mercredi 29 février 2012

La chair du temps de Belinda Cannone

Nous sommes sans doute nombreux(ses), parmi les blogueurs(ses), à posséder des carnets avec des listes de livres, des cahiers de lecture, des lettres précieuses, voire des journaux intimes, sans parler de textes commencés, peut-être même pour certain(e)s, des manuscrits. Que ressentiriez-vous si l'ensemble de vos écrits disparaissait du jour au lendemain, avec toutes vos photographies ?
C'est ce qui est arrivé à l'écrivaine Belinda Cannone. Elle tenait, précieusement enfermés dans deux malles, l'ensemble de ses photos, cahiers d'écriture... jusqu'au jour où sa "maison des champs", en Normandie, près de la Hague, a été cambriolée. Les voleurs n'ont pas fait de dégâts dans la maison, non. Ils ont juste emporté le matériel électronique ainsi que toute la mémoire écrite de la romancière :
"TOUT : dans l'une (des malles) mes journaux depuis que j'ai dix ans, dans l'autre, mes photos et quarante année de correspondance (lettres de mon père, de ma grand-mère, de mes amoureux, de je ne sais plus qui, ça me reviendra au fur et à mesure, peut-être, peut-être)."

Belinda Cannone
A partir de cette perte, de cet envol de la mémoire, elle a tissé du texte. Comme on reprise un accroc afin d'éviter la béance, elle a reprisé la douleur liée à ce vol au fil des mots. Ainsi, le vendredi 11 mars 2011 commence son "journal extime". Car il ne s'agit pas de raconter sa vie dans un journal intime mais de suivre, au jour le jour, les suites de ce drame personnel. Au fil des jours, ce journal se transforme en réflexion sur le temps et la mémoire : "Comprendre en quoi nous sommes faits de la chair du temps, c'est-à-dire de mémoire." De ce dépouillement de la mémoire, Belinda Cannone a fait un matériau littéraire souple qu'elle va sculpter, transformer au gré de son état psychique.
J'ai trouvé cette lecture passionnante à plus d'un titre. Tout d'abord, du point de vue de l'analyse psychologique puisque l'écrivaine nous fait partager ses réactions face à un processus de deuil. Son approche liée à la pratique de la psychanalyse lui permet de garder une forme de distanciation dans l'écriture qui évite de sombrer dans des processus morbides qui viendraient envahir le texte. Ensuite, la forme du journal et l'attente liée à cette perte fait que le lecteur, comme l'écrivaine, est entièrement tendu vers le dénouement possible : le retour attendu des deux malles... Enfin, l'écrivaine a bien ici créé un produit littéraire à partir de cette perte, tissé du texte autour de l'absence, nous permettant d'assister à un processus de re-création.
A lire absolument, entre L'atelier noir d'Annie Ernaux et L'écriture du désir, de la même Belinda Cannone.

lundi 27 février 2012

C'est lundi, que lisons-nous ? (35)

Lu durant la semaine du 20 au 26 février 2012

- Le Haret québécois et autres histoires d'Anna Boulanger

- La chair du temps de Belinda Cannone


- Rats de David Fermer

- Le roi n'a pas sommeil de Cécile Coulon



Mes lectures en cours

L'écriture du désir de Bélinda Cannone

Ce que je vais lire cette semaine…

Des copies !...

Et vous, que lisez-vous ????

dimanche 26 février 2012

Les dimanches en photo (40) - Lumière d'hiver

Vue de la Saône à Mâcon, février 2012
Les oiseaux, eux, peuvent profiter de la glace !
Avez-vous vu cette superbe lumière hivernale ? Elle ferait presque déjà regretter la neige et les grands froids... Un paysage qui m'a donné envie de sortir un chevalet, des pinceaux et des tubes de peinture ! Très bon dimanche à vous.

