vendredi 20 décembre 2013

Joyeuses fêtes !


          Chères copinautes,

   Je vous abandonne en compagnie de ces joyeux greffiers car je vais, moi aussi, partir faire bombance et attendre mes cadeaux. Je reviens vous voir pour la nouvelle année. Je vous souhaite de douces fêtes avec joie, repos, et éventuellement des livres...
A très bientôt,

Margotte

mercredi 11 décembre 2013

Le Château de Pictordu de George Sand


Vous aimez les contes et les histoires fantastiques ? Les dames noires qui hantent les vieilles pierres vous font frémir ? Vous avez un faible pour les statues qui parlent ? Alors ce livre est pour vous. Je ne connaissais absolument pas cette historiette écrite par George Sand pour sa petite fille Aurore âgée de sept ans. L’écrivaine a soixante-neuf ans lorsqu’elle rédige durant l’hiver 1873 ce conte paru sous la forme de feuilleton dans Le Temps. Il prendra ensuite sa place dans le premier volume des Contes d’une grand-mère.



L’histoire suivie de mon avis



M. Florchardet, peintre de son état, ramène du couvent sa fille unique de huit ans, Diane. Cette dernière a été placée en pension car sa belle-mère, Laure, une femme aussi frivole que peu maternelle, préfère s’occuper de rubans plutôt que d’une petite fille qui a le malheur d’avoir envie d’autre chose que de servir de poupée que l’on habille de frous-frous.

Lors du voyage qui mène le père sa fille et leur cocher près d’Arles, alors qu’ils traversent le Gévaudan, la voiture est victime d’un accident qui oblige le trio à passer une nuit au château de Pictordu. L’endroit est abandonné et presque entièrement en ruines. La petite fille, fiévreuse lors de son arrivée au château, croit apercevoir une « Dame au voile » après avoir vu une statue l’inviter à entrer dans la demeure… Les lieux sont-ils véritablement hantés, comme l’affirme une légende tenace ? Qu’adviendra-t-il de Diane, jeune fille orpheline de mère en route vers la demeure paternelle ? Qui est la « Dame au voile » ? Autant de questions qui rendent la lecture de ce texte bien agréable !

On retrouve ici ce qui fait le charme de la littérature du XIXe, une écriture à la fois exigeante et limpide. Écrit pour un journal, le texte de divise en dix chapitres titrés qui invitent toujours à poursuivre la lecture… On ne s’ennuie pas une seconde, et on s’amuse à retrouver les motifs propres au fantastique de l’époque : une fresque qui s’anime, des fantômes, une statue qui bouge, etc. La lecture fut d’autant plus agréable qu’elle associe au plaisir lié à l’intrigue un plaidoyer pour l’éducation des filles bien éloigné des standards de l’époque. George Sand milite ici pour l’égalité homme/femme et souhaite que les filles puissent se consacrer à l’art, quel qu’il soit, de la même manière que les hommes.



Extrait



« A peine avait-elle pensé cela, que la lanterne s’éteignit et qu’elle vit une grande belle clarté bleue, comme celle de la lune, traverser la salle ; et dans ce rayon de lumière douce, elle vit que la danseuse antique avait quitté la muraille et venait à elle.

Ne croyez point qu’elle en eut peur, c’était une forme exquise. Sa robe faisait mille plis gracieux sur son beau corps et semblait semée de paillettes d’argent : une ceinture de pierreries retenait  les pans de sa tunique légère ; un voile de gaze brillante était roulé sur sa chevelure qui s’échappait en tresses blondes sur ses épaules blanches comme neige. On ne pouvait distinguer son visage à travers cette gaze, mais il en sortait comme deux pâles rayons à la place des yeux. Ses jambes nues et ses bras découverts jusqu’à l’épaule étaient d’une beauté parfaite. Enfin la nymphe incertaine et pâlie de la muraille était devenue une personne vivante tout à fait charmante à regarder. »

dimanche 8 décembre 2013

Marathon d'hiver de lecture - J2 : Dimanche 8

Marathon de lecture de Noël

11 h - Un début tardif !

     Début tranquille et tardif ce matin cause retour franchement nocturne (ou matinal, au choix...) après une soirée chez des amis. L'esprit légèrement embrumé, un polar s'impose pour reprendre ce marathon de lecture d'hiver. J'ai donc passé une heure à continuer ma lecture de :



Je suis arrivée à la page 239 alors que j'arrête ma lecture et suis complètement sous le charme de ce livre ! Il fut bien difficile de le lâcher pour songer à travailler... Je vais quand même essayer de continuer un peu ce marathon dans la journée. A suivre... et bon dimanche à tous :-)

21H30 - Une journée à travailler...

Comme vous avez dû le voir, je ne suis pas revenue vous donner la suite de mes aventures livresques.... pour la bonne raison qu'elles ont disparu sous l'avalanche de travail et de préparations diverses pour demain. Exit donc la fin de L'enfant aux cailloux, cela sera pour un autre jour ! J'ai aimé dans cette affaire mon enthousiasme matinal qui avait comme ainsi dire gommé toute trace d'obligation... Ah, l'aveuglement de la blogueuse passionnée....

Bilan de la journée et du we

Une heure de lecture et 124 pages lues aujourd'hui : c'est toujours ça, car ce fut intense !
Sur le week-end : 4 heures très agréables et 504 pages lues (un bon pavé classique). Je n'ai toujours pas terminé L'enfant aux cailloux, mais c'est l'objectif de la semaine ;-)



samedi 7 décembre 2013

Marathon d'hiver de lecture - J1 : Samedi 7


 Marathon de lecture de Noël
10H - Début de ce marathon de lecture d'hiver

     Je n'ai pas vraiment de lecture "prévue". Comme je suis en catégorie "Let it snow", l'ambiance sera frivole... Je vais lire au gré des envies, sans doute une heure ou une heure 1/2 ce matin, avant de partir faire quelques courses. Je viendrai donc en fin de matinée ou début d'après-midi rafraîchir ce billet et faire un bilan de la matinée. Je vous souhaite un excellent marathon et un très bon week-end pour les autres ! 

11H - Un début monstrueux !

