samedi 25 octobre 2014

Rentrée littéraire 2014 - Le vrai lieu d’Annie Ernaux


En 2008, Michelle Porte, réalisatrice de documentaires sur V. Woolf et M. Duras, a proposé à Annie Ernaux de la filmer dans les lieux de sa jeunesse et d’aujourd’hui (Yvetot, Rouen, Cergy). L’écrivaine, enthousiasmée par le projet et convaincue que les lieux en questions sont la toile de fond sur laquelle se trace l’écriture, a immédiatement accepté. Le documentaire en question, Les mots comme des pierres, Annie Ernaux écrivain (Folamour Productions), a été diffusé sur France 3 en 2013. Les entretiens que propose ce livre ont été réalisés en 2011, durant trois jours, dans la maison de l’écrivaine à Cergy.
Ce livre s’adresse donc essentiellement aux lecteurs d’Annie Ernaux qui y trouveront de nombreux détails sur son écriture. Divisé en dix chapitres, il s’ouvre sur un lieu, Paris : Paris, je n’y entrerai jamais. La capitale symbolise à la fois le lieu de l’ascension sociale tant désirée tout autant que celui où elle n’est pas vraiment à sa « place ». 
Il faut toujours que je me justifie de ne pas habiter Paris, d’habiter à Cergy. Je dois lutter contre l’imaginaire des Parisiens et encore plus sur celui des provinciaux, tout de suite l’image des « cités » ! Il n’y a pas de cités à Cergy.
 Le lieu de la jeunesse, c’est Yvetot, lieu longuement évoqué dans Retour à Yvetot, et dans la plupart de ses récits.
Dans le troisième chapitre, « Ma mère, c’est le feu », l’écrivaine évoque le couple que formaient ses parents et donne une nouvelle image de sa mère, femme violente et autoritaire mais aussi croyante et « grande initiatrice de la lecture ». Consciente du poids de la domination masculine, la mère en question l’a soutenue dans ses études et l’a poussée à les continuer le plus loin possible. Elle a offert à sa fille Les raisins de la colère de Steinbeck et a acheté dès sa sortie Autant en emporte le vent. Cette femme forte fut le premier modèle de féminisme proposé à la petite Annie, avant qu’elle ne lise Le deuxième sexe.
 Grande lectrice d’Annie Ernaux, j’ai lu ce livre d’entretiens avec le plus grand intérêt. J’ai particulièrement aimé découvrir l’arrivée de « l’envie d’écrire ». Elle évoque dans le même chapitre l’envoi de son premier manuscrit qui fut lu par Jean Cayrol. Le chapitre « Sortir les pierres du fond d’une rivière » éclaire bien des facettes de l’œuvre et à lui seul mérite lecture.  Elle y évoque l’écriture de son roman Les armoires vides, commencé « dans un moment de fort désarroi », ainsi que son goût pour les photos. 

Annie Ernaux
 Ce qui me tenait fortement, c’était l’enjeu politique de mon entreprise. Remonter le monde du café-épicerie de mon enfance, c’était en même temps décrire la culture de ce milieu populaire, montrer qu’elle n’était pas, lorsqu’on était façonné par elle, ce qu’un regard cultivé juge avec mépris ou condescendance. Et ce qui m’importait, c’était de dévoiler les mécanismes par lesquels on transforme un individu en quelqu’un d’autre, en ennemi de son propore milieu. C’était cette mise en question de la culture, ce qu’une forme de culture fait à l’individu, cette séparation-là. Et finalement la violence de l’écriture était ce qui correspondait le mieux pour dire ces choses. 
Dans « Écrire, c’est un état », elle évoque longuement l’écriture de son roman Les années– un chef d’œuvre pour moi alors autant dire que je n’ai pas boudé mon plaisir… − avant d’évoquer, dans l’avant-dernier chapitre, le passage du temps.
Une lecture passionnante qui nous plonge dans la rivière au fond de laquelle Annie Ernaux trouve ses pierres. Une lecture qui donne envie de relire ses récits mais aussi et surtout qui invite à réfléchir sur l’acte d’écrire. Bien des textes me sont revenus en mémoire, de L’écriture comme un couteau en passant par L’autre fille, textes bâtisseurs pour l’écrivaine, mais aussi pour la lectrice que je suis.
Ici, l'entretien réalisé à l'occasion de la sortie de ce livre, sur le site des éditions Gallimard.
http://delivrer-des-livres.fr/challenge-rentree-litteraire-2014/
 

