jeudi 29 décembre 2016

Deux films doux dingues pour finir l'année

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        J'ai vu deux films très beaux en ce mois de décembre qui file lentement mais sûrement vers une nouvelle année... Tout d'abord, Polina, Danser sa vie de Valérie Müller et Angelin Preljocaj. Il s'agit de l'adaptation de la bande-dessinée de Bastien Vivès que j'avais chroniquée en 2012 ICI. Le bédéiste en question est également connu pour son petit opus sur la blogosphère dont j'avais également parlé ICI. La lecture de la bande-dessinée est un peu lointaine pour que je puisse évoquer la justesse de l'adaptation, et je suis allée voir le film surtout parce qu'il se déroule dans le milieu de la danse. Le film déroule la vie de la jeune Polina qui souhaite absolument devenir danseuse et intégrer la prestigieuse école du Bolchoï. On retrouve tous les "passages obligés" de ce genre de film : le professeur rude mais juste, les entraînements harassants, les moments de découragement... mais surtout, les moments de grâce. C'est pour ces derniers que je vous invite à aller voir Polina car en effet, elle "danse sa vie" et il y a des scènes de danse, hors scène, qui sont magnifiques. Des moments de beauté poétique qui donnent envie de danser jusqu'en 2017... et même après ! La belle Anastasia Shevtsova n'est pas étrangère à la douceur qui se dégage de l'ensemble et Juliette Binoche trouve ici un rôle qui lui va à merveille (mention spéciale pour elle !).

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      Pour revenir un peu à la littérature, vous pouvez aussi aller voir Paterson, le dernier film de Jim Jarmusch, véritable OVNI cinématographique. L'histoire est on ne peut plus simple : Paterson, trentenaire, vit à Paterson, dans le New Jersey. La ville, connue pour avoir hébergé de nombreux poètes, est en voix de déliquescence. Le jeune homme, chauffeur de bus, mène une existence très réglée à côté de Laura et de Marvin, chien très moche et très drôle (attention, ici, blog à chien). Tout cela pourrait sembler bien mièvre et bien morne s'il n'y avait l'écriture. Car Paterson, tous les jours, écrit des poèmes sur un carnet secret...

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Marvin
Le film se déroule sur une semaine, ce qui permet d'insister sur les instants répétitifs de la vie du jeune couple. C'est également ce qui permet de montrer que la poésie de leur vie ne réside pas dans ce qu'ils font ou ce qu'ils possèdent mais bien dans leur manière d'aborder le monde, de le percevoir. Ainsi, durant les trajets répétitifs de Paterson, celui-ci repère toujours un instant de vie, des visages, un moment fugace qui viendra nourrir son écriture.
Je suis sortie du cinéma un peu partagée concernant ce film. En effet, s'il est très réussi d'un point de vue plastique (il y a de très beaux fondus enchaînés, de magnifiques superpositions d'images), il surjoue de certains poncifs. Le chien comme "miroir" par exemple. J'ai parfois eu l'impression que Jarmusch se regardait faire du Jarmusch. Enfin, il n'en reste pas moins que je ne me suis pas ennuyée du tout. Rythme lent, éloge de l'écriture et de la fantaisie : quoi de mieux pour aller vers 2017 ?

Une critique de Paterson : "La dispute" sur France Culture ICI.

samedi 24 décembre 2016

Un peu de douceur pour finir l'année...