Les dimanches en photos sont aussi chez : 

vendredi 24 février 2012

La Liseuse de Paul Fournel


Robert Fournel, un vieil éditeur, est devenu lecteur dans sa propre maison d'édition où il n'a plus vraiment toutes les rênes en ce qui concerne les décisions à prendre. C'est un homme désabusé mais qui continue à jouer le jeu. "Depuis des lunes, je ne lis plus, je relis. La même vieille bouillie dont on fait des "nouveautés", des saisons, des rentrées "littéraires", des succès, des bides, des bides. Du papier qu'on recycle, des camions qui partent le matin et qui rentrent le soir, bourrés de nouveautés hors d'âge."
Un jour, une jeune stagiaire lui offre un liseuse... "Elle est noire, elle est froide, elle est hostile, elle ne m'aime pas." Ce premier contact difficile n'empêche pas Robert de l'emporter avec lui le week-end, puisque c'est à ce moment qu'il lit les manuscrits, à heures fixes : la nuit pour les romans (dans les trous d'insomnie), au bistrot le matin pour les polars et au parc, sous le tilleul, pour la poésie. Adapté non ? Cette tablette va lui jouer bien des mauvais tours. Tout d'abord, elle lui tombe sur le nez durant la sieste (plus de 700g sur le nez, ça fait mal). Ensuite, elle semble cacher les poèmes et enfin, elle se met en rade lorsqu'elle n'a plus de batterie. Mais elle passe quand même le "test du square" et va donc être adoptée par notre éditeur....
C'est ça, l'intrigue, me direz-vous, avec un air légèrement dubitatif ? C'est ça et beaucoup plus car l'ensemble du livre offre un portrait réjouissant du monde de l'édition et des écrivains. On découvre par exemple le personnage de la "grande Geneviève", écrivaine capable de faire "l'éducation textuelle" d'un apprenti éditeur un peu trop près de ses cours de commerce international. Rien de tel que ses grandes jambes pour transformer un petit orgueilleux imbu de ses diplômes en un "véritable éditeur sensible". C'est qu'entre les parties de jambes en l'air, elle écrit, Geneviève, et elle parle de l'écriture à son futur éditeur chéri...
Devinez-vous que j'ai a-do-ré ce livre ? C'est un régal, du début à la fin. Non seulement c'est une invitation à la réflexion sur les nouveaux enjeux de l'édition mais en plus, il s'avère bourré d'humour et de jeux de mots... tout en s'affichant comme une construction savante au niveau de sa structure (mais je vais bien me garder de vous révéler laquelle, on l'apprend à la fin du livre...). Je l'ai littéralement dévoré, et sans bugnes cette fois-ci...

Paul Fournel
La liseuse risque de tomber en rade, Robert cherche du courant...
"- Soyez gentil, je ne peux pas attendre pour savoir si Lisbeth Salander va s'en sortir. Il sont affreux avec elle. Ils veulent la détruire et le journaliste ne parvient pas à entrer en contact... Elle a déjà dérouillé ferme et j'ai peur...
(...)
- Cette prestation n'est pas encore inscrite sur la carte. Rentrez vous brancher à la maison, c'est plus sûr. Vous pouvez aussi acheter le bouquin en poche pour savoir la fin. Si ça se trouve, je l'ai ici, sous le comptoir. Les clients les oublient. Tenez. C'est pas celui-là ? Il est un rien cabossé, mais toute l'histoire doit être encore dedans."

jeudi 23 février 2012

Les restaurants du coeur

Je n'ai pas pour habitude de faire de la publicité pour certaines grandes enseignes sur ce blog mais pour les Restaurants du coeur... je fais un effort ! D'autant que je sais que les demandes explosent... au fur et à mesure que la misère sociale se développe... (pas besoin de vous faire un dessin pour vous expliquer pourquoi...).

L’opération de mobilisation a lieu entre le 20 février et le 26 mars 2012. Les seuils sont les suivants :
Distribution d’un repas pour un partage de l’infographie Facebook pour les 5000 premiers « partage ».
Distribution d’un repas pour un hastag #restos2012 dans la limite des 1000 premiers tweets.
Distribution de 10 repas pour un billet de blog dans la limite des 2000 premiers billets.
Distribution de 15 repas pour un billet de blog sélectionné sur le site www.ensemble-pour-les-restos.fr dans la limite de 10 billets sélectionnés.
Distribution de 15 repas pour un dessin de blog dans la limite de 150 dessins.


