Avertissement : j'ai rédigé le billet ci-dessous avant de savoir que ce livre a été rédigé en "s'inspirant" plus que largement du travail d'une universitaire, Michèle Petit (merci pour ton commentaire Eva !). Les détails de l'affaire sont ICI. Du coup, je regrette l'achat du livre et je suis sérieusement moins motivée pour la lecture d'un autre ouvrage de cet "écrivain"... Une douche froide en période de canicule, ça rafraîchit les idées !
Sous-titré Pour une bibliothérapie
créative, le livre de Régine Detambel prône une méthode de soin basée sur la
lecture. En plus d’être écrivain (elle a 35 livres à son actif), elle exerce
comme kinésithérapeute et propose, dans la banlieue de Montpellier, une
formation en « bibliothérapie créative ». Son exercice professionnel
l’a confrontée à la maladie, à la détresse, et elle a compris depuis longtemps
que les livres de développement personnel qui proposent des méthodes toutes
faites ne suffisent pas à apporter un véritable soulagement aux personnes en
souffrance.
En seize chapitres, elle présente la
bibliothérapie, tout en proposant une promenade par les chemins de traverse de
l’histoire littéraire. Véritable plaidoyer pour la littérature, l’ouvrage
s’appuie sur dame Métaphore, patronnesse de l’art d’écrire et grande
guérisseuse des maux de l’âme. Vous pensez bien que je n’ai pas boudé mon
plaisir…
Les premières expériences de bibliothérapie
ont été menées autour de 1916 auprès des soldats qui revenaient traumatisés par
leur expérience de la guerre et des horreurs qui l’accompagnent. Toutefois, la
définition de cet art du soin date de 1961 : « La bibliothérapie est
l’utilisation d’un ensemble de lectures sélectionnées en tant qu’outils
thérapeutiques en médecine et en psychiatrie. Et un moyen de résoudre des problèmes
personnels par l’intermédiaire d’une lecture dirigée. »
En 1994, Marc-Alain Ouaknin, spécialiste de la
Bible et du Talmud, publie à Paris un essai qui a fait date : Bibliothérapie.
Lire, c’est guérir. Il introduit cette spécialité dans l’hexagone et rappelle combien la
lecture peut permettre de sortir d’un enfermement toxique et/ou de se
réinventer.
Tout l’intérêt de ce petit livre revigorant
réside dans le dépassement du prêt-à-porter de la psychologie grand public. Il
rappelle combien le mieux-être ne peut se trouver dans des ouvrages inspirés
des thérapies comportementalistes qui sévissent dans le monde anglo-saxon. Qui
a déjà été émerveillé et réveillé par une pensée convenue et bourrée de
stéréotypes ? Régine Detambel remonte alors à la source du bien-être lié à
la lecture : la voix, le rythme. La poésie retrouve ici une place de
choix et il suffit d’avoir eu en face de soi 29 enfants qui, en silence, les
yeux écarquillés, écoutent une fable de La Fontaine, pour être convaincu
qu’elle ne se trompe pas. Les « grands » romans de la littérature
mondiale sont ici convoqués, avec des écrits plus confidentiels mais aux
pouvoirs tout aussi puissants. Elle évoque par exemple Marie Didier, écrivain
et gynécologue qui conseille à ses patientes anxieuses de se plonger dans Une
vie bouleversée, le journal intime d’Etty Hillesum rédigé dans le camp de Westerbork
avant son départ à Auschwitz (quant à moi, je ne peux que vous inviter à lire
la très belle biographie que lui a consacré Sylvie Germain…).
De très nombreuses références de romans
émaillent cet essai et la bibliographie proposée à la fin est pleine de
promesses… Une lecture enrichissante donc, qui m’a vraiment donné envie de
découvrir plus avant cette méthode de soin qui, associée à un traitement (je pense
aux soins palliatifs en fin de vie par exemple), ne peut faire de mal, bien au
contraire…
Extrait
« Et quand on y pense,
« facile » est un mot d’ordre effrayant, voire proprement scandaleux,
car en littérature ou en poésie, c’est-à-dire en art, il n’y a précisément rien
à comprendre. Je me souviens d’un collégien de quatorze ans qui s’émerveilla
sept mois durant des Somnambules de Hermann Broch, précisément parce
qu’il n’y comprenait rien, et en fut sauvé d’un imbroglio familial. Parfois, le
fait de donner une signification à ce qu’on lit est accessoire. C’est
l’infusion qu’on recherche, la fusion avec le signe sur la page, l’imbibition
par le texte, non son interprétation. Parfois, la question du sens est
secondaire. Tout le plaisir est là. Et le vertige. Ne demande pas ton chemin à
quelqu’un qui sait car tu ne pourras pas t’égarer, déclarait Rabbi Nahman de
Bratzlav voilà plus de deux siècles. »