 
 
Joyeux Noël à tous
Je vous retrouve la semaine prochaine
Pour la dernière ligne droite avant 2017... 

mercredi 21 décembre 2016

Torquemada de Victor Hugo


    Ce drame de Victor Hugo a une histoire mouvementée, liée à l’exil. Dernier opus du Théâtre en liberté dans l’édition d’Arnaud Laster (Folio, 2002), il fut publié pour la première fois en mai 1882. À l’époque, des massacres de Juifs ont lieu en Europe de l’Est : à Balta par exemple, on jette des enfants dans les flammes pendant que les maisons sont pillées. Les scènes de violence présentes dans Torquemada se retrouvent donc d’une actualité brûlante et la pièce est imprimée le 2 mai. Un Comité de secours est mis en place et Hugo, dans Le Rappel, journal tenu par son fils entre autres, publie un texte qui résonne étrangement pour nous, alors que la population syrienne vient d’être abandonnée aux mains de ses bourreaux :
« L’heure est décisive. Les religions qui se meurent ont recours aux derniers moyens. Ce qui se dresse en ce moment, ce n’est plus du crime, c’est de la monstruosité. Un peuple devient monstre. Phénomène horrible. (…) ». 



   La pression des événements contemporains est donc à l’origine de cette publication. Face à la terrible actualité, il détache cette œuvre du Théâtre en liberté, renonçant pour l’occasion à un dévoilement de l’ensemble de ses pièces de l’exil. Publication en 1882 donc, mais l’idée et la rédaction sont beaucoup plus anciennes. En effet, en juillet 1859, Victor Hugo demande de la documentation sur Torquemada. En août, il écrit à son fils et lui avoue qu’il « rêve » d’un drame qui aurait pour personnage principal l’inquisiteur. La même année, il refuse l’amnistie et lance la sentence bien connue : « Quand la liberté rentrera, je rentrerai. ». La censure sévit encore dans les théâtre et Hugo n’a pas été joué à Paris depuis 8 ans. 
... : http://www.reitix.com/Makaleler/Tomas-de-Torquemada-Kimdir/ID=1947
Torquemada

   Il garde toutefois un rythme d’écriture impressionnant et, de son rocher, continue à explorer la veine romanesque tout autant que la veine théâtrale. La rédaction du Torquemada l’occupe du 1er mai au 4 juillet 1869. Le drame était en gestation depuis au moins dix ans. Il rédige, durant le même mois, le prologue qui ouvre Le Théâtre en liberté, où il fait dialoguer la Comédie et la Tragédie. Il vient de publier, en avril, L’Homme qui rit. Un peu plus d’un an plus tard, alors que la IIIe République vient d’être proclamée, le 6 septembre 1870, il rentre en France, après dix-neuf ans d'exil. Il faudra attendre 1886 pour que son Théâtre en liberté soit entièrement publié, un an après sa mort.
http://www.unique-poster.com/media/images/popup/blechen-carl--gotische-kirchenruine-785559.jpg
Carl Blechen
   Torquemada, drame en cinq actes, nous raconte l’histoire d’un couple d’innocents – qui n’est pas sans évoquer Roméo et Juliette –, Don Sanche de Salinas et Doña Rose d’Orthez, pris dans le jeu d’un duel entre les grands : le Roi et Torquemada. La scène s’ouvre en Catalogne dans le « monastère Laterran, couvent de l’ordre des augustins et de l’observance de Saint-Ruf ». La didascalie qui plante le décor nous emporte dans une ambiance gothique, avec cimetière, croix et tombeaux sur un « sol bossué de fosses ». Au fond, une muraille de monastère en ruine, fendue par une « grande brèche ». Devant, un « sépulcre  dont le couvercle a été enlevé », figure de la « bouche d’ombre » d’où sortira bientôt l’Inquisiteur, renaissant pour mieux assassiner…