Ils ont besoin de nous. Merci de diffuser l'information sur vos blogs.
 
 

mercredi 22 février 2012

Le cadeau de César de Goscinny et Uderzo


Ah ! grâce soit rendue aux vacances ! j'ai pu réviser mes classiques... Ce volume des aventures d'Astérix le Gaulois n'a pas pris une ride. De plus, non seulement il est drôle, mais en plus il est d'actualité car il est question de grèves, d'augmentation de salaires et de conditions de travail dans ce volume (ah bon, c'est pas d'actualité ça ?...).
Tout commence dans un cabaret situé dans un quartier mal famé de Rome. Roméomontaigus et Claudius Bouilleurdecrus fêtent la fin de leurs 20 années de service militaire. Jules César doit leur donner le lendemain leur Honesta missio (congé), avec une terre en prime. Le jour J arrivé, l'imperator va offrir à Roméomontaigus un cadeau empoisonné. Comme celui-ci est un ivrogne patenté et qu'en plus, il s'est permis lors de sa dernière beuverie, de l'insulter, il lui offre comme terre un petit village situé au nord de la Gaule... vous savez, ce drôle de village peuplé d'irréductibles Gaulois mangeurs de sangliers... L'ancien légionnaire voyage donc en direction de ses terres, mais, assoiffé en chemin, il vend "pour une bouchée de pain et quelques rasades de vin" son village à un aubergiste qui n'en demandait pas tant. Ce dernier s'empresse de vendre son auberge et part : en route pour l'Armorique ! 
Voilà le genre de lecture qui ramène aux saveurs de l'enfance, comme les bugnes bien moelleuses, saupoudrées de sucre glace, dégustées le jour de ma lecture... Ma scène préférée de ce volume : Obélix tout penaud qui tente maladroitement de faire sa cour à la belle Coriza durant une partie de "cueillette" de sangliers :-))

mardi 21 février 2012

Les nouveaux chiens de garde de Gilles Balbastre et Yannick Kergoat


Enfin je suis allée voir ce documentaire ! Et je n'ai pas été déçue... Pour ceux et celles qui n'en ont pas entendu parler, il s'agit d'une dénonciation en règle des relations plus que douteuses entre les médias, les grands groupes financiers et/ou industriels et le monde de la politique. A l'heure où les médias s'affichent plus que jamais comme un "contre-pouvoir", garant de la liberté d'expression... il s'avère que les choses sont peut-être plus complexes (ou dramatiquement plus simples) qu'elles en ont l'air. Le documentaire s'attache à montrer combien les relations entre les trois groupes sont de plus en plus ambiguës, et parfois même tout simplement à la limite de l'illégalité. Je vous donne trois exemples développés dans le film et révélateur de l'aspect délétère de ces relations.
1. De nombreux journalistes (un sur deux semble-t-il (sic !)) arrondissent grassement leurs fins de moi en pratiquant des "ménages". Un "ménage", pour un journaliste, consiste, en dehors de son travail habituel, à prêter son nom, son image, et éventuellement ses compétences... à une entreprise, et à intervenir lors d'une conférence ou un colloque... au nom de l'entreprise. Là où le bât blesse, c'est qu'il y a souvent conflit d'intérêts. Je m'explique : comment Isabelle Giordano, journaliste à France Inter, censée défendre les consommateurs, peut-elle participer à ce genre de sport et ensuite être objective dans son travail de dénonciation des abus commerciaux concernant des produits fabriqués par cette même entreprise ou l'une de ses filiales ? Il est vrai que lorsque l'on connaît les "commissions" qui peuvent monter jusqu'à 18 000 euros, on imagine combien penser à l'éthique professionnelle doit être difficile pour certain(e)s...