     Pour commencer en douceur (une douceur très spéciale, comme vous allez le découvrir), j'ai attaqué ce RAT hivernal avec un album jeunesse québecois :


Dévoré rapidement et sans fausse route. Une chouette idée de cadeau de Noël, à offrir sans modération... Pour rester dans l'ambiance, j'ai continué avec P'tit Cousu, La parade des monstres de Guy Bass (drôle comme seuls les Anglais savent le faire en littérature jeunesse : j'adore !).


12H - Changement de style

Après avoir terminé P'tit Cousu (décidément une vraie réussite, que je conseille aussi en cadeau de Noël, dès 8 ans), j'ai repris un livre déjà bien entamé que je compte finir aujourd'hui :


 J'achève cette première matinée en laissant ce livre que je reprendrai cet après-midi ! Finalement, deux heures ce matin... comme quoi, quand on aime... (et les courses attendront...).

15H30 - La dernière heure 

Pour me remettre en train, une lecture que j'avais en projet depuis longtemps : Walking Dead, le tome 1, in english please, et en plus, avec lecture sur tablette. Je tiens à préciser qu'il s'agit d'un événement capital car dame Margotte est plutôt du genre ancienne économie et s'accroche au papier comme le bernique sur son rocher breton. Cette concession à la modernité a été une expérience plutôt agréable... qui sera donc peut-être suivie de nouvelles tentatives (m'enfin, la tablette en question n'était pas à moi...). Mais pour en revenir à Walking Dead, attention, ça décoiffe ! Et surtout, cela appelle la suite... que je n'ai hélas pas sous la main. Une bonne occasion pour aller à la bibliothèque renouveler ENFIN ma carte.


Après cette lecture "tonique", retour au romanesque avec la suite... et la fin de La mer et le silence. Quelle lecture ! J'ai terminé ce livre avec une boule dans la gorge, la larme à l'oeil, et, lecture précédente oblige, une vague envie de meurtre heureusement noyée par l'émotion... Je vous laisse deviner quel était le personnage concerné par mes pulsions agressives... J'en profite pour remercier Fransoaz qui a eu la bonne idée de faire voyager ce livre.
J'ai ensuite continué un moment un polar déjà commencé dans la semaine :

 

Bilan de cette première journée :

3 heures très agréables et 380 pages lues et/ou regardées puisque il y avait une BD et un album (sans parler de P'tit cousu agrémenté d'illustrations...). Je recommence demain, sans doute seulement le matin. J'ai bien l'intention de terminer L'enfant aux cailloux, un polar que je vous recommande vivement !

mercredi 4 décembre 2013

Des nouvelles du challenge Colette...

http://bruitdespages.blogspot.fr/2011/06/challenge-colette.html

   Voilà déjà un moment que je dois venir vous donner des nouvelles du challenge Colette lancé en juin 2011 (déjà !). Après avoir prolongé une première fois ce challenge d'un an, la date butoir est arrivée le 23 septembre 2013. Je vous propose donc un bilan de ce challenge : 20 blogueuses ont participé à cette aventure : 13 en niveau Bel Gazou, 3 en niveau Claudine, 1 en niveau Sido et 3 en niveau Vagabonde. Vingt-deux billets concernant l’œuvre de cette écrivaine ont été rédigés. J'ai pris grand plaisir à lire vos écrits sur cette grande dame de la littérature ! 
   Comme j'abandonne avec un peu de nostalgie ce challenge (mais je ne dispose pas d'assez de temps cette année pour continuer à m'en occuper), si l'un(e) d'entre vous veut prendre le relai, qu'il(elle) n'hésite pas à se faire connaître... 

Merci à toutes les participantes !

jeudi 28 novembre 2013

Lady Hunt d'Hélène Frappat



Il était une fois une Petite Blogueuse qui s’appelait Margotte. Nombreux étaient ceux qui aimaient venir lire ses chroniques sur Le bruit des pages. La Petite Blogueuse adorait les livres et les cadeaux dont elle ventait ensuite les qualités sur son blog. Une fois, Price Minister lui proposa de lui envoyer un livre avec un beau titre – Lady Hunt – et une couverture toute rouge et noire. La blogueuse trouva l’ensemble si joli qu’elle ne voulut plus lire autre chose.
Mais Olivier lui avait dit aussi : « Tiens, Petite Blogueuse, je te confie ce livre. Tu iras le lire afin de porter ensuite les mots du livre au delà de chez toi. Tout le monde va bien se régaler. Vas-y au plus vite. Attention, ne traîne pas trop car tu dois avoir rendu une chronique pour le 1er décembre. Prends bien garde à ne pas t’égarer en chemin, ne saute pas à droite et à gauche, sur d’autres livres tentateurs. Reste bien concentrée sur ce que tu dois faire. »

-    « Je serai sage et ferai tout pour le mieux », promit la Petite Blogueuse qui attendait déjà son livre avec grande impatience.

Il lui fallut faire montre d'indulgence car l’arrivée du cadeau avait été retardée. Mais pendant ce temps là, La Petite Blogueuse n’avais pu résister à la tentation. Elle était entrée dans une librairie et avait lu des romans policiers, et un très mauvais livre, mais aussi une œuvre grandiose : Les Chutes de Joyce Carol Oates, si bien qu’elle avait un peu oublié Lady Hunt.
Un jour, enfin, le livre arriva. Elle caressa la 1ère de couverture et contempla sans retenue l’image qui montrait des pieds chaussés de noir. Au dessus, une robe qu’elle imaginait froufroutante, noire aussi. Elle commença alors tout de suite sa lecture, qui, au début, l’enthousiasma. Qui pouvait bien résister à une histoire de vieille maison, peut-être hantée, associée à un monde onirique et presque fantastique ?
Elle essaya esseya. Elle n’avait pas peur d’une aussi petite bête qui ne pouvait pas lui résister et devait lui apporter cette joie de lecture qu’elle avait tant attendue. Mais ses efforts restaient vains. Après quelques chapitres lus fébrilement, le livre commença à l’ennuyer. Elle le laissa alors traîner, si bien que lorsqu’elle le reprit, elle ne comprit plus l’histoire.
Un jour, dépité de se voir ainsi abandonné, le livre s’adressa à elle :
-     « Comme tu sembles t’ennuyer, Petite Blogueuse. J’ai pourtant une belle couverture à regarder.
-     Oui mais cela ne suffit pas à faire un bon livre, répondit-elle.
-    Mais j’ai aussi une belle histoire de maison, avec de nombreuses visites d’appartements et une aventure amoureuse entre un homme et une femme !
-     Cela ne suffit pas non plus, répondit-elle.
-     Et les rêves alors, tu n’as pas aimé ?
-    Oh, c’était pour m’emmener bien loin, mais je suis restée chez moi, bien sagement, répondit-elle.
-     Mais alors, que te faut-il donc ?
-   La poésie et la vie lui répondit la Petite Blogueuse qui, tout en saisissant le livre, le fit disparaître à tout jamais, grâce à sa bibliothèque magique.