   L’exposition se fait dans les trois premières scènes du Prologue (ou premier acte). Le roi, accompagné par ses soldats, est visiblement venu au monastère afin de trouver femme à son goût : « Avoir soif d’une femme, avoir faim d’un plaisir,/Ne pas voir une vierge, un proie, un désordre,/ Un cœur, sans tressaillir du noir besoin de mordre,/ Se sentir de la tête aux pieds l’homme de chair ! ». Le loup est entré dans la bergerie et, étouffé par sa relation avec sa femme Isabelle, « ce monstre immobile », il souhaite y faire bombance. Son désir à peine réfréné est confié au marquis de Fuentel, dans une longue tirade aux accents shakespeariens. Alors que le roi cherche sa proie et tente d’interroger le Prieur du monastère, passe un « moine à figure hagarde », « occupé seulement à saluer toutes les croix des tombeaux devant lesquelles il passe ». Vous l’avez deviné, il s’agit de Torquemada, marmonnant des prières et s’agenouillant sans fin. Mais après avoir aperçu celui qui va devenir le grand Inquisiteur, le roi remarque dans le jardin du cloître un couple de jeunes gens destinés à se marier : l’infante Rosa d’Orthez et l’infant Sanche de Salinas. Et bien sûr, le Roi va jeter son dévolu sur la belle Rosa. Alors que le Roi se révèle dès l’ouverture un opposant au bonheur des enfants, le marquis de Fuentel va vite se découvrir comme un adjuvant puisque une révélation dans la troisième scène nous apprend qu’il n’est autre que le grand-père du jeune Sanche.

« Je sens que cet enfant, avec tous ses rayons,
Vient d’entrer dans ma brume, et que cette jeune âme 
A pris possession de mon vieux cœur infâme, (…) 
Et je suis un autre homme, et je pleure, et j’adore,
Et ma sinistre nuit voit un lever d’aurore ! »


   Ces quelques vers reflètent parfaitement la beauté lyrique qui se dégage de certaines tirades. Tout ce qui concerne le jeune couple est tissé de légèreté et de douceur. Ainsi, cette magnifique scène V où Rose essaie d’attraper des papillons pendant que Sanche cueille des fleurs, tout en s’écriant « Oh ! je suis enivré par tant de douces choses ». Les papillons cherchent des fleurs comme le jeune homme cherche la bouche, promesse de baiser, de Rose. Ces papillons associés à la jeune fille m’ont évoqué le « vol de papillons arrêté dans l’extase » des Contemplations, dans le poème que Victor Hugo a dédié à ses deux filles. Mais un méchant rosier viendra piquer le doigt délicat de la Princesse, juste au moment où, le jour commençant à baisser, elle aperçoit le moine Torquemada.
   Ce dernier se lance alors dans un monologue digne des feux de l’enfer qui soulève avec un plaisir malsain « Le dessous monstrueux des cimetières noirs ». Il sera bientôt le bras armé des folies inquisitoriales, mais aussi celui de la mort des innocents. 
   C’est un texte magnifique, d’une puissance rare que je vous invite à découvrir. Dans un temps où les fanatiques reprennent du poil de la bête immonde, voilà une lecture qui invite à réfléchir, tout autant qu’elle fait frémir. Ainsi, cette vision dantesque de Torquemada en train de contempler son œuvre mortifère (des Juifs sont en train de brûler sur le quemadero) :

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2014/11/challenge-victor-hugo_5.html« Pétille ! luis, bûcher ! prodigieux écrin
D’étincelles qui vont devenir des étoiles ! (…) 
                             Il se retourne vers les suppliciés. 
Ah ! sans moi, vous étiez perdus, mes biens-aimés !
La piscine de feu vous épure enflammés. »

Lecture effectuée dans le cadre d'une lecture commune organisée par Claudialucia et qui s'intègre dans ses deux challenges : challenge Victor Hugo et challenge romantique. Elle prend aussi tout naturellement place dans le challenge théâtre organisé par Eimelle.
Billets de Claudialucia ici, Nathalie .