dimanche 19 octobre 2014

Près de mes bois


Source des photos ici

Bonjour,
Je vous abandonne un moment pour aller me ressourcer auprès de mes bois. Je vais toutefois penser à vous puisque cela sera l'occasion de rédiger mes trop nombreux billets en retard ! J'ai presque terminé le dernier Annie Ernaux dont je vous parle dès mon retour. Le dernier Quignard m'attend. Je dévore en ce moment un polar de K. Giebel et il me faudra évoquer aussi deux livres de littérature jeunesse particulièrement intéressants. 
Je vous souhaite un excellent week-end, j'espère que vous pouvez profiter de ce merveilleux soleil et des températures si exceptionnelles qu'elles en deviennent presque inquiétantes...
Bon dimanche à vous et à bientôt

Margotte

obsol:



‣ nature

mardi 14 octobre 2014

L’École des femmes de Molière



     C’est à l’occasion de la fête des Rois de l’année 1663 que Louis XIV fait représenter L’École des femmes, nouvelle comédie de Molière. Jouée  pour la première fois le 26 décembre 1662 au Palais-Royal, le succès de cette comédie fut immédiat et durable. Elle succédait à L’École des maris et à la pièce Les Fâcheux, qui remontaient à l’été 1661. La « fronde » qui va suivre cette représentation explique que chacun va s’y presser, d’autant plus que Molière va alimenter ce qui deviendra la « querelle de L’École des femmes » en créant La Critique de L’École des femmes. L’année 1663 sera ainsi rythmée par les épisodes liés à la Querelle lancée tout d’abord par Donneau de Visé dans ses Nouvelles nouvelles publiées un mois après la première de la pièce. Les enjeux du débat qui va durer un an sont esthétiques et moraux. Les récits, multiples, s’enchevêtrent dans une comédie dont les thèmes sont ancrés dans le monde contemporain et la structure de la pièce (5 actes) la rangent dans la catégorie des « grands textes » alors qu’elle propose des éléments de comique. Et c’est bien du côté du comique que les enjeux moraux se placent puisque Molière développe même dans cette pièce des allusions franchement sexuelles, ce qui va lui valoir d’être accusé d’impiété.

L’intrigue
Arnolphe (joué à l’origine par Molière), barbon quarantenaire, souhaite épouser une femme qui ne présentera pas les défauts des précieuses et autres femmes trop savantes à son goût. Sous le nom de M. de La Souche, il décide donc d’élever une jeune fille, Agnès, qu’il maintient non seulement enfermée, mais aussi ignorante. La pièce commence à la veille du mariage. Arnolphe s’entretient avec son ami Chrysalde, le « raisonneur » de la pièce. C’est l’occasion de nous présenter les principaux ressorts de l’intrigue à venir, et déjà nombre de bons mots et sentences fameuses :
Chrysalde : Oui : mais qui rit d’autrui,
Doit craindre, qu’en revanche, on rie aussi de lui.
Arnolphe : Épouser une sotte est pour n’être point sot.
Arnolphe : Chose étrange de voir, comme avec passion,
Un chacun est chaussé de son opinion !
La pièce commence alors qu’Arnolphe vient de s’absenter dix jours. Sa pupille et future femme, pendant ce temps, a rencontré Horace, un jeune homme beaucoup plus plaisant que notre vieux barbon, et capable de faire naître un désir jusqu’alors inconnu d’Agnès. Or, Horace est le fils d’un ami d’Arnolphe et les deux hommes se rencontrent à la scène 4. Le jeune homme, ravi de revoir un ami, en profite pour se confier. Il avoue son nouvel amour et les ennuis de la pauvre jeune fille élevée par un certain M. de La Souche. Le quiproquo ne sera levé qu’à la fin de la pièce, lorsque Horace, stupéfait, découvrira que son confident se confondait avec le père adoptif de sa bien aimée. Mais je ne vais pas vous révéler l’ensemble du dénouement…

