Vous cherchez un roman jubilatoire pour l'été ? Vous aimez les livres qui parlent d'écrivains et d'écriture ? Vous frissonnez lorsque l'on prononce devant vous l'expression "mise en abyme" ? Alors, à n'en pas douter, ce livre est pour vous !
José Carlos Somoza a écrit ce septième roman en 2008. Il sommeillait depuis dans ma PAL... Or, j'ai décidé de dépoussiérer la PAL en question car elle menace de s'effondrer bientôt. Une chance puisque je suis tombée sur cette perle...
Tout commence par une phrase qui surplombe le chaos : "Je suis tombé amoureux d'une femme inconnue". Ce qui pourrait être un début de roman surnage en haut de la mémoire envolée de Juan Cabo. En effet, le 13 avril 1999, cet écrivain trentenaire est victime d'un accident de voiture. Il se réveille en vie mais sans mémoire, dans un monde "chaotique aux limites floues". Le premier visage qui se présente à lui est celui de Dolores, son médecin, gentiment surnommée "Tête d'oeuf". Celle-ci lui conseille vivement de tenir à jour un carnet de souvenirs afin de remédier à ses troubles de mémoire. A gauche seront notés les faits, à droite les "personnes". Après une semaine passée à l'hôpital, Juan Cabo, carnet à la main, va partir à la recherche de son passé tout autant qu'à la recherche d'une femme mystérieuse née des dernière lignes tracées de sa main au soir du 13 avril, à 20h30, juste avant son accident :
"Je suis tombé amoureux d'une femme inconnue. J'écris en dînant au restaurant La Floresta Invisible. Elle occupe une table solitaire en face de la mienne et j'observe son dos nu - en raison de l'échancrure prononcée de sa robe noire - et ses cheveux châtain clair relevés en chignon. Sa silhouette est
Cela s'arrêtait là. (...)"
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José Carlos Somoza |
Après la lecture de l'introduction de ce billet, vous seriez en droit de me demander :
" - Mais enfin, comment peut-on "jubiler" en lisant ?"
Je réponds en trois points à cette interrogation tout à fait légitime :
1. En découvrant dans un livre un lieu aussi magique que "La Floresta Invisible" (La Forêt invisible). Il s'agit d'un restaurant rouge et or où l'on trouve de nombreuses photographies d'écrivains : Proust, Joyce, Léon Tolstoï et Juan Cabo bien sûr. Sur chaque table, des feuilles de papier blanc forment des bouquets de fleurs. Ainsi peut-on lire sur un pétale de rose, "Qu'est-ce que la poésie ?". Et que font les convives à votre avis ? Ils écrivent...
2. En découvrant les paragraphes qui interrogent l'écriture mais aussi le rôle du lecteur.
"Mais pour toi c'est tout le contraire, lecteur. Reconnais-le : tu souffres de l'anxiété bachique de l'insolite. Le simple fait que les pages futures sont un secret te pousse à avancer. Parce que tu percevais déjà depuis le début que cette chose, qui n'est pas un roman, ni une chronique royale, ni rien qui y ressemble - je trouverai bien un nom pour la définir -, ce que je ne compris que longtemps après : tout au long coule, opalin, profond, le canal ineffable du mystère. Je le sus quand je lus - comme tu l'as fait, comme l'a fait Modesto - attentivement. Car la lecture ne répond pas à nos questions, mais les éclaire."
3. En cherchant fébrilement la réponse au mystère initial : qui est la mystérieuse inconnue, cette "femmes aux yeux baissés" que l'on retrouve sur la première de couverture du livre, encadrée par deux escaliers qui se rejoignent, évoquant les méandres des oeuvres labyrinthiques de S. Eisher ?
Alors, si vous voulez découvrir qui est "la femme du paragraphe", ouvrez ce beau livre... C'est au chapitre VIII que vous comprendrez le sens de la belle image de la première de couverture.