http://lecture-spectacle.blogspot.fr/2016/01/challenge-theatre-2016-et-bilan-2015.html

mardi 13 décembre 2016

Le Cahier gris de Roger Martin du Gard

     
     Voilà une lecture faite de manière totalement imprévue et qui a été la bonne surprise du mois de novembre... Je vous passe les détails sur les circonstances qui m'ont amenée à découvrir le premier volume des Thibault et précise que je ne connaissais de la saga que la série diffusée en 2003, avec Jean Yann dans le rôle du patriarche. J'en avais gardé un bon souvenir mais n'étais pas allée jusqu'à ouvrir le volume qui ouvre le cycle. La motivation était donc toute relative lorsque je me suis retrouvée avec le premier opus dans les mains... mais ça, c'était avant que je lise la première page car page tournée, Margotte ferrée ! Impossible de me détacher de ce volume qui s'ouvre sur la disparition mystérieuse de Jacques, le cadet des deux fils Thibault. 
Antoine, le père, et Jacques à droite
   Les Thibault, c'est avant tout l'histoire d'une famille. Il y a le père, veuf, et ses deux fils. Antoine est médecin et Jacques, lorsque s'ouvre le premier livre, est encore étudiant. Le père appartient à la bonne bourgeoisie et mène d'une main de fer les hommes comme sa progéniture. Dans Le Cahier gris, le cadet s'est enfui du lycée avec un ami et il s'agit donc de le retrouver sans déclencher une alerte qui pourrait venir faire un peu d'ombre sur la légion d'honneur du père. Ce fameux cahier se révèle être le journal intime de Jacques. Il y révèle son attirance pour un camarade ainsi qu'un caractère entier et fougueux.
   La force de l'incarnation des personnages caractérise ce livre (et sans doute sa suite) et c'est elle qui nous pousse à continuer la lecture. Chaque apparition d'un nouvel être, de manière subtile, nous donne envie d'en savoir plus sur lui. Ainsi, lorsque dans le deuxième chapitre, le père rend visite à Mme Fontanin, la mère du camarade de Jacques (ils ont fugué ensemble), elle semble apparaître devant nos yeux et immédiatement, nous avons envie d'en savoir plus sur elle. Nous voilà intéressés autant par sa réaction face au sort de son fils que par la vie de cette deuxième famille qui s'offre à nous. Il est rare d'être happé avec une telle force par des personnages. 

 Je me suis arrêtée pour le moment à ce premier volume, car j'avais hélas d'autres lectures "urgentes" à faire... mais la suite, intitulée Le pénitencier, m'appelle ! L'enthousiasme aidant, j'ai même envisagé une lecture commune (sur un an au moins...). Si certain(e)s d'entre vous sont intéressé(e)s, signalez-vous et je mets cela en place au plus vite (il y a huit volumes, d'inégale épaisseur, mais je vous garantis de grands moments de plaisir...). 

dimanche 4 décembre 2016

Marathon de lecture d'hiver en mode "Santa baby"

     Comme vous l'avez sans doute remarqué (ou pas du tout car sur la toile, le silence s'apparente souvent à une disparition lente...), je suis peu sur la blogosphère en ce moment. Contraintes professionnelles et temps réduit pour rédiger des billets ont sérieusement entamé le dynamisme de mon blogounet... 
   Et voilà que je suis tombée par hasard sur le marathon de lecture organisé par Chicky Poo et Samarian ! L'occasion rêvée pour se remettre un peu les doigts sur le clavier et pour tenter de finir des romans commencés. 
J'arrive en fin de marathon, je me suis donc inscrite sous la formule "Santa Baby" qui permet une totale liberté en terme de plages horaires et de nombre de pages. Seule contrainte : lire un ouvrage en lien avec Noël. Celui-ci est tout trouvé, et cela sera une relecture.

Premier bilan à 13h
Une heure de lecture ce matin, qui m'a permis de terminer Thomas l'imposteur de Cocteau (50 pages). Je ne sais pas encore ce que je vais lire dans l'après-midi... Tout cela se fera un peu au gré des envies.
Bonne journée à tous !
livres de Malice: JEAN COCTEAU : Thomas l'imposteur

Bilan de 17h
J'ose à peine parler de bilan... j'ai fait un tour chez les copinautes- participantes, j'ai glandouillé sur le net en rêvassant sur des lieux de séjour pour l'été, j'ai fait un gâteau, j'ai beaucoup bavardé car Mlle Margotte est là... et je n'ai pas du tout avancé dans mes lectures ! ça c'est un retour fracassant ;-) Mais je m'y mets illico pour une heure...