Je vous laisse associer un nom à ce pauvre chien et imaginer à qui il rapporte son bâton...
2. Vous savez combien la télévision nous abreuve d'assertions assénées par des "experts". Et bien, ces experts se limitent en fait à environ 30 personnes, toujours les mêmes, qui depuis des années martèlent les mêmes idées qui finissent par ressembler à des évidences. L'un d'entre eux dont j'ai heureusement oublié le nom (mais pas le visage), qui gagne ses 152 000 euros/an (M. Godet me rappelle ma fille...), nous martèle à longueur d'année que le SMIC, vraiment, pourrait bien être abaissé par exemple. Ben voyons ! Il pourrait peut-être montrer l'exemple avant non ?
3. Enfin, peut-être avez-vous déjà lu l'excellent livre de Christian Salmon, Verbicide, Du bon usage des cerveaux humains disponibles (2007) ? Le livre n'est pas cité dans ce documentaire mais pourtant, les théories développées dans le livre en question sont reprises ici, en ce qui concerne par exemple l'appauvrissement du vocabulaire utilisé dans le débat politique. Ainsi, une censure qui ne dit pas son nom se tapit tranquillement derrière les écrans : on utilise pas certains mots, et à l'inverse, on nous assène en permanence les mêmes, qui bien sûr, vont dans le même sens. Je vous donne un exemple ? Au hasard : réforme ! Pourquoi on réforme, comment on réforme, peu importe mais IL FAUT REFORMER.
Alors bien sûr, le documentaire évoque aussi le rachat d'une grande partie des médias par les grands groupes financiers et le passage quotidien par exemple du patron Lagardère au journal du matin pour "bavarder"...
J'ai particulièrement goûté le passage où enfin, au lieu de nous montrer une fois de plus l'Angleterre comme LE modèle à suivre absolument, on donne la parole à un vrai spécialiste des questions de santé dans le pays. Celui-ci dénonce le fait qu'en Angleterre, un ouvrier d'Edimbourg vit en moyenne 54 ans. Oui, vous avez bien entendu, 54 ans, soit 8 ans de moins que l'espérance de vie d'un habitant de l'Inde, pays dit "émergent"... Alors, doit-on prendre modèle sur le système de santé à l'anglaise ?...
Au moment où le grand cinéma de la campagne présidentielle débute, je vous invite vraiment à voir ce documentaire : c'est du bon travail ! Vous pouvez aussi aller visiter le site du film, ICI
Si on peut sans doute débattre quand même à propos de ce film, il a le mérite de vouloir placer au centre du débat public le rôle des médias comme outil de formatage de l'opinion... ce qui est loin d'être inutile !

Pour ceux qui veulent en savoir tout de suite un peu plus, vous pouvez toujours regarder l'extrait suivant. Vous y verrez non seulement la bande annonce du documentaire, mais aussi une interview de Y. Kergoat qui rappelle que son film doit beaucoup à Serge Halimi et à Bourdieu, entre autres. Il y a aussi un extrait du passage sur les "experts" omniprésents sur vos écrans.


Vous pouvez aller lire aussi l'article des Inroks ou les avis de Cachou et de Dasola.

lundi 20 février 2012

C'est lundi, que lisons-nous ? (34)


Lu durant la semaine très hivernale du 13 au 19 janvier

Ce rendez-vous du lundi va être un peu différent. Tout d'abord, il s'agissait d'une semaine de vacances, ce qui doit être souligné, surtout à une époque où l'on parle de nous supprimer même les congés payés... Ensuite, ce fut une semaine marquée par un froid comme je n'en avais pas connu depuis bien longtemps ! Lorsque l'on a des températures entre -12 et -7 (jusqu'à -17 dans les zones où la bise soufflait...), cela pousse plutôt à la lecture, surtout lorsque l'on contemple ça :


Alors, bien au chaud, j'ai commencé pour me mettre en forme par La Liseuse de Paul Fournel (merci encore à Aifelle qui m'a donné envie de l'acheter grâce à son billet).