La Petite Blogueuse continua pourtant à écrire ses billets, et elle vécut heureuse, jusqu'à la fin des temps.


http://www.priceminister.com/blog/les-matchs-de-la-rentree-litteraire-2013-8774?t=2711261&s2m_exaffid=977275
Note attribuée : 11.5/20

mardi 26 novembre 2013

Le syndrome [ E ]


  Alors que vient juste de sortir de dernier thriller de Franck Thilliez, j’effectue un retour en arrière dans sa production. Après une découverte enthousiaste de l’auteur, à l’époque où il publiait encore aux éditions du rail, je l’ai suivi jusqu’à la Chambre des morts. Je suis revenue à son œuvre l’an dernier avec Vertige… qui m’a vraiment envie donné de rattraper mon retard. Car le bonhomme a fait du chemin depuis !
La trilogie scientifique dans laquelle je me lance prouve combien cet auteur maîtrise aujourd’hui à plein son art du suspense et d’élaboration de l’intrigue. Le syndrome [ E ] commence ainsi par histoire de film. Ludovic Sénéchal, l’ancien petit ami du lieutenant Lucie Hennebelle (personnage récurent d’une des séries de Thilliez), achète la pellicule d’un vieux film des années 50. Amateur et passionné de cinéma, il s’empresse de visionner le film… et devient aveugle après avoir regardé ce qui s’y trouvait !
Je ne dévoilerai rien de plus concernant une histoire qui, très vite, apparaît beaucoup plus retorse qu’elle en a l’air. Au fur et à mesure que s’épaissit le mystère, le lecteur s’attache à la fois à l’histoire et aux personnages car Lucie Hennebelle va bientôt être secondée par le commissaire Franck Sharko, lui aussi bien connu des amateurs de Thilliez.
Le duo de choc va mener une enquête dopée au Red Bull, entre l’Egypte, le Canada et la France. Entre les bidonvilles Cairotes et les orphelinats quebecois, nos deux compères vont mettre à jour une réalité bien effrayante issue tout droit d’expériences issues de la Guerre froide. De quoi rester scotchée sous la couette pendant un RAT de trois jours, je vous le garanti ! La lecture fut intense, je fais donc une petite pause avant de repartir en leur compagnie avec la suite de la trilogie, Gataca… à bientôt donc !

Extrait (les héros sont fatigués)
« Le policier s’exécuta. Sharko eut le sentiment que ce jeune en avait déjà trop vu, dans sa toute nouvelle carrière. Il était dans le bourbier dont il ne sortirait pas indemne d’ici quelques années. Tous les flics suivaient les mêmes rails, ceux qui plongeaient vers les gouffres et interdisaient toute remontée. Parce que cette saloperie de métier vous bouffait, vous digérait, jusqu’aux tripes.
(…)Sharko le gratifia d’un sourire sincère. Il aimait la naïveté de ces mômes, elle prouvait qu’il existait encore quelque chose de pur en eux, une lueur que l’on ne trouvait plus chez les vieux briscards, ceux qui avaient déjà tout vu. »

dimanche 17 novembre 2013

Noir sur la ville à Lamballe


Un petit tour au salon du polar de Lamballe, cela ne se refuse pas, surtout lorsque l'on est en panne de polars à lire et que l'on est bien accompagnée (j'étais avec Moustafette). Les auteurs étaient assez nombreux, avec les habitués, comme Jean-Bernard Pouy, installé à la même place que l'an dernier, idem pour Caryl Férey (ci-dessous en train de me dédicacer un opus du Poulpe !).


Les bonnes résolutions prises après le festival de Carhaix (j'ai bien dit "festival", ne m'imaginez pas avec un bonnet rouge, montée sur un portique et vociférant contre l'écotaxe...) ont fondu comme neige au soleil... et je suis revenue avec quelques poches dédicacés bien sûr ! Je n'ai maintenant qu'une envie : lire, et peut-être rédiger quelques billets très très noirs...


C'était Margotte, en direct ou presque de Lamballe... Bonne soirée à vous !

samedi 16 novembre 2013

Cinq jours de Douglas Kennedy



     Le moment que l’on choisi pour une lecture a son importance dans la réception que l’on a d'un roman… En ce qui concerne ce roman de Douglas Kennedy, il n’avait pas la tâche facile puisque je l’ai commencé juste après avoir terminé Les Chutes de Joyce Carol Oates (lecture dont je suis à peine remise, que lire après une telle œuvre ?…). Autant dire qu’il partait vaincu d’avance, mais j’ai essayé d’être objective... et franchement, malgré ces efforts, j’ai trouvé cela très mal écrit. 
   La lecture s’est déroulée à peu près de la manière suivante (je vais faire une liste comme certains, suivez mon regard, font des dialogues).

- 1er chapitre : ça commence bien ! « JE L’AI VU TOUT DE SUITE. LE CANCER. C’était là, sous mes yeux. » Non, ce n’est pas du fantastique. Pas de cancer incarné, seulement une radiologue, Laura, qui tout à coup en a marre d’annoncer des horreurs à ces pauvres malades. J’ai oublié de vous dire que tout cela se passe un JEUDI. C’est important (merci de faire le lien avec le titre…). A la fin du premier chapitre, une tenace envie d’abandonner cette lecture m’a tenaillée mais le fond masochiste de ma personnalité m’a invité à continuer parce que bon, en un chapitre, on ne peut pas juger d’un livre non ?