Mise en scène de Jouvet en 1936
L’intérêt de la pièce 
Le comique
Molière, dans cette pièce, a joué des allusions grivoises et pour qui s'avère bon public concernant l’humour dit « bas » (c’est mon cas, je l’avoue, et avec le sourire en plus…), le texte offre de quoi s’amuser. On y trouve la fameuse scène du « le » dans laquelle Arnolphe s’inquiète de ce que le jeune Horace risque d’avoir pris à Agnès. La scène entre les domestiques où Alain explique à sa femme qu’elle peut se comparer à un « potage » est également drôle. Les autres ressorts du comique dépendent beaucoup de l’interprétation du texte, ce dont j’aurai l’occasion de vous reparler (j’ai visionné la mise en scène de Jacques Lassalle, avec Olivier Perrier dans le rôle d’Arnolphe).
La structure de la pièce
Première pièce en cinq actes de Molière, et considérée comme la première « grande comédie » du dramaturge, L’École des femmes présente une structure originale et inhabituelle. En effet, au lieu de nous proposer l’action, Molière a joué sur la narration d’actions dont le spectateur ne prend connaissance qu’au travers du discours. Ainsi, la bastonnade donnée à Horace n’est pas jouée. Le spectateur voit Horace à terre, et c’est au travers de ce qu’il en raconte qu’il apprendra ce qui s’est passé.
La question féminine
La force de la pièce vient de la place qu’elle accorde à la question féminine. L’enfermement d’Agnès et le manque d’éducation qui est le sien posent la question de l’éducation des femmes. Les rapports entre les deux jeunes gens invite à se questionner sur le problème des mariages forcés (question hélas encore d’actualité). L’évolution personnelle d’Agnès invitent également à réfléchir sur le libre arbitre de chacun. En effet, alors qu’elle ne devait apprendre qu’à lire, et surtout pas à écrire, on apprend qu’elle sait écrire. Elle a donc transgressé les interdits de son père adoptif. On pourrait donc également gloser sur le bon usage de la transgression…

Extrait
Non, non, je ne veux point d’un esprit qui soit haut,
Et femme qui compose, en sait plus qu’il ne faut.
Je prétends que la mienne, en clartés peu sublime,
Même ne sache pas ce que c’est qu’une rime ;
Et s’il faut qu’avec elle on joue au corbillon,
Et qu’on vienne à lui dire, à son tour : « Qu’y met-on ? »
Je veux qu’elle réponde : « Une tarte à la crème » ;
En un mot, qu’elle soit d’une ignorance extrême ;
Et c’est assez pour elle, à vous en bien parler,
De savoir prier Dieu, m’aimer, coudre et filer.