Histoire de ne pas oublier complètement le froid qui sévissait dehors, je lisais en même temps Cyanure de Camilla Läckberg (très bien, je vous en parle dans la semaine). Mais aussi, afin de ne pas délaisser le genre poétique, et parce que j'étais plus disponible, j'ai pu enfin lire Comme on respire de Jeanne Benameur, un tout petit opus dont il faudra que je vous dise du bien...



Alors que les températures montaient et que la neige commençait à tomber, j'ai trouvé dans la maison à la cheminée des Astérix et Obélix... Elle est pas belle la vie ? Aussitôt trouvés, aussitôt lus bien sûr...


En Bourgogne, difficile d'oublier Colette, et encore plus difficile d'oublier toutes les gourmandises qui s'offrent à nous... Alors j'ai enfin ouvert ce livre, qui sommeillait depuis un certain temps en haut de ma PAL :


Mais ne croyez pas que je ne suis pas sortie, même si dehors, mardi dernier, on trouvait ça :


J'ai effectué un petit parcours lamartinien dont je vais vous parler bientôt... et pour me détendre, en fin de semaine, j'ai lu le premier tome de la trilogie Autre monde de Maxime Chattam. Je suis tombée par hasard sur le premier volume d'occasion... et l'occasion fit le larron...


Et pour finir, alors que mes réserves de livres s'épuisaient dangereusement... (et oui, je n'ai pas encore de liseuse avec l'intégrale d'Alexandre Dumas...), j'ai trouvé dans la bibliothèque de la maison un polar à frémir sous la couette ! 

Autant dire que j'ai bien des choses à vous dire concernant cette semaine, hivernale peut-être, mais livresque encore plus sûrement...

Mes lectures en cours

Claudine à l'école de Colette

Ce que je vais lire cette semaine…

A voir...

Et vous, que lisez-vous ????


lundi 13 février 2012

C'est lundi, que lisons-nous (33)

Lu durant la semaine du 13 au 19 février
Ou quand Margotte se met à la littérature jeunesse... et trouve que l'hiver a du bon !

- 22 ! de Marie-Aude Murail. Une excellente surprise !


- Les enfants rats de Françoise Jay. Et encore une excellente surprise !


Mes lectures en cours
Un polar nordique (le climat ici s'y prête : - 12 ce matin...).


Ce que je vais lire cette semaine…
Sans doute La liseuse de P. Fournel et bien d'autres choses :-))
Et vous, que lisez-vous ????

vendredi 10 février 2012

Départ !

Château de Lamartine (photo de P. Mignot)


Je pars aujourd'hui en direction de la Bourgogne... non loin du "château des Illustres" (photo ci-dessus). Je suis à peu près aussi excitée d'une gamine de 4 ans à l'idée de monter enfin dans la voiture : il semblerait que j'ai un peu besoin de vacances loin de mon bureau et de mes piles qui ne cessent de grossir (Adrienne, je pense à toi...) ;-) J'ai emporté avec moi de nombreux livres (trop, mais cela va me permettre de choisir une fois sur place). Je vais disposer d'un ordinateur durant les premiers jours, je vais donc pouvoir assouvir mon addiction au blog... et vous proposer, si vous êtes très très sages, quelques photographies (j'espère bien voir les vignes sous la neige !). Je vous souhaite à tous et toutes une excellente fin de semaine et un bon we !