- Vendredi (p.81) : punaise ! c’est long ! Laura s’ennuie dans la vie et avec son mari qui vient de perdre son boulot (moi aussi avec ce livre) mais heureusement, elle vient d’être invitée à un colloque de radiologie. Chouette ! On y va ? Et qui va-t-elle rencontrer lors de son colloque ? Richaaaaaaaaaaaaard (vous remarquez le glamour ultime du prénom ?). Et là, tout à coup, accélération du rythme cardiaque et de celui de l’intrigue. Accélération qui conduit notre couple de tourtereaux dans un lit : crak boum uh ! et ils s’aimèrent.

- Arrêt sur dialogue (p. 220)

"-         Non ! Vous avez dirigé Trait de plume ?
-         Vous connaissez ?
-         Bien sûr ! J’ai fait partie du comité de rédaction, à mon époque.
-         Tien ! Vous y faisiez quoi, exactement ?
-         Responsable de la section poésie.
-         C’est dingue !"
Il y en a des pages entières, de ces dialogues… 

- Fin de l’ouvrage (ouf !) 
Je lorgne sérieusement en direction de mon livre, hélas terminé, de Joyce Carol Oates et je médite sur le talent et le style. Je vous épargne le détail de mes réflexions… simplement, ce type de roman ne prend absolument pas avec moi. Il faut croire que je n'ai pas le profil "Au féminin" où j'ai lu cette "critique" enamourée "360 pages qui tiennent en haleine les fans du genre" (ah ? C'est un "genre" ?). Alors certes, je n’ai peut-être pas choisi le meilleur moment pour le lire, mais je pense que même à un autre moment, cela n’aurait pas pris non plus… trop plat, trop convenu, trop prévisible, et, il faut le dire, trop mal écrit.

Je remercie tout de même les éditions Belfond (après ce billet, j’ai bien peur que je sois rayée de leur liste…) et Laura pour cette envoi.


mardi 12 novembre 2013

Les Chutes de Joyce Carol Oates

Dans l’œuvre d’un auteur, on trouve toujours des livres mineurs qui viennent mettre en relief les symphonies majeures, monuments que l’on peine parfois à lire ou que l’on hésite à aborder, question de taille, d’écriture… ou de disponibilité… Avec cet ouvrage de Joyce Carol Oates, j’ai l’impression d’avoir écouté l’une de ces symphonies. Dès les premières lignes, j’ai été complètement happée par une écriture fluide, tournoyante, égale aux tourbillons du Trou du diable si présent dans ce roman.
 
Extrait 1 – Un lieu


« (…) la verticale des Horseshoe Falls. L’endroit le plus dangereux de Goat Island, en même temps que le plus beau et le plus envoûtant. Là, les rapides sont prises de frénésie. Une eau blanche bouillonnante, écumeuse, fuse à cinq mètres dans les airs. Aucune visibilité ou presque. Un chaos de cauchemar. Les Horseshoe Falls sont une gigantesque cataracte de huit cents mètres de long, trois mille tonnes d’eau se précipitent chaque seconde dans les gorges. L’air gronde, vibre. (…) Votre cerveau, dans lequel vous résidez, ce réceptacle unique de votre moi, sera martelé jusqu’à être réduit à ses composants chimiques : cellules grises, molécules, atomes. Toute ombre et tout écho de souvenir abolis. (…) »

Tout commence par un voyage de noces, un jour de juin 1950, aux abords des Chutes du Niagara. Ariah, vierge de vingt-neuf ans et fille de pasteur, vient de prendre pour époux Gilbert Erskine. La veille, leur nuit de noces a été d’un ennui et d’une trivialité à mourir, tellement mortel qu’au réveil Gilbert Erskine part se jeter dans les bras des Chutes, à défaut d’avoir pu supporter ceux de sa toute nouvelle épouse. Lorsque Ariah prend conscience, après un réveil difficile, de la disparition de son jeune mari, elle va se mettre à hanter les abords de « L’eau qui a faim » (surnom donné aux Chutes par les Indiens).  La mariée aussitôt veuve va, durant toutes les recherches qui visent à retrouver le corps de son amant d’un soir, se transformer en « Veuve blanche des Chutes ». Sa résignation autant que son obstination vont en faire un sujet pour les journalistes et une attraction pour les touristes mais également attirer un brillant avocat qui tombe amoureux que l’étrange femme rousse des bords de l’eau qui gronde. Pour autant, la passion qui va les entraîner tout deux peut-elle se terminer autrement que par une chute ?

Horseshoe Falls
 
Extrait 2 – Le fleuve, métaphore de l’écoulement de la vie


« L’amour que Dirk éprouvait pour cette femme imprévisible l’envahit avec une telle force qu’il sentit le sol bouger sous ses pieds. Un instant, il put se croire sur le fleuve, dans une embarcation trop petite pour qu’il lui fût possible de la voir ou de la sentir. »

Dans cette œuvre magistrale de plus de cinq cents pages, Joyce Carol Oates aborde la plupart des sujets au centre de son travail littéraire comme la féminité, le poids du corps et celui des secrets mais aussi la violence des rapports de classe. Voyage de noces – Mariage – Famille : la trilogie que forment les trois chapitres principaux évoque une vie, celle d’Ariah, mais aussi celle de sa famille. Il s’agit d’une vaste fresque familiale donc, mais aussi de la vie d’une région qui s’épanouit autour de l’eau tonnante. L’histoire des Etats-Unis surplombe l’ensemble, comme si la malédiction qui semble peser sur Ariah était aussi celle du poids de la culpabilité des Américains face aux Indiens qui, eux, savaient parler à l’eau furieuse et apaiser son courroux tandis que les nouveaux arrivants ne savent que payer un tribut de suicidés à sa folle écume. Un grand roman, flamboyant et follement romanesque, comme je les aime !