http://lecture-spectacle.blogspot.fr/2013/12/challenge-theatre-2014.html

mercredi 8 octobre 2014

Parasite de Christian Blanchard


Vous vous souvenez peut-être du billet rédigé en juillet à propos du festival Le Chien jaune à Concarneau (ici). J’y avais acheté trois polars dont pas un ne m’a déçue. Je n’ai pas eu le temps de tous les chroniquer mais je voulais absolument vous parler de celui de Christian Blanchard, lu dernièrement, et qui fut vraiment une excellente surprise.
Tout commence le 1er mars 2011 sur la côte Ouest des États-Unis. Ely, un universitaire à qui tout semble avoir réussi, présente de bien étranges habitudes sexuelles. Il ne peut se satisfaire autrement qu’après avoir réalisé un rituel lié à la disparition ancienne de son ex-compagne grande, brune, « aux jambes interminables et aux seins parfaits… pour lui ». Il a quitté la France et ne compte pas y revenir. C’est sans compter avec une nouvelle qui arrive de sa Bretagne natale : sa mère est décédée. De retour sur la péninsule, il retrouve Katell, sa sœur, et fait la connaissance de Shana, une aveugle qui présente une ressemblance plus que troublante avec son ex. L’ouverture du testament maternel va leur réserver deux surprises qui vont les entraîner dans un enchaînement diabolique d’événements imprévus.
En parallèle, un homme qui semble n’avoir rien en commun avec eux, Valence, végète comme gardien de nuit dans un parking souterrain. Ancien flic, une "bévue" l’a éloigné non seulement de sa famille mais aussi de la grande famille de la Police nationale. À force de côtoyer les animaux de nuit, il a fini par collectionner les cloportes, ce qui l’entraîne parfois dans de sombres pérégrinations dans les souterrains de Brest. 
Enfin, un scientifique ayant mis au monde un enfant étrange qui ne sera pas déclaré, à la fin des années 60, va se trouver rattraper par cette « expérience » aux conséquences tragiques.
Vous vous en doutez, tous ces personnages vont se trouver liés dans le roman par une histoire commune que je vais bien me garder de vous dévoiler… car ce polar présente une dose de suspense parfaite. Une fois commencé, je n’ai pas lâché le livre avant de pouvoir comprendre enfin quels étaient les liens entre les personnages et ce qu’il allait advenir d’eux, certains se retrouvant dans des situations plus que difficiles… Un bon polar qui mérite le détour, publié par les éditions du Palémon, made in Finistère.
Avertissement : fortement déconseillé à tous les claustrophobes et à ceux qui n’aiment pas les petites bêtes du noir…


Extrait
Valence hésita. Une prémonition. Il était venu pour comprendre pourquoi un cloporte du désert pouvait se retrouver ici. L’excitation de la curiosité. Pas question de revenir en arrière. Il poussa la porte et se retrouva devant l’horreur. Table métallique sur laquelle reposaient des tuyaux translucides dont l’une des extrémités tombait dans des bassines. Desserte sur roulette où étaient méticuleusement alignés de vieux outils de chirurgie d’un temps révolu. (…)
Puis une voix derrière lui. 
-         Attendre toi.
Pas le temps de réagir. Coup violent sur la tête. Valence s’écroula. Avant de perdre connaissance, il vit contre le mur opposé deux personnages assis sur des chaises en osier. Des corps terriblement amaigris. Leurs habits sans véritable couleur leur collaient à la peau… comme des momies.

dimanche 5 octobre 2014

RAT "La BD fait son marathon" - J 2

J'embarque à nouveau pour le RAT aujourd'hui, avec une participation qui sera sans doute en pointillés et minimale à cause des copies qui m'attendent... sans parler de ce que je dois préparer pour demain... Enfin, j'ai quand même réussi à caler une heure de lecture après une première série de corrections.

10h30-11h30 - La première heure

J'ai lu avec un ouvrage de littérature jeunesse, Coup de talon de Sylvie Dehors. Une excellente surprise, un livre à conseiller et à offrir sans modération aux adolescent(e)s. 88 pages, un livre court mais intense sur le thème des violences faites aux femmes (ici, une jeune fille).


Je vous retrouve dans l'après-midi ou ce soir, en fonction de l'avancement des travaux...

15h30 - Le repas était délicieux et il fait beau - STOP - je n'ai pas avancé mes lectures - STOP - ni mon travail - STOP - à suivre...


                                                 http://themurmuringcottage.tumblr.com/

21h - Abandon avant la ligne d'arrivé...
Avec juste une petite sortie pour prendre un peu l'air, ne croyez pas que je joue les lâcheuses... J'ai juste été complétement débordée par mon travail à faire pour demain ! Et ce soir, j'avoue n'avoir qu'une envie, c'est me mettre sous ma couette, ordinateur éteint. 
Le bilan est donc moyen mais il m'aura permis de faire une belle découverte et de relire un Sylvie Germain, ce qui est déjà bien ! Quatre heures de lecture donc sur ces deux jours et 300 pages lues si je compte les 40 premières pages du Livre des morts de Glenn Cooper lues hier soir.
Je crois qu'il y a un RAT de clôture du challenge, et cette fois, pour sûr, je vais préparer tout ça un peu mieux... 
Bonne soirée à tous et merci pour vos visites et encouragements pour celles et ceux qui sont passés par ici. 

samedi 4 octobre 2014

RAT "La BD fait son marathon" - J1

http://www.lelivroblog.fr/archive/2014/10/03/suivi-du-marathon-bd-a-bord-du-vaisseau-fantome-5460655.html

Bonjour !

