La Boétie fait partie de ces
auteurs dont on connaît le nom mais que peu (voire très peu) ont lu. Tout cela
sent le Lagarde et Michard (du XVIe siècle) oublié dans un fond de
placard… Il s’avère pourtant intéressant de dépoussiérer un peu cet ouvrage qui
relève plus des sciences politiques que de la littérature. Il s’agit d’une
lecture exigeante qui ne peut trouver son sens qu’au travers de la découverte
du contexte politique de l’époque. En effet, l’écrivain est contemporain des
guerres de religion et du règne de Catherine de Médecis et de ses enfants.
Alors, si j’ai aimé me plonger dans la Reine Margot dont les événements se
déroulent 9 ans après la mort de La Boétie, j’ai trouvé tout à fait passionnant
de me replonger dans l’histoire du siècle
de la naissance des États modernes.
Mais qui est donc La
Boétie ?
Né le mardi 1er novembre 1530 à Sarlat, ville de
Dordogne proche de Périgueux, il venait d’un milieu aisé. Son père, mort jeune,
était lieutenant du Sénéchal du Périgord. Élève à l’intelligence exceptionnelle
et contemporain du mouvement de la Renaissance, Étienne fut nourri aux auteurs
de l’Antiquité. Formé à l’université d’Orléans (à l’époque la deuxième de
France), il obtint le grade de licencié en 1553 puis acheta une charge de
Conseiller au Parlement de Bordeaux où il prit ses fonctions en 1554. C’est là
qu’il fit la connaissance de Montaigne. Les très belles pages consacrées à
l’amitié dans les Essais naîtront de
cette rencontre. La première ébauche du texte fut sans doute écrite lorsqu’il
avait entre seize et dix-huit ans, puis remaniée ensuite. L’histoire de
l’édition de l’ouvrage est complexe. Rédigé « à l’honneur de la liberté
contre les tyrans » (Montaigne), il resta du vivant de son auteur à l’état
de manuscrit avant de connaître de bien nombreuses aventures et de devenir un
manifeste anti-monarchique prompt à renaître dans les périodes troubles de
l’histoire de France.
Le texte en lui-même est très court,
une quarantaine de pages et s’ouvre sur une citation d’Homère :
D’avoir plusieurs seigneurs aucun bien je n’y voi :
Qu’un, sans plus, soit le maître et qu’un seul soit le roi. (…)
Ainsi se trouve posé le constat
du malheur lié à la situation de l’homme asservi à un(des) autre(s) homme(s). La Boétie
s’interroge alors sur ce qui pourrait expliquer cet état de fait et brosse un
tableau de la nature humaine qui, par habitude, préfère rester sous le joug
plutôt que d’être obligé de changer. Mieux vaut souffrir que prendre le risque
de contredire.
Après s’être interrogé sur la
nature humaine, La Boétie se questionne sur les causes de la servitude volontaire
et son raisonnement va l’amener à traiter de la liberté.
Tout le mérite de ce texte, en
dehors des questionnements individuels qu’il peut engendrer, est lié à la
réflexion sur la chose publique. En effet, l’auteur renvoie les gouvernants,
quels qu’ils soient, à leurs responsabilités. « Il affranchit le politique
du théologique » comme on devrait aujourd’hui l’affranchir de l’économique
afin de laisser la pensée et l’éthique reprendre la place qui devrait être la
leur.
Extrait
« Disons donc ainsi, qu’à l’homme toutes choses lui sont comme
naturelles, à quoi il se nourrit et accoutume ; mais cela seulement lui
est naïf, à quoi la nature simple et non altérée l’appelle : ainsi la
première raison de la servitude volontaire, c’est la coutume ; comme des
plus braves courtauds, qui au commencement mordent le frein et puis s’en
jouent, et là où naguère ruaient contre la selle, ils se parent maintenant dans
les harnais et tout fiers se gorgiassent [se rengorgent] sous la barde [pièce
de harnachement]. »
Catégorie essais |
Lecture commune avec Maggie, Claudia et Océane.