Ce que j’aime chez Ken Bruen,
c’est qu’il est tout sauf ingrat. Non seulement il affiche avec ostentation ses
sources d’inspiration, mais en plus il en joue, et avec humour ! Ainsi,
dans ce quatorzième roman qui narre avec entrain les dernières aventures de
Brant le mal luné, tout commence par une citation tiré du décoiffant roman de
Jim Thompson, Le démon dans ma peau (âmes sensibles, passez votre
chemin et priez pour le salut de l’humanité) : « Huh-uh, dit-il, ce n’est
pas ça ».
A Londres, un drôle de lecteur (qui lui, n’a pas le sens de
l’humour et ne supporte pas les malpolis), fasciné par ce roman policier,
décide d’accélérer le passage ad patres de tous les mal élevés. Comme quoi, il
y en a qui n’ont pas peur des défis impossibles… Alors, quand il croise un
malotru qui engueule sa femme, un père odieux qui claque un gosse qui n’a rien
fait ou un chef qui confond sa fonction avec celle de kapo, il passe à
l’action : rayé de la carte, le fâcheux ! Et comme il a intégré les
quotas, il pratique aussi la suppression de la mal embouchée.
Mais très vite, l’ego du tueur ne
se contente pas d’œuvrer dans l’ombre, alors il envoie des lettres à la police.
Et quelle surprise va être la sienne lorsque (les voix du seigneur sont impénétrables)
il se rend compte qu’au sein même de cette noble institution règne un despote
encore plus malpoli que tout ce qu’il a déjà pu voir : le sergent Brant.
Alors que notre policier, fervent
admirateur de Mc Bain, envisage une reconversion dans l’écriture… de polars, la
rencontre avec le zélote de Jim Thomson va venir lui ouvrir de nouveaux
horizons…
Voilà du Ken Brun pur jus :
les flics y sont toujours de mauvaise humeur et les femmes n’ont pas comme seul
rêve celui de voir débarquer un Roméo les bras chargés de roses. C’est
politiquement incorrect et moi, dans une période où on pourchasses les pauvres
fumeurs qui ont le malheur de s’en griller une à l’abri d’une terrasse,
ça me fait chaud au cœur ! Le suivant, c’est pour quand ?
Extrait
Merde en branche. Faut
reconnaître, mec, que ces foutus Amerloques ont des expressions géniales.
J’adore leur façon de jurer.
J’ai tué pour la première fois
mardi dernier. Je n’arrive pas à croire que ça ait été aussi facile. Des
remords ? Pas la queue d’un. Je regrette seulement de ne pas avoir
commencé plus tôt.
J’ai quarante-quatre ans et je
suppose que je suis ce qu’on appelle un type qui a mis du temps à trouver sa
voie. Long à la détente, comme disent les Amerloques. J’aurais pu buter des cons
depuis trente ans et qu’est-ce que je faisais ?
Je travaillais.
Un zombie.
Je crois que c’est Bob Geldof qui a dit que c’était la plus grande
escroquerie.