Qui n’a pas rêvé un jour de
partir vivre à la campagne, loin de la ville, du bruit et de la foule ?
Henri Vincenot ne l’a pas seulement rêvé, il l’a fait, et pas à moitié… il est
parti s’installer au fond d’une combe bourguignonne, dans une ferme sans aucun
confort où la vie s’annonçait spartiate.
La franche urbaine que je suis a
tout de suite été intriguée par cette aventure peu commune. Tout d’abord, elle
se déroule en Bourgogne, région que j’affectionne. Mais surtout, il ne s’agissait
pas ici de partir dans un pavillon situé dans un improbable lotissement loin de
la ville, non. Vincenot est parti avec femme et enfants dans un lieu vraiment
loin de tout, où il n’y avait pas de chauffage (et lorsque l’on connaît l’hiver
bourguignon, on frissonne….) et où tout était à faire, y compris aller chercher
l’eau au puits.
Non seulement on suit avec
fébrilité les épisodes de l’aventure en question, mais on se délecte d’une
écriture parfois poétique, toujours en phase avec le milieu décrit, et emprunte
d’une douce philosophie de vie. Ecoutez :
« La vie des villes, si
variée et si mouvementée, prend très vite une allure de routine. Une rencontre,
répétée chaque jour, suffit à me la faire prendre en grippe. Ici, au contraire,
le même spectacle, la même butte de terre, le même arbre mort que l’on
retrouve, immobiles à la même place chaque matin, se parent à chaque fois d’un
charme différent. »
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Tableau de Henri Vincenot |
J’ai été séduite non seulement
par la démarche, franche et joyeuse de l’auteur, mais aussi par sa sensibilité
à l’environnement, qui n’est pas seulement celle d’un écolo qui prône le retour
à la nature tout en vivant entouré de tout le confort de vie moderne. Henri
Vincenot ne moralise pas, il vit et il profite de cette nature qui l’entoure
car je crois que, profondément, il l’aime. Il suffit de partir avec lui dans
ces grands espaces qu’offre la terre bourguignonne, de suivre les traces des
animaux ou d’écouter la neige tomber afin de saisir « la minute rare qui,
comme une perle, gît dans la coquille chaque journée. »
Après avoir refermé ce livre, je
n’ai qu’une envie, savoir ce qui est advenu de « La Pourrie », nom du
domaine acheté et défriché par l’auteur et sa famille. Ses trois enfants
ont-ils gardé la demeure ? Est-ce que quelqu’un a continué ce rêve à la
fois doux et rugueux ?
Sa fille Claudine, elle, s’occupe
de l’œuvre de son père. Elle a préfacé ce récit proposé avec de très beaux
dessins de son père.
Extrait :
« J’élèverai mes enfants
comme je pourrai. C’est le plus sage des partis.
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La lecture.
A seize ans, ils liront tous les
produits de la littérature moderne. Non pas que je les aie encouragés dans ce
sens, mais parce que je sais que, pratiquement, quoi qu’il arrive, ils agiront
ainsi.
Aussi bien, de quoi ont servi,
pour moi, les interdictions ?
En quelques jours de pluie, dans
le grenier, on se prépare mieux pour la vie que dans dix mois de l’année
scolaire sur les bancs de l’école. (Je ne suis pas forcément d’accord. Car 1.
Encore faut-il avoir un grenier et pas une cave de cité et 2. Tout le monde n’a
pas des parents ayant des livres, même relégués dans un coin… Mais j’apprécie
quand même la démarche. Vous avez le droit de me trouver contradictoire…)
Au grenier je reléguerai les
livres et je ne les défendrai pas à mes enfants. Je les écarterai simplement,
jusqu’à ce que le temps, le hasard et la curiosité les leur fasse
découvrir. »
Un très beau récit donc, à lire,
à relire, à méditer, et à emporter dans mon sac lors de ma prochaine visite en
terre bourguignonne !