Tableau de Michel Florent Pagès

mercredi 8 février 2012

L'écriture comme un couteau d'Annie Ernaux


Comme le précise le sous-titre de cette première de couverture, ce livre nous propose un entretien entre Frédéric-Yves Jeannet et Annie Ernaux. L'édition originale a été publiée en 2003, mais cette nouvelle édition ajoute une postface rédigée par l'écrivaine. Cette dernière et J. Y. Jeannet ont entretenu une correspondance de six ans. Puis, pendant un an, ils se sont envoyés des courriels sur l'entreprise d'écriture commencée il y a maintenant 30 ans. "Ce qui assemble les phrases de mes livres, en choisit les mots, c'est mon désir, et je ne peux l'apprendre aux autres puisqu'il m'échappe à moi-même.".
Le premier chapitre, "En partance", pose l'objectif de la démarche : entreprendre une "exploration des modalités et des circonstances de l'écriture." Annie Ernaux évoque ensuite, dans les deux chapitres suivants, ce qui va la conduire à une écriture de plus en plus éloignée de la fiction. Je passage au "Je" accompagne la transition vers une écriture qu'elle qualifie de "clinique", que d'autres nomment "blanche", ou "plate". Seule cette écriture peut retranscrire la douleur de la déchirure sociale née du changement de classe sociale pour cette femme ayant évolué jusqu'à 18 ans dans le milieu des paysans et des ouvrirers, avant de trahir et de passer dans le monde des enseignants. La violence de cette immigration forcée prend sa forme dans le dépouillement des phrases qui refusent toute métaphore et se calquent sur la violence d'un monde "dur", celui des catégories dites populaires.
J'ai lu ce livre avec un intérêt continu. Intérêt pour la démarche, beaucoup plus politique qu'elle n'en a l'air, et bien sûr intérêt pour l'analyse de la naissance de l'écriture. Annie Ernaux évoque ici les livres fondateurs pour elle : la découverte du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir à 18 ans, mais aussi Une vie de Maupassant, Les Vagues de Virginia Woolf, Proust et les Confessions de Rousseau. Comme j'adore lire sur les "bibliothèques intérieures", cela ne pouvait que me plaire !...
"Je me souviens de cette expérience de lecture, dans un mois d'avril pluvieux, comme d'une révélation. Tout ce que j'avais vécu les précédentes années dans l'opacité, la souffrance, le mal-être, s'éclaircissait brusquement. De là me vient, je crois, la certitude que la prise de conscience, si elle ne résout rien en elle-même, est le premier pas de la libération, de l'action. (L'une des phrases de Proust qui me vient souvent, c'est "là où la vie emmure, l'intelligence perce une issue.").

Cette réédition fait suite à la belle édition de l'anthologie Ecrire la vie chez Quarto, associée à celle de l'Atelier noir dont j'ai déjà parlé ici.

mardi 7 février 2012

Pendu fuit

Vous regrettez des livres perdus ? Vous l'avez souvent juré : "Jamais, plus jamais je ne prêterai un livre auquel je tiens". Vous maudissez celui ou celle qui a perdu (ou gardé...) un livre que vous adoriez... Et bien... le problème ne date pas d'hier, la preuve par le dessin :


Dessin qui s'accompagne du texte suivant :
"Videsne Pierrot pendu
Qui hunc librum n’a pas rendu ?
Si Pierrot reddidisset
Pendu non fuisset !
Sed quia non reddidit
Pendu fuit…"

J'ai trouvé cela sur le passionnant blog "A la toison d'or", c'est ICI.

lundi 6 février 2012

C'est lundi, que lisons-nous (32)

Lu durant la semaine du 30 janvier au 5 février

- Alfred de Musset, Les fantaisies d'un enfant du siècle de Sylvain Léda


- Alfred de Musset, Il ne faut jurer de rien 

- Alfred de Musset, On ne badine pas avec l'amour


- Théophile Gautier, Le roman de la momie (commencé il y a déjà quelques semaines et enfin terminé, entre deux proverbes de Musset...).

Mes lectures en cours

Et bien... rien ! Incroyable non ? Me voilà fort dépourvue alors que le froid jusqu'à moi est venu...

Ce que je vais lire cette semaine…

Aucune idée. J'ai bien la Confession d'un enfant du siècle qui m'attend mais je n'ai pas trop envie de le commencer maintenant. A suivre...

Et vous, que lisez-vous ????

dimanche 5 février 2012

Les dimanches en photo (37) - Jour de neige ou spirite

Enfin, je reviens vous proposer un dimanche en photo... La journée s'y prête puisque la neige est tombée durant la nuit et qu'en Bretagne, il s'agit d'un phénomène suffisamment rare pour être souligné, commenté, discuté... ;-)

Au réveil, j'aime (surtout lorsque je ne travaille pas...)
Pas besoin de rouler en vélo : ouf !
C'est pas beau la neige, la nuit ?