Bilan de la nuit tombante
J'ai relu avec plaisir Philipok de Tolstoï dont j'avais déjà parlé pour l'édition 2014 de ce même marathon (26 pages). Ensuite, pour honorer la lecture de Noël, j'ai lu une nouvelle de Maupassant que je ne connaissais pas : Nuit de Noël, parue en 1882 puis dans le recueil Mademoiselle Fifi. 3 pages seulement mais un excellent moment de lecture ! Et enfin, j'ai commencé Le cahier gris de Roger Martin du Gard (le premier livre de la série des Thibault). Je n'ai lu que 16 pages pour le moment. Je vous retrouve après un petite pause !

Bilan nocturne (21h50)
J'ai repris avec enthousiasme Le Cahier gris, premier livre de la saga des Thibault de R. Martin du Gard. Quelle lecture ! J'ai dévoré l'introduction de la série des huit volumes sans m'ennuyer une seconde. 77 pages lues ce soir. Je viendrai faire un petit bilan final demain mais en attendant, je vais faire un dernier tour chez les participantes.

 Le cahier gris. Roger Martin du Gard - Decitre - 9782070405947 - Livre

Bilan de ce dimanche de marathon
Inscrite en formule libre "Santa Baby", je n'ai pas du tout compté les heures passées à lire... En revanche, j'ai soigneusement noté le nombre de pages tournées : 172 pages pour cette journée de marathon. C'est un score honorable au vu de mon arrivée en cours de route... et du temps consacré à bien d'autres choses ;-)
La nouvelle de Maupassant, directement liée au thème de Noël est un excellent texte de l'auteur, dans la veine cruelle mais parfois drôle. 
Mais surtout, ce fut l'occasion de me remettre un peu au clavier. Reste à voir si cela va durer... Bonne semaine à toutes et tous !

MERCI AUX ORGANISATRICES 
   
Les participantes (si j'ai oublié quelqu'un, vous pouvez vous signaler...) :
Samarian - Hilde - Didine - Lilas - Les Sorcières - Soukee - L'Or Rouge - Sorbet-Kiwi - Touloulou - Nathchoco - Northanger -

dimanche 20 novembre 2016

Lecture commune : "Un été avec Victor Hugo" de Laura El Makki et Guillaume Gallienne

     C'est dans le cadre d'une lecture commune avec Claudialucia, ainsi que du Challenge Victor Hugo, que je me suis lancée dans cette lecture qui prenait tout naturellement la suite de la biographie sur Juliette Drouet.
La première chose à dire, c'est que la lecture de cet opus est à la fois facile et agréable. Après une courte introduction qui évoque l'apparition du visage de Cosette en janvier 2016 à Knightsbridge, à Londres, pour dénoncer l'évacuation d'un millier de réfugiés à Calais, l'ouvrage se découpe en courts chapitres thématiques. On se promène donc dans l'univers hugolien "à sauts et à gambades", de la célèbre bataille d'Hernani à la laideur, en passant par Libido, l'humour ou Olympio.
Cosette par Emile Bayard
 La balade s'avère agréable car au détour des chapitres, on glane des informations ou anecdotes que l'on ne connaissait pas encore. Ainsi, en parlant de libido, je connaissais l'existence des fameux carnets que j'ai évoqués je crois dans mon billet sur Juliette Drouet, mais je n'avais pas les détails qui sont ici proposés. Le livre peut donc être apprécié de manière très différente. Pour un lecteur ayant n'ayant jamais lu de biographie sur Hugo, c'est une bonne introduction. Pour quelqu'un qui connaît déjà la trame de l'existence du poète, c'est un bon moyen de raviver sa mémoire et de découvrir quelques détails encore inconnus. Quelques rappels sont d'ailleurs les bienvenus comme celui qui concerne l'engagement de Victor Hugo contre l'esclavage et pour les populations noires (voir Bug Jargal, déjà chroniqué ICI dans le cadre du même challenge Hugo).
Illustration de Bug Jargal
Cette promenade aux paysages variés a également le mérite de donner envie de reprendre (ou de découvrir) certains livres. Dans le chapitre intitulé Olympio, par exemple, les citations du très beau texte "La Tristesse d'Olympio", longue plainte en vers écrite en 1837, donne envie de se plonger dans Les Rayons et les ombres.