La pluie s'étant invitée dans notre chère région aujourd'hui, je viens de m'inscrire à la dernière minute au RAT de Lou et Hilde qui marque l'ouverture de leur challenge Halloween. 
Comme je n'ai rien prévu, cela sera sans doute un peu erratique, mais j'ai de nombreux livres "en souffrance", cela sera donc l'occasion de les terminer je l'espère. Cela n'aura pas grand chose à voir avec Halloween mais je trouverai bien une petite BD fantastique à lire lors de mes pauses...  Le Dracula de Druillet par exemple, qui ne demande qu'à être relu. Je vais commencer mes lectures à 14h et viendrai faire un point régulièrement. 
Bon RAT à toutes celles qui sont engagées sur le vaisseau fantôme ! et excellente après-midi à tous les autres.

14h30-15h30 - La première heure 

Mise en route un peu laborieuse... 36 pages de Comme il vous plaira de Shakespeare. L'attention n'est pas vraiment au rendez-vous, je lis, relis la même réplique sans vraiment retenir ce que je lis. Une conclusion s'impose : c'est le week-end et ma petite cervelle est en veille... Je vais donc poursuivre (vers 17h car j'ai quelques petites choses à faire avant, ce RAT arrivant de manière totalement impromptue) avec quelque chose de beaucoup plus léger, une BD par exemple. A tout à l'heure !


17h-18h - La deuxième heure

Une petite relecture de Druillet ne fait pas de mal. J'ai relu pour la énième fois son Nosferatu inspiré du film de Murnau.(58 pages)



Ensuite, j'ai commencé un livre pris à la bibliothèque hier, Le Livre des morts de Glenn Cooper. Je n'ai lu que les deux premiers chapitres. Je ne suis pas enthousiasmée mais ma curiosité est éveillée, je vais donc continuer ce soir... Je reviendrai faire un point dans la soirée car je fais une nouvelle "pause occupations diverses". 

21h50-22h50 - La troisième heure

Dans la série vous êtres éclectiques, je crois que j'ai tiré le gros lot aujourd'hui. En effet, j'ai terminé un livre de Sylvie Germain entamé il y a quelques jours, Songes du temps, dont j'ai lu les 78 dernières pages


Une participation à l'image de mon inscription, un brin fofolle, un peu éparpillée mais je suis contente d'avoir été au rendez-vous (on aime les RAT à la folie ou on ne les aime pas...). Bonne nuit et à demain !

jeudi 2 octobre 2014

Épouvante et surnaturel en littérature de H. P. Lovecraft


Si chacun connaît Lovecraft, au moins de nom, grâce à ses textes effrayants, on connaît moins (voire pas du tout) cet essai sur l’histoire de la « littérature de peur cosmique » liée à la plus vieille et plus forte émotion humaine : la peur.
Tous les amateurs de l’écrivain américain ne peuvent donc que se réjouir de voir paraître enfin une nouvelle édition de ce texte de 1927, resté inédit en français jusqu’en 1969. La traduction proposée ici est celle de Bernard Da Costa, parue chez 10/18 en 1971. L’ouvrage, depuis, restait épuisé et l’on ne peut que louer sa réapparition. Le texte, paru initialement dans un fanzine, The Recluse, méritait bien le beau travail d’édition mené par P. Guillaume de Roux car si Lovecraft fait partie de ces écrivains associés à la notion de « mauvais genre », il mérite qu’on s’y arrête. Que l’on frissonne un peu au détour des apparitions monstrueuses qu’il nous propose ou que l’on suive son histoire des genres liés à l’épouvante et au surnaturel, on s’abandonne au terrific avec délice.

