bonne soirée !
SupprimerAh oui, je n'avais pas bien vu, ce sera pour mon prochain achat.
RépondreSupprimerSans nul doute dans ma pile bientôt ! Merci (et pardon pour les quenelles ;))
RépondreSupprimer@Ötli : à mettre en haut de la pile ;-) Quant aux quenelles, je vais bientôt aller dans leur région de production !...
SupprimerPas de BD du mercredi ? En tout cas, cette présentation donne bien envie :-)
RépondreSupprimer@Elisabeth : non hélas, pas de bd ! je n'ai pas pris le temps d'en lire cette semaine...
SupprimerLe père Noel m'a apporté Ecrire la vie et l'atelier noir...ils m'attendent sagement... leur lecture est pour bientôt! J'ai vraiment hâte de lire enfin cette auteure dont j'entend tant parler... et ton billet le confirme d'autant plus.
RépondreSupprimer@Nadael : trop sympa le père Noël ! Je vais bien finir par me transformer en mère Noël et m'offrir "Ecrire la vie" ;-)
Supprimerj'ai pris note de celui ci et d'atelier noir, une auteure que j'apprécie énormément
RépondreSupprimer@Dominique : je suis sûre que ces deux livres vont te plaire !
Supprimerje ne suis pas fan d'Annie Ernaux mais je voudrais tout de même lire La Place. Je passe pour celui-ci.
RépondreSupprimer@Violette : c'est dommage car c'est très intéressant du point de vue de la compréhension de la démarche d'écriture (mais bon, je suis fan, alors bien sûr...). Et je pense que tu ne seras pas déçue par La Place ;-)
SupprimerJe viens de lire "Regarde les lumières, mon amour", et je regarde ce qu'elle a écrit d'autre. Ce livre a l'air passionnant. Je pense le découvrir quand j'aurai fini "Les années" et "Les armoires vides" qui m'attendent depuis déjà pas mal de temps.
RépondreSupprimer@Lilly : oui, il est vraiment très bien pour qui s'intéresse à l'écriture ! "Les Années", c'est mon préféré, une merveille. "Les Armoires vides" est très bien aussi.
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