Vous connaissez peut-être P. Wald Lasowski par ses travaux universitaires et/ou ses articles pour le Magazine littéraire. Spécialiste du XVIIIe siècle et plus particulièrement du courant libertin, son nom s'associe d'habitude aux auteurs du siècle des lumières. J'ai été intriguée de découvrir son nom en compagnie de celui de Maupassant. De plus, en parlant d'associations, la lanterne rouge, avec ce titre, "La Maison Maupassant", qui évoque tout de suite La Maison Tellier, tout cela ne pouvait que provoquer une curiosité certaine face à ce livre paru en 2009 dans une collection que j'aime beaucoup (et qui fait beaucoup parler d'elle en ce moment à cause de "l'affaire" Aragon, voir ICI...).
La Maison Tellier, il en est question dès le premier chapitre qui évoque les mots qui ouvrent toute l'oeuvre, ceux de la nouvelle du premier recueil paru : "On allait là, chaque soir, vers onze heures, comme au café, simplement." Et dans le premier chapitre de cet autre livre, La Maison Maupassant, Patrick Wald Lazowski établit un intéressant parallèle entre l'accumulation des contes (300 nouvelles en tout) et la consommation que l'écrivain a pu faire des femmes des maisons closes. Par exemple, un soir, il emmènera avec lui un huissier afin de faire constater de manière officielle comment, en une heure, il aura "tiré six coups", avant d'aller honorer à nouveau deux femmes dans la chambre d'à côté ! De la petite mort à répétition à la nouvelle, genre bref, plaisir rapide et "brèves secousses", pour l'essayiste, le chemin est le même, menant à tout coup à des plaisirs comptables, comme ceux des maisons closes. Il évoque d'ailleurs le parallèle entre la maison et la femme omniprésent dans l'oeuvre du nouvelliste, ce que je n'ai pu que constater en lisant les contes du Clair de lune évoqué dans mon billet précédent.
"Quant à elle, je la jugeais avec froideur et lucidité. (...) C'était... c'était un décor... pas un logis." La Porte in Clair de lune et autres nouvelles.
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L'Apollonide, film de Bertrand Bonello |
Dans un deuxième chapitre teinté de poésie, Patrick W. Lasowski évoque l'éternel retour à l'oeuvre dans toute la production de l'écrivain, ce même qui le hantait et que le lecteur recherche aussi. Car c'est bien cela qui sourd lorsque nous retournons vers ces contes "à l'image des guillemots, ces oiseaux migrateur qui "reviennent encore"", qui "reviennent toujours" (relire à leur propos le beau texte La roche aux guillemots des Contes de la Bécasse).
Enfin, dans le chapitre "L'homme blessé", l'essayiste présente les différents accidents ayant émaillé la vie de Maupassant, et ils ont été nombreux ! Un jour il se brûle la moitié de la barbe, un autre il se tire "accidentellement" une balle dans un doigt, un autre, sa chambre prend feu... Ce feu purificateur sera d'ailleurs le clou d'une soirée organisée à La Guillette en 1889 alors que l'on y joue "Le crime de Montmartre", une saynète qui s'achève par l'incendie de la prison... Du feu au fou, il n'y a d'ailleurs qu'un pas que franchira Le Horla...
Si j'ai trouvé le fil directeur de cet essai parfois un peu embrouillé, j'ai aimé redécouvrir des anecdotes liées à la vie de l'écrivain. L'écriture est fluide, l'ensemble se lit facilement et rapidement, et cette petite promenade en compagnie de Maupassant est agréable. On découvre quelques éléments biographiques peu présents ailleurs car assez peu glorieux pour l'écrivain... Et puis, j'aime assez ces parcours littéraires un peu erratiques, c'est par ces chemins de traverses que l'on finit par découvrir les fondamentaux d'une oeuvre...