 Pour tous ceux qui n’ont pas lu, un soir d’hiver, l’œil aux aguets, l’oreille attentive aux moindre bruits, un des ouvrages de Lovecraft, voilà trois bonnes raisons de vous plonger dans cet essai.

Tout d’abord, il s’agit d’une passionnante histoire de cette littérature de genre  qui « réveille les monstres » et que Lovecraft appelle la « littérature de peur cosmique », à ne pas confondre avec la simple littérature fantastique. Dans l’introduction, il commence donc par définir le vrai conte d’horreur fantastique en posant cette question : le lecteur a-t-il oui ou non éprouvé un effroi profond, la sensation d’être en contact avec des mondes et des forces inconnues ? – Vous l’avez compris, je peux répondre oui en ce qui concerne l’effroi après avoir lu certaines de ses nouvelles… −  L’écrivain remonte aux sources anciennes des contes fantastiques associés, entre autres, aux livres sacrés et aux cérémonials magiques de toutes les sociétés. Que l’on pense aux cultes nocturnes et autres adorateurs de Satan, et l’on aura exhumé une partie des peurs qui se cristallisent en récits. Du Docteur Faust qui passe un pacte avec le diable aux fantômes d’Hamlet, le démoniaque a produit de beaux enfants littéraires. Lovecraft évoque également les débuts, l’apogée puis les métamorphoses du roman gothique. Edgar Alan Poe trouve bien sûr une place de choix dans cet historique et bénéficie d’un chapitre pour lui tout seul – chapitre qui invite à relire son œuvre –. Viennent ensuite l’évocation des traditions du roman fantastique aux Etats-Unis et en Angleterre. Le livre se clôt sur les maître modernes du début du vingtième siècle : Arthur Machen se trouve en tête de liste et il faut avouer que Le Grand Dieu Pan laisse une impression durable… 
Ensuite, vous y trouverez un très bon appareil de notes, avec de courtes biographies des auteurs que vous ne connaissez pas encore. En complément, une excellente bibliographie actualisée où l’on trouve les œuvres aujourd’hui traduites en français. De quoi courir chez votre libraire. Qui n’a pas envie de lire La terreur dans la nuit d’Edward Frederic Benson publié en 2013 chez José Corti ou Les Contes d’un rêveur de Lord Dunsay, édités par les éditions Terre de Brume en 2007 ?
Enfin, si vous aimez Druillet (c’est mon cas et je comprends mieux aujourd’hui pourquoi j’ai dévoré, à peu près à la même période, presque toute la production de Lovecraft ET celle de Druillet), vous ne pouvez qu’aimer ce livre. Le dessinateur a réalisé l’illustration de la première de couverture qui nous (re-)plonge tout autant dans son univers que dans celui du romancier. Il a rédigé une postface que j’ai lu en premier, je l’avoue, trop heureuse de lire un inédit du bédéiste associé à un essai de Lovecraft.  
On ne pouvait rêver mieux pour ouvrir ma participation au challenge Halloween. Je remercie chaleureusement les éditions Pierre-Guillaume de Roux qui m’ont proposé de découvrir cet ouvrage. Il trouvera sa place dans ma bibliothèque de littérature fantastique qui se trouve juste sous ma collection de BD de Druillet…

http://www.lelivroblog.fr/archive/2014/08/14/l-edition-2014-du-challenge-halloween-5428138.html

Extrait
Parmi tous les récits d’horreur de Mr Machen, le plus célèbre restera, sans doute, Le Grand Dieu Pan (1894) qui conte l’horrible et singulière expérience d’une jeune fille qui, après une opération du cerveau, devient capable d’entrevoir l’immense et monstrueuse divinité de la Nature. (…) Personne ne peut tenter de décrire la force du suspense et l’indicible horreur dont chaque paragraphe regorge sans suivre exactement l’ordre précis selon lequel Mr Machen a agencé allusions et révélations successives.