Premier roman de Tarjei Vesaas, auteur norvégien, Le Palais de glace a initialement été édité en 1963 avant d'être traduit puis édité par Flammarion en 1975. C'est à l'occasion d'une nouvelle traduction par Jean-Baptiste Coursaud pour les éditions Cambourakis que ce livre a pu trouver une nouvelle vie puisqu'il est ensuite sorti en poche chez Babel avec une couverture qui lui va comme un gant polaire. Et de froid polaire il sera bien question dans ce roman intemporel qui navigue entre le conte, le roman et la fable.
Tout commence par la rencontre entre Siss et Unn, deux fillettes de onze ans. C'est la fin de l'automne et, dans un lieu indéfini, tout est figé par le gel. La glace gagne en force sur le lac alors que Siss marche d'un pas résolu vers la maison de Unn. Elle s'enfonce dans le noir, sans aucune peur puisqu'elle va rejoindre celle qui est en passe de devenir sa meilleure amie : "elle portait ses pas vers Unn. Avec en elle le doux frémissement d'une attente."
Cette rencontre chez la tante de Unn sera étrange autant qu'exaltante et va amener les deux fillettes à sceller un pacte d'amitié. C'est parce qu'elles se sont reconnues qu'elles fixeront ensemble le même miroir, au risque de trouver d'inquiétants frémissements sur la surface lisse. Or, au lendemain de cette association enfantine, Unn disparaît. Alors qu'une immense cathédrale de glace prend place sur le lac, le village va se lancer à la recherche de la fillette.
Si vous ne savez pas comment faire pour partir à la découverte de la littérature norvégienne, ce livre est pour vous (avec la trilogie de Dina bien sûr...). Il décrit avec une poésie féroce l'obscurité du Grand Nord, la glace qui crie et la neige qui vient recouvrir la nature. Tout est transparent dans ce roman et la lumière baigne l'ensemble d'une lueur vaguement spectrale par moments. On découvre, fasciné, l'architecture du "Palais de glace" et sa "salle des larmes". On est emporté par cette écriture à la fois simple, faussement simple et imprégnée d'images et de lumière. Une très belle découverte !
Extrait (la découverte du Palais de glace par Unn) :
"C'était comme regarder à travers une vitre brillante.
Le soleil se leva au même moment, oblique et froid. Les rayons transpercèrent la glace, illuminèrent le fond brunâtre, la boue, les pierres, les plantes.
Aux abords de la berge, l'eau était entièrement gelée. Même la vase que recouvrait une pellicule blanche de givre et à laquelle se superposait l'épaisse couche de glace. Incarcérés dans ce bloc de glace, de larges feuilles en forme de sabre (...). Des galets noirs avaient roulés de la rive pour mieux se fixer dans cette masse, aux côtés de bâtons dépourvus d'écorce. Des fougères à la tige pliée, figées elles aussi, évoquaient des croquis d'une grâce infinie. Certaines étaient reliées au sol par la racine ; d'autres, alors qu'elles flottaient sur le lac, s'étaient trouvées captives de l'eau : la surface avait gelé, la croûte de glace s'était solidifiée, la glace acier continuait de s'édifier.
Unn observait , fascinée par le spectacle qui s'offrait à elle, plus étrange que n'importe quel conte de fées."