Je l'ai déjà dit ici mais je le répète encore une fois : on ne ventera jamais assez les mérites des bibliothèques qui nous permettent de lire, par hasard, de véritables pépites. C'est sans doute le titre qui m'a arrêtée devant ce livre au fond bleu sombre. Le titre, les couleurs et la petitesse. Il est des moments où l'on ne souhaite pas se lancer dans une lecture au long court. De Valentine Goby, je n'avais lu que Banquises (non chroniqué ici mais ce fut un vrai coup de coeur). L'auteure est par ailleurs déjà connue dans notre petit monde virtuel grâce à Kinderzimmer sur lequel j'ai lu de très nombreux billets. Ce court opus de soixante-quatre pages, court récit autobiographique de 2014, a sans doute été moins commenté. Et pourtant, voilà un petit bijou finement ciselé, de ceux que l'on porte peu mais que l'on garde comme des trophées, de ceux que l'on porte les jours de pluie et de nostalgie.
Baumes porte un titre énonciateur. Dédié au père, il s'ouvre sur la définition polysémique du mot. Celui-ci désigne à la fois la résine odoriférante qui coule de certains végétaux et les préparations pharmaceutiques qui calment la douleur. Les odeurs suivent le père qui était parfumeur. Son corps, de retour du travail, est saturé des senteurs de l'usine où se fabriquent les parfums. Ce corps, Valentine enfant l'a nommé corusine. Désincarné, il se résume aux sillages qu'il laisse derrière lui. De plus, il est souvent absent, ce corps qui voyage au quatre coins de la terre pour dénicher les tubercules les plus odoriférants. Dès les premières pages, j'ai pensé au Parfum, livre lu et relu. Or, le roman de Süskind occupe une place prépondérante dans l'histoire de la romancière. Il sera en partie l'ouvrage de la délivrance et celui qui, peut-être, autorisera le chemin vers l'écriture.
Rarement un livre aura ainsi éveillé chez moi des souvenirs olfactifs si intenses. Car les parfums sont très présents et marquent les étapes de la vie de la narratrice comme ils ont pu marquer chez moi des moments de joie ou de douleur, Anaïs Anaïs, Allure, Loulou, Poême et les autres. J'ai pensé à Bonheur du jour et à son Heure bleue... et en fermant le livre, quelques senteurs lointaines, volutes mémorielles insaisissables, flottaient encore dans l'air...