Qui a dit que les fantômes, cela n'existe pas ? Cette photographie est garantie 100% sans trucage... Alors, c'est pas beau la neige, la nuit ? Bon dimanche à tous, avec ou sans neige !

Les dimanches en photos sont aussi chez : 

samedi 4 février 2012

Philipok de Léon Tolstoï, illustré par Gennady Spirin




Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un album... J'ai immédiatement été attirée par celui-ci, à cause de l'association du nom de Tolstoï à l'illustration toute hivernale de la première de couverture. Le côté un peu désuet du dessin, mais aussi son aspect "tableau", invitent à la lecture.
Mais qui donc est Philipok ? Un petit garçon russe, encore trop jeune pour aller à l'école. Alors que son grand frère Pierre part tous les matins apprendre des choses nouvelles, lui doit rester avec sa grand-mère qui tricote au coin du feu. Mais un jour, alors que la mère grand s'est endormie, l'enfant se coiffe de sa chapka et se dirige vers l'école, à l'autre bout du village. La neige tombe à gros flocons et sur le chemin, il est vite suivi par les chiens des voisins...
Si vous voulez savoir comment se termine l'expédition du petit garçon, il vous faudra lire cet album publié par les éditions Les petits Gautier (format poche à petit prix...). J'ai pris grand plaisir à découvrir cette petite histoire pour enfants de Tolstoï, traduite dans un style proche du texte russe original nous dit l'éditeur. Mais surtout, j'ai pris grand plaisir à regarder tomber les flocons des illustrations hivernales de Gennady Spirin. Cet illustrateur est né près de Moscou et cette histoire était l'une de ses préférées lorsqu'il était enfant... cela se sent dans ces dessins si doux, qui collent merveilleusement bien au texte !

Cette lecture prend tout naturellement sa place dans le challenge des quatre saisons organisé par Nadaël, dans la catégorie de l'hiver ;-)


mercredi 1 février 2012

Polina de Bastien Vivès

http://www.bedetheque.com/media/Couvertures/Couv_124018.jpg
Attention ! Ne vous fiez pas à ce simple dessin en noir en blanc qui illustre la première de couverture ! Cette bande dessinée est une perle... Et encore une fois, c'est grâce à une bibliothèque que j'ai fait cette découverte. On ne dira jamais assez combien les bibliothèques sont des lieux magiques...
Comme le montre bien cette image sur la couverture, il s'agit d'une histoire de danseuse. Le récit s'ouvre alors que la petite Polina Oulinov va passer une audition. Elle est tétanisée de peur devant le professeur Bojinski, un grand monsieur barbu qui doit devenir son professeur de danse si elle est retenue après cette sélection. La bande dessinée déroule ensuite son histoire jusqu'à l'âge adulte. Tout en suivant les mésaventures de Polina qui devient une femme, on entre dans le milieu de la danse. Les entraînements, la douleur, les moments de grâce aussi, c'est tout l'univers de cet art exigeant qui s'offre à nos yeux.
Cette lecture fut vraiment une agréable surprise. En effet, un simple dessin en noir et blanc peut-il retranscrire la beauté de la danse ? Ce livre prouve que c'est possible. Ce dessin très simple, épuré, parfois même tracé sans aucun détail permet de se centrer sur l'essentiel. L'oeil se concentre sur certains détails, souvent une attitude, ou un simple geste. On suit les courbes et les mouvements, comme on regarde une danseuse... Le blanc, le noir et les gris suffisent à créer une atmosphère dans laquelle on entre avec délice. 

Non seulement les deux cents pages se lisent avec avidité mais en plus, Bastien Vivès nous propose une vraie réflexion sur l'art en général. Que doit-on lui sacrifier ? Quels choix à faire ? Quelle place occupent les maîtres dans la transmission de savoirs liés à une discipline artistique ? Et toutes ces questions se posent avec grâce et légèreté, dans un livre composé tout en finesse. Un travail délicat pour un très très bon moment de lecture !



Vous pouvez aussi entendre Bastien Vivès à la fin de cet article du Point.