Tableau de Robert Marsala
 Extrait 3 – Quand le corps gronde


« Le grondement s’amplifia dans les oreilles de Royall. Il était attiré dans les profondeurs bouillonnantes de la gorge. L’eau en folie en aval du Trou du Diable, où le bateau d’excursion ruait et roulait, où les femmes et les enfants hurlaient de peur et où Royall, lorsqu’il pilotait, gardait le cap, suivait précisément la route prescrite et finissait par les ramener au ponton.  A présent cette femme inconnue et lui étaient couchés ensemble sur le sol, dans l’intimité soudaine d’individus horizontaux dans les bras l’un de l’autre. Impossible de reculer. Pas d’autre direction qu’en avant. (…) »

mercredi 6 novembre 2013

Fétiches de Mo Hayder

Avis à tous les aficionados de Mo Hayder ! La voilà qui nous revient en grande forme… avec, en prime, la suite des aventures de Flea la plongeuse et du commissaire adjoint Caffery dont les histoires sont maintenant conjointes (pour ceux qui n’ont pas suivi, ce n’est pas grave, vous saurez tout en lisant cet opus…).
Il est vrai que j’étais vaincue d’avance en achetant ce dernier livre que j’attendais avec impatience depuis cet été, mais, sans mentir, voilà deux excellentes raisons de vous lancer dans cette lecture.
1. Au moment où la santé mentale devient le parent pauvre de la médecine en Europe, voilà un ouvrage qui se déroule en grande partie dans un hôpital psychiatrique. Voilà déjà de quoi faire frémir le lecteur lambda qui travaille avec des gens dits sains d’esprit dans un bureau, mais en plus, il s’agit d’un hôpital de haute sécurité (comme Cadillac, entre autres, en France). Dans ce lieu sont confinés sous haute surveillance des malades tous plus dangereux les uns que les autres. L’ambiance n’est déjà pas à la Petite maison dans la prairie lorsque un délire collectif s’empare de la maisonnée… Les patients, et bientôt certains membres du personnel, ont l’impression de voir un fantôme surnommé « La Maude », spectre d’une ancienne infirmière naine, morte depuis fort longtemps, mais qui viendrait encore hanter les lieux… L’affaire va prendre des proportions inattendues lorsque des patients vont commencer à mourir de manière étrange…
Mo Hayder a visiblement effectué un travail de documentation avant de se lancer dans l’écriture de ce roman. Non seulement elle brosse très bien l’univers de la maladie mentale, mais en plus, elle décrit avec justesse les ravages produits par les politiques de redéploiements des moyens (ce qui, en langue de bois administrative, signifie : de restriction budgétaire…). Un polar intelligent qui met le doigt sur une véritable problématique sociale, voilà déjà une bonne raison pour s’arrêter chez son libraire.
2.  Vous suivez les aventures de Fléa et de Caffery depuis leurs débuts : là, point besoin de s’étendre, sachez simplement que vous ne serez pas déçu(e)s ! Dans ce 9e roman, vous saurez ce qu’il advient du cadavre caché par Fléa à cause de son lâche de frère. Vous saurez également ce que Caffery va faire de ce qu’il sait de cette affaire. Et vous aurez de quoi attendre le 10e roman avec autant d’impatience que celui-ci… Pour ceux qui soupirent parce qu’ils ne connaissent absolument pas ces deux héros récurrents, sachez que cela n’empêche pas du tout de suivre l’intrigue et que les rappels qui émaillent le roman permettent facilement de se rafraîchir la mémoire ou de suivre tout simplement le déroulement d’une enquête haletante de bout en bout. Un seul regret pour moi : l’absence du marcheur, l’un de mes personnages préférés. Il est cité mais n’apparaît pas, hélas… Pour conclure, un excellent polar à l’ambiance automnale, ce qui s’avère plutôt de saison ! A lire en période d’Halloween, auprès d’un bon feu, en veillant à avoir fermé toutes les portes et fenêtres…
Mo Hayder
 L’incipit du roman
Invisible



   Mère Monstre est assise sur le lit quand le triangle de lumière vacille sous la porte. Il bouge, file vers le côté en dansant, puis s’immobilise. Elle le regarde fixement, le cœur battant. Quelque chose est là, dehors, qui attend.
   En silence, Mère Monstre descend du lit et gagne furtivement le coin le plus éloigné de la pièce – le plus loin possible de la porte. Elle se recroqueville dans l’angle formé par les murs, tremblante, les yeux larmoyants de peur. Par la fenêtre située derrière elle, des lampes de sécurité projettent sur le sol des ombres d’arbres qui s’agitent et se courbent, semblables à des doigts qui grattent la pièce, trouvent l’ombre sous la porte. Elle parcourt la chambre du regard – les murs, le lit, l’armoire. Inspecte chaque recoin, la moindre fissure dans le plâtre. N’importe quel endroit où la Maude pourrait se glisser. Mère Monstre en sait plus sur la Maude que n’importe qui ici. Pourtant, elle ne révélera jamais ce qu’elle sait. Elle a trop peur.

samedi 2 novembre 2013

Le Citron de Motojirô Kajii


     Si nous avons en France des auteurs qui savent parfaitement manier la prose poétique, rares sont ceux qui, comme les Japonais, peuvent y frôler la grâce. Ce recueil de nouvelles de Motojirô Kajii vient nous le rappeler avec éclat. 
L’auteur, troisième enfant d’une fratrie de six, né à Osaka à l’orée du XXe siècle (en 1901), décèdera à trente-quatre ans des suites d’une tuberculose. Trois autres enfants de la famille seront emportés des suites de cette maladie sans doute contractée auprès de la grand-mère paternelle qui en était elle-même atteinte. L’écrivain n’aura donc jamais le temps de rédiger des romans s’intégrant à une « nouvelle littérature prolétarienne japonaise », lui qui avait été bouleversé par la lecture de Marx. Son écriture n’aura pas eu le temps de se transformer… mais nous reste ces nouvelles imprégnées par l’aura de la maladie, où le souffle est précieux car chaque respiration est marquée par le temps gagné sur la mort.
Le recueil se compose de huit nouvelles de taille très variables mais toutes fortement teintées par la sensibilité. Tout vibre, chaque instant apporte son lot de changements subtils. J’avais l’impression, en lisant ces nouvelles de lire des haïkus développés sur plusieurs pages. Si vous choisissez d’ouvrir ce livre, n’espérez pas y trouver des personnages bien campés et une histoire qui se tisse pour vous tirer vers une fin attendue avec fébrilité. Ici, tout n’est que calme et volupté… et j’ai plusieurs fois pensé à Baudelaire, particulièrement en lisant Sous les cerisiers.
Sous les cerisiers sont enterrés des cadavres ! Ainsi s’ouvre cette nouvelle, ainsi le narrateur explique-t-il la beauté qui jaillit si splendidement lorsque arrive la floraison. Trop de beauté peut parfois virer au mystère, Motojirô Kajii, d’un trait de calligraphe, tente d’en saisir le dessin. Comme Baudelaire, il pétrit la boue, en fait de l’or, et ses nouvelles ne peuvent qu’évoquer une poésie qui sent la myrrhe et la charogne. Une découverte qui donne envie de se lancer dans de nouvelles lectures de littérature japonaise !
J’intègre ce recueil dans le challenge de Nadael car plusieurs nouvelles se teintent fortement des couleurs des saisons. Particulièrement Jours d’hiver qui commence ainsi :