Il voulut tout revoir, l'étang près de la source, 
La masure où l'aumône avait vidé leur bourse.
            Le vieux frêne plié, 
Les retraites d'amour au fond des bois perdues,
L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues 
            Avaient tout oublié.   
Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d'où l'oeil plonge en une oblique allée.
            Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. - Au bruit de son pas grave et sombre
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre 
            Des jours qui ne sont plus.     

Un collection qui invite à la découverte, et qui donne de quoi passer un bel été ! 
Les billets des participantes : Claudialucia


 

mardi 8 novembre 2016

L'Eveil de Line Papin

     Jeune romancière de 20 ans, Line Papin livre ici un premier roman plus que prometteur. Écrit en trois ans au gré de l'inspiration et à l'aide d'émotions qui la "submergeaient", il déroule l'éveil sensuel d'une jeune femme autour de laquelle gravitent trois autres personnages dans la torride ville d'Hanoï.
   C'est aux cinquante ans de M. Klin, directeur de l'Institut français, que Juliet rencontre un homme dont elle tombe immédiatement amoureuse, au point de le suivre et de s'abandonner à lui. Mais cet homme a d'autres amours. Il y a celui pour Raphaël. Et aussi celui pour Laura, fille fantasque, délurée et la plupart du temps éméchée. Ces quatre jeunes gens dont les voix s'entrecroisent dans le roman vont vivre au Vietnam une histoire sentimentale peu commune, du genre de celles que l'on ne vit qu'une fois (ou jamais) dans sa vie, une de ces histoires qui rendent fou ou qui tuent. 
   Le charme de ce roman opère tout d'abord grâce à cette passion qui habite les personnages qui se heurtent, se touchent, crient et s'aiment tout en nous faisant partager des émotions qui les dépassent.  Ensuite, il y a la présence envoutante du Vietnam que la romancière rend perceptible, usant d'accumulations qui nous plongent dans le foisonnement de la vie là-bas.
Là, les femmes crient, négocient ; certaines courent bol de riz à la main derrière leurs enfants qui refusent de manger. Par terre, on marche sur des coques de litchis, des noyaux, des bouts de papier, des pelures, des étiquettes, toutes sortes d'ordures qui s'éparpillent le long des couloirs jusqu'aux portes de sortie.
   Enfin, il y a un style à la fois foisonnant et comme bousculé par l'urgence, un peu à l'image de cette scène entre Juliet et son amant :
C'est-à-dire, je l'ai prise comme pour m'en déprendre, comme on pousse quelqu'un qui nous barre la vue, et j'ai bandé non de désir mais de colère. Oui, j'ai comme plongé dans son corps pour ne plus la voir, pour oublier, et en finir plus vite. C'était étrange. 
   J'ai pris grand plaisir à découvrir cette nouvelle romancière et j'espère qu'elle continuera sur sa lancée. Je remercie vivement les éditions Stock pour ce partenariat !
Avis mitigé mais globalement positif d'Eimelle.
Avis positif de Liligalipette.

