samedi 21 février 2015

Qui dira la souffrance d’Aragon ? de Gérard Guégan


Ce roman s’attarde sur quelques jours de la vie d’Aragon. En sept chapitres dont six centrés sur l'année 1952 (du premier au 8 septembre), il nous brosse la relation que l’écrivain noua avec le jeune Mahé. Ce dernier était de presque trente ans son cadet. En 1952, Aragon a cinquante-cinq ans. Il est alors au sommet de sa gloire comme écrivain et, à cette époque, siège au comité central du Parti communiste. Mahé, lui, est venu à Paris sur ordre du Kominform, afin de veiller au bon déroulement d’un procès politique d’importance.
Le roman décrit très bien l’ambiance des débuts de la Guerre froide, avec les rivalités internes au PC ainsi que sa politique d'épuration. La douleur du réveil après la Seconde Guerre mondiale et la glaçante découverte de l’horreur des camps n’auront pas endormi bien longtemps conflits larvés  et autres complots mesquins. Le roman nous plonge ainsi dans les méandres de l’Histoire du Parti communiste en France, sur fond de relation amoureuse entre Mahé et Aragon. 
Ce livre avait donc tout pour me plaire, mais étrangement, je n’ai pu entrer dans cette histoire pour deux raisons essentielles. La première tient justement au contexte historique. On en sait à la fois trop et trop peu sur des personnages pourtant essentiels et passionnants, je pense par exemple au couple Tillon dont le mari apparaît par exemple ici :
 « En URSS, l’été 1951, Mahé avait assisté de ses conseils Maurice Thorez, mais aussi Jeannette, son épouse, déchaînée contre ces deux « salopards », Mary et Tillon, qui n’avaient de cesse, à l’entendre, de lui reprocher de jouer les héroïnes alors qu’elle aurait passé toute la guerre au chaud dans une datcha de Crimée. »
Le contexte est passionnant mais si l’on ne connaît pas parfaitement bien les personnages cités, le déroulement resserré en sept journées ne permet pas de bien comprendre les enjeux des relations interpersonnelles, et encore moins les complexes enjeux historiques en ce qui concerne l'histoire du PC par exemple (sans parler du poids des anciens réseaux de la Résistance).
  
La deuxième raison s’avère sans aucun doute liée à mes lectures du moment. En effet, plongée avec délice dans Le Guépard de Lampedusa - donc dans une écriture à la fois ample et raffinée - j’ai eu le plus grand mal à me laisser porter par une prose laconique, sans parler d’une trivialité peu réjouissante… Je vous propose un court extrait :
« Ils s’embrassent aussitôt à bouche que veux-tu, tels des affamés cherchant à se nourrir l’un de l’autre.
On entend des grognements, des râles, et une fois, une seule, on entend Argon murmurer : ‘Donne-moi tout, mon grand chéri. Tout !’ »
Il est bien rare que j’abandonne un roman, mais ici, tous mes efforts n’ont pu me faire dépasser la troisième journée de cette aventure. Je suis repartie avec Lampedusa, emportée par une prose magnifique, de celle qui vous rappelle ce que littérature veut dire...
Un article à lire à ce propos ICI. Sinon, si vous souhaitez entendre l'auteur, il est passé à La Grande librairie le 19 février, vous pouvez encore voir l'émission ICI.

http://delivrer-des-livres.fr/challenge-rentree-litteraire-2014/

Je remercie encore une fois les éditions Stock, et tout particulièrement Valentine.