« C’était peu avant le solstice d’hiver. De sa fenêtre, Takashi voyait les arbres, dans les jardins et devant le seuil des maisons du terrain en contrebas, perdre leurs feuilles chaque jour davantage. Les sésames desséchés étaient devenus semblables aux cheveux emmêlés d’une vieille ; les dernières feuilles de cerisier, joliment brûlées par le givre, avaient disparu ; les ormes du Caucase, chaque fois qu’ils frissonnaient et bruissaient au vent, laissaient entrevoir la partie cachée du paysage. 
Les pies-grièches ne venaient plus à l’aube. Puis, un jour, quelques centaines d’étourneaux, couleur de plomb, se posèrent sur la rangée de chênes formant paravent et, dès lors, les gelées se firent de plus en plus fortes. »

http://lesmotsdelafin.over-blog.com/article-challenge-des-quatre-saisons-89043693.html


samedi 19 octobre 2013

Lectures de vacances # 6 - Correspondances de Valence Rouzaud

   Je commence enfin à rédiger un billet qui attend depuis longtemps, trop longtemps, car je l'ai lu durant l'été, ce très beau livre de Valence Rouzaud. Mais il fait partie de ces ouvrages dont, finalement, on a du mal à parler car la lecture fut un moment trop personnel. L'auteur ici nous parle de littérature... et il est plus difficile de parler "littérature" que de parler de livres passe-partout qu'on lit aussi vite qu'on les oublie. Vous l'avez compris, cet ouvrage n'entre pas dans cette dernière catégorie.
   En voici l'ouverture : "Tourné vers demain, le poète s'il ne veut pas se perdre préfère encore la canne blanche au Bottin mondain." Le ton est donné. Après une préface de Louis Delorme, cinquante-huit lettres viennent nous rappeler que le mot poésie peut encore avoir un sens. Loin des salons, Valence Rouzaud aiguise son regard et sa plume qu'il a plongée dans son "usine à rêves au fond des bois".
   Il surplombe ce recueil, le rêve, avec ses images folles et ses soubresauts fantasques : "De mon imaginaire j'ai fait mon bureau, où à coup sûr s'écrivent mes rêves." Et avec les rêves, l'enfance, période où les compromis avec le réel ne sont pas encore fatals : "Je préfère m'évader en retrouvant l'enfance, cette mécanique à part, alliage d'une réalité de poche et d'un merveilleux nuage."
   Les compromis avec les cercles littéraires, il n'en veut pas Valence, car il a bien compris que la poésie est ailleurs. Asphodèle, dans le beau billet qu'elle a rédigé à propos de ce livre, le compare à Léo Ferré. J'ai également pensé à lui en lisant ce recueil. Mais il me semble que la démarche est ici plus radicale, peut-être plus franche... et plus risquée... 
   J'ai souvent été émue en lisant ces lettres, comme on peut l'être à l'adolescence, en découvrant un auteur qui trouve les mots pour exprimer ce que l'on ressent sans trop le savoir. Nous savons pourtant très bien ce qu'exprime Valence, nous ne le savons même que trop bien. Et lorsque nous lisons un ouvrage comme celui-ci, on se souvient. On se souvient soudain quel pouvoir peut avoir la lecture d'un "classique". On se souvient de la claque ressentie à la lecture de tel ouvrage du XIXe qui nous hante encore au plus profond de nos nuits, à coups d'ailes d'albatros. On se souvient que la lecture peut être aussi grisante que la conduite "sans ceinture", à fond la caisse. On se souvient du poids des compromis, et l'on se prend à rêver aussi.
   Il existe, dans les programmes de littérature du secondaire, une catégorie "littérature engagée" qui me laisse souvent dubitative. L'engagement supporte peu les étiquettes, encore moins les manuels scolaires... voilà pourtant un ouvrage qui pourrait y trouver une place bien méritée ! Je lirai, cette année, l'une de ces lettres en classe. Cette magnifique lettre où l'auteur, s'adressant à son fils, lui rappelle "qu'oser une écriture de haut vol brassant la réalité physique jusqu'au champ de l'invisible, la chose n'est pas aisée - qui connaît le travail sur les mots a connu la chaise du marin, lorsqu'on est armé que d'un CAP de chaudronnier."

PS : merci aux éditions Thierry Sajat pour l'envoi de ce livre et merci à l'auteur pour sa dédicace.
  
Les avis de Mélusine et d' Asphodèle

jeudi 3 octobre 2013

Lectures de vacances # 5 - Les liens du sang de Thomas H. Cook


    C’est le quatrième roman de Thomas H. Cook que je lis cet été et après l’avoir refermé je me suis dis que oui, vraiment, cet auteur non seulement a un solide sens de l’intrigue policière, mais qu’en plus il a la construction narrative dans le sang.

Car dans chacun de ses livres, il joue sur une construction du récit, souvent alternée mais à chaque fois différente, qui nous tient en haleine. Ici, le roman se tisse sur deux temps narratifs qui se croisent et nous mènent, nous le sentons dès le début, à une tragédie finale. Le premier est celui d’un homme qui s’adresse à lui-même dans un monologue qui nous retrace son entrevue avec un policier. Viennent s’intercaler avec ces morceaux d’entrevues 24 chapitres qui pourraient se calquer sur les 24 heures d’une garde à vue. Dans ces 24h, le récit d’une vie et des raisons qui ont mené à la situation finale que je vais bien me garder de vous dévoiler.

