Ce roman s’attarde sur quelques
jours de la vie d’Aragon. En sept chapitres dont six centrés sur l'année 1952 (du premier au 8
septembre), il nous brosse la relation que l’écrivain noua avec le jeune Mahé.
Ce dernier était de presque trente ans son cadet. En 1952, Aragon a
cinquante-cinq ans. Il est alors au sommet de sa gloire comme écrivain et, à
cette époque, siège au comité central du Parti communiste. Mahé, lui, est venu
à Paris sur ordre du Kominform, afin de veiller au bon déroulement d’un procès
politique d’importance.
Le roman décrit très bien
l’ambiance des débuts de la Guerre froide, avec les rivalités internes au PC ainsi que sa politique d'épuration.
La douleur du réveil après la Seconde Guerre mondiale et la glaçante découverte
de l’horreur des camps n’auront pas endormi bien longtemps conflits larvés et autres complots mesquins. Le roman nous
plonge ainsi dans les méandres de l’Histoire du Parti communiste en France, sur
fond de relation amoureuse entre Mahé et Aragon.
Ce livre avait donc tout pour me
plaire, mais étrangement, je n’ai pu entrer dans cette histoire pour deux
raisons essentielles. La première tient
justement au contexte historique. On en sait à la fois trop et trop peu sur
des personnages pourtant essentiels et passionnants, je pense par exemple au
couple Tillon dont le mari apparaît par exemple ici :
« En URSS, l’été 1951, Mahé avait assisté de ses conseils Maurice
Thorez, mais aussi Jeannette, son épouse, déchaînée contre ces deux
« salopards », Mary et Tillon, qui n’avaient de cesse, à l’entendre,
de lui reprocher de jouer les héroïnes alors qu’elle aurait passé toute la
guerre au chaud dans une datcha de Crimée. »
Le contexte est passionnant mais
si l’on ne connaît pas parfaitement bien les personnages cités, le déroulement
resserré en sept journées ne permet pas de bien comprendre les enjeux des relations
interpersonnelles, et encore moins les complexes enjeux historiques en ce qui concerne l'histoire du PC par exemple (sans parler du poids des anciens réseaux de la Résistance).
La deuxième raison s’avère sans aucun doute liée à mes lectures du
moment. En effet, plongée avec délice dans Le Guépard de Lampedusa - donc dans une écriture à la fois ample
et raffinée - j’ai eu le plus grand mal à me laisser porter par une prose
laconique, sans parler d’une trivialité peu réjouissante… Je vous propose un
court extrait :
« Ils s’embrassent aussitôt à bouche que veux-tu, tels des affamés
cherchant à se nourrir l’un de l’autre.
On entend des grognements, des râles, et une fois, une seule, on entend
Argon murmurer : ‘Donne-moi tout, mon grand chéri. Tout !’ »
Il est bien rare que j’abandonne
un roman, mais ici, tous mes efforts n’ont pu me faire dépasser la troisième
journée de cette aventure. Je suis repartie avec Lampedusa, emportée par une
prose magnifique, de celle qui vous rappelle ce que littérature veut dire...
Un article à lire à ce propos ICI. Sinon, si vous souhaitez entendre l'auteur, il est passé à La Grande librairie le 19 février, vous pouvez encore voir l'émission ICI.
Je remercie encore une fois les éditions Stock, et tout particulièrement Valentine.