http://delivrer-des-livres.fr/challenge-1-rentree-litteraire-2016/

jeudi 27 octobre 2016

Près de mes bois

Source ICI
     Alors que les matins deviennent de plus en plus brumeux et que les feuilles se chargent de couleurs automnales, il est temps pour moi d'aller faire un tour du côté de mes bois. Je vais pouvoir respirer les odeurs de terre et d'humus, profiter d'un silence bienvenu, lire, encore lire, et peut-être même faire un tour au festival du livre en Bretagne de Carhaix. L'Irlande est à l'honneur cette année, et Fabienne Juhel sera là : tentant non ?
   Je vous souhaite une belle fin de semaine.
   Kenavo ave chal,
                                                                                      Margotte

lundi 24 octobre 2016

Seule Venise de Claudie Gallay

     L'histoire commence en 2002. L'héroïne, une femme de 40 ans, vient de se faire plaquer par son amant, Trévor. Effondrée, elle rompt les amarres. Refusant tout contact avec ses anciennes connaissances, elle vide son compte bancaire et prend un billet de train pour Venise. Elle y arrive par un petit matin d'hiver, un jour où la lagune montre des couleurs changeantes et où l'air sent l'algue verte et l'odeur du poisson décomposé. Hébergée dans une pension, chez Luigi, elle occupe une chambre au plafond bleu où s'ébattent les anges. On s'approche de Noël. Après ses errances dans la ville lacustre, elle fait connaissances avec les pensionnaires de chez Luigi. Il y a un couple d'amoureux, Carla et Valentino, rivés l'un à l'autre et qui évoque des pensées acerbes à la femme abandonnée. "L'amour, c'est un leurre" lâche-t-elle à la jeune fille un matin. Il y a Vladimir Pofkovitchine, un ancien prince de Russie qui lui apprend à boire le vin.
 
Source ICI
Extrait :
Le prince me regarde, attentif.
- Vous buvez trop vite, il dit, ce n'est pas un vin de soif.
Il se carre dans son fauteuil, le verre à la main.
- Prenez le temps. Regardez cette couleur ! C'est un vin de patience. Comme cette ville. Mon père disait que le savoir commence comme ça, en appréciant le bon vin. 
- Je commence tard. (...)
- Chaque vin que vous buvez doit vous rappeler un vin déjà bu, un parfum, une terre. De même que chaque chose que vous apprenez doit se rattacher à quelque chose que vous savez déjà. C'est ainsi que le savoir se construit. Buvez maintenant.
Un jour, par hasard, elle tombe sur une boutique, celle d'un libraire. Commence alors une "histoire possible". Elle retourne à la librairie pour entendre parler de Jean Clair et de son livre La Barbarie ordinaire ou Music à Dachau, mais aussi de Zoran Music. Mais je m'arrête là en ce qui concerne le résumé et vous laisse découvrir la suite de cette belle histoire vénitienne... 
 
Zoran Music, Motif végétal
 Ce que j'aime chez Claudie Gallay dont je découvre l’œuvre avec enchantement, ce sont ses personnages habités par le silence, par le silence et par les mots. Jamais de flots de paroles chez eux, juste des bribes de phrases trouées de silence. Le style est d'ailleurs épuré, avec des phrases courtes. Et pourtant, on se laisse complètement emporter par ces histoires habitées par des êtres souvent porteurs d'une fêlure. Ici, celle d'une femme dont la vie est à réinventer. Un excellent moment de lecture...
 