Cet homme qui déroule sa vie s’appelle David Sears. Avocat sans ambition dans une petite ville, il est marié et père d’une adolescente, Patty. Sa vie tranquille repose sur des fondations instables car il a été élevé, avec sa sœur Diana, par un père schizophrène et paranoïaque, ce qui, forcément, n’aide pas à acquérir une vision du monde sereine…

Diana, elle, a épousé Mark, un brillant généticien auquel elle a donné un fils, Jason. Ce dernier, handicapé, se noie dans d’étranges conditions. Cette noyade dite accidentelle va faire basculer la vie de l’ensemble de la famille.

Si je n’ai pas aimé ce roman autant que Le lieu dit Noir-Etang ou Les leçons du Mal, j’ai plongé encore une fois dans le monde romanesque de Thomas H. Cook avec grand plaisir. J’ai déjà évoqué la construction narrative, qui, une fois de plus, m’a séduite, mais je peux ajouter ici deux éléments. Tout d’abord, on retrouve une fois de plus l’importance du passé qui porte sur le présent (l’auteur est un ancien professeur d’Histoire…). Le livre pose la question de la « tare » génétique, question renforcée par la profession du beau-frère de David, généticien. Le poids de l’histoire familiale est ici maximum. Ensuite, j’ai aimé le rôle donné ici aux livres qui, pour une fois, ont le mauvais rôle. En effet, le « Vieux », fou à lier, élève ses enfants au milieu des livres. Il les oblige à apprendre des passages entiers. Ils connaissent des citations par cœur, si bien que chaque situation fait ressurgir des phrases des limbes de leur mémoire. Or, ce poids du texte s’avère plus aliénant que libérateur, comme si les mots du père avaient enchaîné les enfants à un texte dont ils ne peuvent plus s’échapper. Une belle méditation sur l’usage du savoir et, une fois de plus, un ouvrage de cet auteur à découvrir…


mercredi 25 septembre 2013

Lectures de vacances # 4 - L’écume des jours de Boris Vian


L’avantage des vacances, c’est que cela permet de se lancer enfin dans des lectures que l’on envisageait depuis des lustres sans vraiment trop y croire… Lire enfin L’écume des jours était dans mes projets : voilà qui est fait, bien fait, et voilà qui devra être fait encore car j’ai adoré le côté fantasque de ce roman.
Voilà une histoire complètement foutraque : Chloé et Colin s’aiment d’amour. Ils ont horreur de travailler et préfèrent boire le breuvage d’un pianocktail qui a tout pour pimenter les soirées (garanti mieux que la TV). Malheureusement, alors qu’ils viennent de se marier, Chloé est atteinte par un mal étrange : un nénuphar lui pousse à la place du cœur et va bientôt l’étouffer.
Sur le canevas de ce drame étrange, Boris Vian brode une variation jazzy et déjantée. Il joue avec les mots en inventant des mots-valises ou en jouant sur le sens propre et le sens figuré. Ainsi, lors d’une rencontre entre les deux tourtereaux, ‘être sur son petit nuage’ s’incarne dans un nuage qui, véritablement, va les promener dans la ville.
J’ai aimé ce jeu permanent qui rappelle furieusement les inventions loufoques des surréalistes. Cela se termine mal parce que les belles histoires trop originales peuvent rarement durer longtemps tout en gardant leur primitive fraîcheur. C’est pour cela que ce roman garde sa force, par refus des concessions. L’image de l’île-cimetière finale reste dans ma mémoire, avec sa planche branlante et son eau saumâtre. Qu’en a fait le film sorti cette année ? Je préfère ne pas le savoir…
Je connaissais Vian par le biais de sa poésie et de son théâtre, ainsi que ses écrits signés Veron Sullivan. Je vais m’empresser de découvrir le romancier qui mérite aussi le détour !

« A chaque note, dit Colin, je fais correspondre un alcool, une liqueur ou un aromate. La pédale forte correspond à l’œuf battu et la pédale faible à la glace. Pour l’eau de Seltz il faut un trille dans le registre aigu. Les quantités sont en raison directe de la durée : à la quadruple croche équivaut le seizième d’unité, à la noire l’unité, à la ronde la quadruple unité. Lorsque l’on joue un air lent, un système de registre est mis en action de façon que la dose ne soit pas augmentée, ce qui donnerait un cocktail trop abondant, mais la teneur en alcool. (…)
Je vais m’en faire un sur Loveless Love, dit Chick. Ça va être terrible."

samedi 21 septembre 2013

Rentrée littéraire 2013 # 3 - Le don du passeur de Belinda Cannone


Vous vous souvenez peut-être de mon enthousiasme pour le journal "extime" publié par Belinda Cannone l'an dernier, La Chair du temps. Elle y suivait au jour le jour les effets produits sur elle par un drame personnel : le vol de deux malles dans lesquelles elle conservait tous ses écrits, lettres et photographies. Depuis cette lecture, j'ai découvert quelques romans de cette universitaire professeur de lettres à Caen, ainsi que ses essais (billet sur L'écriture du désir ICI). J'attendais bien sûr avec impatience son prochain ouvrage, tout en me demandant s'il serait encore marqué par le fameux vol. Ravie de découvrir, dans l'avalanche des 550 ouvrages de la rentrée, un nouveau récit de l'écrivaine, je n'ai pas été totalement surprise en découvrant un récit autobiographique, bel hommage à son père aujourd'hui disparu.

Le désir de ce livre est né en 2009, trois ans après la mort du père. Un petit essai Le Baiser peut-être, est venu retarder le moment de l'écriture avant que l'événement déjà évoqué ci-dessus, survenu le 7 mars 2011, vienne interrompre la rédaction du livre. Après avoir rédigé La Chair du temps, 15 mois se sont écoulés avant que Belinda Cannone reprenne l'idée de ce livre. Énième hommage vibrant au père me direz-vous... mais un peu plus pour moi, pour deux raisons.

