L’avantage des vacances, c’est que cela permet de se
lancer enfin dans des lectures que l’on envisageait depuis des lustres sans
vraiment trop y croire… Lire enfin L’écume des jours était dans mes
projets : voilà qui est fait, bien fait, et voilà qui devra être fait encore
car j’ai adoré le côté fantasque de ce roman.
Voilà une histoire complètement
foutraque : Chloé et Colin s’aiment d’amour. Ils ont horreur de travailler
et préfèrent boire le breuvage d’un pianocktail qui a tout pour pimenter les
soirées (garanti mieux que la TV). Malheureusement, alors qu’ils viennent de se
marier, Chloé est atteinte par un mal étrange : un nénuphar lui pousse à
la place du cœur et va bientôt l’étouffer.
Sur le canevas de ce drame étrange, Boris Vian brode une
variation jazzy et déjantée. Il joue avec les mots en inventant des
mots-valises ou en jouant sur le sens propre et le sens figuré. Ainsi, lors
d’une rencontre entre les deux tourtereaux, ‘être sur son petit nuage’
s’incarne dans un nuage qui, véritablement, va les promener dans la ville.
J’ai aimé ce jeu permanent qui
rappelle furieusement les inventions loufoques des surréalistes. Cela se
termine mal parce que les belles histoires trop originales peuvent rarement
durer longtemps tout en gardant leur primitive fraîcheur. C’est pour cela que
ce roman garde sa force, par refus des concessions. L’image de l’île-cimetière
finale reste dans ma mémoire, avec sa planche branlante et son eau saumâtre.
Qu’en a fait le film sorti cette année ? Je préfère ne pas le savoir…
Je connaissais Vian par le biais
de sa poésie et de son théâtre, ainsi que ses écrits signés Veron Sullivan. Je
vais m’empresser de découvrir le romancier qui mérite aussi le détour !
« A chaque note, dit Colin,
je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte
correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Seltz il
faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de
la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire
l’unité, à la ronde la quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un
système de registre est mis en action de façon que la dose ne soit pas
augmentée, ce qui donnerait un cocktail trop abondant, mais la teneur en
alcool. (…)
Je vais m’en faire un sur Loveless Love, dit Chick. Ça va être
terrible."