jeudi 20 octobre 2016

Lecture commune - Juliette Drouet par Henri Troyat

     Cette biographie de Juliette Drouet, agréable à lire, a été pour moi source de bien des révélations concernant l'homme Hugo... qui avait une conception des rapports avec les femmes plus que particulière ! Mais, commençons pas le début, à savoir les débuts dans la vie de "Juju", surnom affectueux donné par "Toto" Hugo à sa Juliette.
Juliette Drouet, née Julienne-Joséphine Gauvin, n'a pas eu une jeunesse facile. Orpheline à neuf mois de sa mère, elle perd son père, artisan tailleur et ancien chouan, un an plus tard. Ballotée ensuite au gré de la disponibilité des oncles et tantes, elle sera finalement élevée au couvent par de terribles religieuses adeptes des châtiments corporels.
"Les punitions les plus rudes sont celles réservées à celles qui osent parler pendant les "heures de silence". La coupable est tenue de faire le signe de la croix sur le plancher, avec sa langue. Cet exercice de léchage est répété trois à soixante fois selon la gravité du délit. (...) A la fin de la pénitence, on avait quelquefois la langue en sang, mais toujours on avait des boutons, ce qui n'empêchait pas les pauvres filles de recommencer la même faute dans le moment même. Les autres punitions étaient le cachot et la verge."
   Libérée du couvent, elle devient la maîtresse de James Pradier, sculpteur dont elle aura une fille, puis commence une carrière de comédienne. Elle fait ses premiers pas sur la scène parisienne le 24 juillet 1829, dans un vaudeville. C'est à l'occasion d'une lecture de Lucrèce Borgia (écrite en onze jours seulement...) devant les acteurs, le 2 juillet 1833, que Juliette Drouet rencontre Victor Hugo alors âgé de 31 ans. Déjà considéré comme le chef de file du mouvement romantique, il est pour elle le "mystérieux et prolifique poète des Feuilles d'automne".

Hugo en 1853-55
   La première a lieu un mois plus tard et le 16 février de la même année, ils deviennent amants. Commence alors pour cette femme une vie faite de renoncements et d'abnégation... et c'est à partir de là que je suis allée de surprise en surprise... En effet, ce cher Victor n'avait pas que la plume d'alerte, et pour garder un vivier toujours disponible de femmes, il avait une méthode imparable : les enfermer. C'est ce qu'il va faire avec Juliette qui, habituée au couvent, va bien tenter de résister un peu, mais finira par vouer sa vie à ce grand homme. Après l'avoir installée dans un appartement non loin de chez lui où il peut venir plus facilement sans subir les foudres d'Adèle, sa femme légitime, il invite sa Juju à ne pas sortir. Il ouvre son courrier, ne tolère les sorties de sa maîtresse qu'en sa compagnie, enfin, se comporte en parfait petit tyran domestique. L'actrice se mue alors en secrétaire : elle lit les brouillons de son Toto. Sa carrière de comédienne sera d'ailleurs de courte durée puisqu'elle va vouer sa vie à celle de son amant qui, pour autant, va voir ailleurs si les peaux sont plus douces. Il aura, entre autres, une liaison avec Léonie d'Aunet ou avec l'une des servantes de Juliette Drouet, Blanche Lanvin. Je vous laisse découvrir la suite des aventures du couple... Vous pouvez également découvrir l'une des 22 000 lettres écrites par Juliette, inlassable épistolière, à Hugo ICI.

Juliette Drouet jeune
 Ce fut une lecture vraiment intéressante, qui a  modifié mon approche de l'écrivain. La vie de cette femme est passionnante à plus d'un titre : parce qu'elle éclaire sur la vie des femmes au XIXe, parce qu'elle peut illustrer la notion de "couple pathologique", et parce qu'elle s'associe à celle d'un écrivain majeur, entre autres. Je remercie donc Claudialucia pour son envoi et son excellente idée de lecture commune qui s'intègre dans le challenge romantique et bien sûr dans le challenge Victor Hugo.
Billets des participantes :
- Claudialucia

https://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2014/11/challenge-victor-hugo_5.htmlhttps://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2013/12/challenge-romantique-quatrieme-bilan.html

 Je dois toutefois signaler que cette biographie (je l'ai découvert en rédigeant ce billet) a été interdite à la vente suite à un problème de plagiat (ce qui explique que j'avais tant de mal à la trouver). Troyat a été condamné pour avoir contrefait la biographie de Gérard Pouchain et Robert Sabourin titrée Juliette Drouet ou la dépaysée. Je ne peux que vous inviter à lire ce titre si vous souhaitez en savoir plus sur cette femme.