Un père original qui tenait des carnets

"Incorrigible bavard", le père de Belinda Cannone déversait un tel flot de paroles quotidien qu'elle eut, enfant, des hallucinations hypnagogiques liées à ce déferlement verbal. C'était également un homme assez étrange qu'elle compare à L'Idiot de Dostoïevski. Quitté rapidement par sa femme (cette rupture sera le drame de sa vie), il aura peu d'amis. Son métier ne l'intéressait pas, pas plus que le fait de gagner de l'argent. Affublé d'une compassion extrême, il était prêt à tout pour éviter de blesser quelqu'un. L'ensemble de ses traits de caractère font dire à sa fille aînée qu'il eut une vie ratée mais qu'il était original (elle s'interroge même sur une éventuelle "folie"). Mais, surtout, il lui a transmis, comme un "passeur", le goût de penser par elle-même. Il faut avouer que c'est déjà un magnifique cadeau éducatif...

Assister à la composition d'un récit autobiographique

Si je n'ai pas particulièrement goûté le personnage du père ici décrit, j'ai aimé la démarche de l'écrivaine qui, comme dans son "journal extime", analyse le cheminement autobiographique tout en rédigeant son texte. Plus qu'un simple hommage au père, on assiste donc ici à la construction du récit qui semble se faire sous nos yeux : "Je crois que je vais souvent écrire "peut-être", et aussi mêler le Je et le Nous (les quatre enfants). Dans une fratrie, aucun n'a exactement le même père, mais mes frères et ma sœur reconnaîtront le nôtre. Il sont heureux que j'écrive ce livre (...)". 
En treize chapitres, elle compose donc un portrait tout en essayant de reconstituer ce qui lui fut transmis, sans vraiment savoir si elle arrive à ses fins. C'est que j'ai aimé, je crois, cette manière d'avancer sur le fil, sans certitudes, loin de tout effet de posture. J'irai donc acheter également le petit essai qui vient de paraître chez Folio, Petit éloge du désir.


Extrait

"Mon père ne souhaitait pas que je devienne écrivain. Une fois, alors que je publiais (sans succès) depuis une douzaine d'années, il m'a demandé pourquoi je n'attendais pas la retraite pour écrire et ne me faisais pas plutôt femme d'affaires (j'étais universitaire)... Je me souviens que ma soeur, ou ma mère, je ne sais plus, avait bondi en entendant l'anecdote : c'était tellement lui, ça ! Tellement lui : il pouvait parfois dire n'importe quoi, ce qui lui traversait l'esprit, lancer des idées comme un enfant des gestes désordonnées. Il était pourtant fier de moi (...). "

Interview très éclairante de l'auteur ICI
Article publié dans La Vie



mercredi 11 septembre 2013

Lecture de vacances # 3 - Prélude à l’aventure de Henri Vincenot


   Qui n’a pas rêvé un jour de partir vivre à la campagne, loin de la ville, du bruit et de la foule ? Henri Vincenot ne l’a pas seulement rêvé, il l’a fait, et pas à moitié… il est parti s’installer au fond d’une combe bourguignonne, dans une ferme sans aucun confort où la vie s’annonçait spartiate.
La franche urbaine que je suis a tout de suite été intriguée par cette aventure peu commune. Tout d’abord, elle se déroule en Bourgogne, région que j’affectionne. Mais surtout, il ne s’agissait pas ici de partir dans un pavillon situé dans un improbable lotissement loin de la ville, non. Vincenot est parti avec femme et enfants dans un lieu vraiment loin de tout, où il n’y avait pas de chauffage (et lorsque l’on connaît l’hiver bourguignon, on frissonne….) et où tout était à faire, y compris aller chercher l’eau au puits.
Non seulement on suit avec fébrilité les épisodes de l’aventure en question, mais on se délecte d’une écriture parfois poétique, toujours en phase avec le milieu décrit, et emprunte d’une douce philosophie de vie. Ecoutez :
« La vie des villes, si variée et si mouvementée, prend très vite une allure de routine. Une rencontre, répétée chaque jour, suffit à me la faire prendre en grippe. Ici, au contraire, le même spectacle, la même butte de terre, le même arbre mort que l’on retrouve, immobiles à la même place chaque matin, se parent à chaque fois d’un charme différent. »

Tableau de Henri Vincenot
 J’ai été séduite non seulement par la démarche, franche et joyeuse de l’auteur, mais aussi par sa sensibilité à l’environnement, qui n’est pas seulement celle d’un écolo qui prône le retour à la nature tout en vivant entouré de tout le confort de vie moderne. Henri Vincenot ne moralise pas, il vit et il profite de cette nature qui l’entoure car je crois que, profondément, il l’aime. Il suffit de partir avec lui dans ces grands espaces qu’offre la terre bourguignonne, de suivre les traces des animaux ou d’écouter la neige tomber afin de saisir « la minute rare qui, comme une perle, gît dans la coquille chaque journée. »
Après avoir refermé ce livre, je n’ai qu’une envie, savoir ce qui est advenu de « La Pourrie », nom du domaine acheté et défriché par l’auteur et sa famille. Ses trois enfants ont-ils gardé la demeure ? Est-ce que quelqu’un a continué ce rêve à la fois doux et rugueux ?
Sa fille Claudine, elle, s’occupe de l’œuvre de son père. Elle a préfacé ce récit proposé avec de très beaux dessins de son père. 

Extrait :
« J’élèverai mes enfants comme je pourrai. C’est le plus sage des partis.
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La lecture.
A seize ans, ils liront tous les produits de la littérature moderne. Non pas que je les aie encouragés dans ce sens, mais parce que je sais que, pratiquement, quoi qu’il arrive, ils agiront ainsi.
Aussi bien, de quoi ont servi, pour moi, les interdictions ?
En quelques jours de pluie, dans le grenier, on se prépare mieux pour la vie que dans dix mois de l’année scolaire sur les bancs de l’école. (Je ne suis pas forcément d’accord. Car 1. Encore faut-il avoir un grenier et pas une cave de cité et 2. Tout le monde n’a pas des parents ayant des livres, même relégués dans un coin… Mais j’apprécie quand même la démarche. Vous avez le droit de me trouver contradictoire…)
Au grenier je reléguerai les livres et je ne les défendrai pas à mes enfants. Je les écarterai simplement, jusqu’à ce que le temps, le hasard et la curiosité les leur fasse découvrir. » 
Un très beau récit donc, à lire, à relire, à méditer, et à emporter dans mon sac lors de ma prochaine visite en terre bourguignonne !