Quel essai stimulant ! Si vous aimez Virginia Woolf et si vous vous intéressez aux rapports de l'écrivain, du critique et du lecteur entre eux mais aussi, bien sûr, à la littérature, lisez ce livre. Il se compose de textes écrits entre 1916 et 1939. Au centre de ces articles, pour la plupart publiés dans des journaux, et pour certains dans des essais, l'écrivaine place au centre de sa réflexion le processus de création littéraire, ainsi que la place de la lecture, au centre. Elle analyse le rôle de ce qui deviendra "le public", dans un brillant article d'une étonnante modernité, "La chronique littéraire".
En plus de son activité d'écrivaine, Viriginia Woolf a aussi été critique et éditrice. Elle a rédigé pour le Times Literary Supplement et fondé, avec son mari Leonard Woolf, une maison d'édition, la Hogarth Press, qui publiera, entre autres, les premiers écrits traduits de Sigmund Freud. Ces différents textes se caractérisent donc par le goût lié à l'expérience. Que cela soit la description des "Heures en bibliothèque" en passant par "La lecture", le lecteur de ce livre ressent tout de suite cette émotion liée à une forme d'expérience commune dans le rapport au livre.
Virginia Woolf |
J'ai particulièrement apprécié l'article sur la "Relecture de romans" puisque je pratique moi-même de plus en plus cette activité... mais aussi celui sur les chroniques littéraires qui pose de très bonnes questions... y compris sur notre activité commune, chères lectrices et chers lecteurs, celle de la rédaction de "chroniques" ou de "billets" qui nourrissent nos blogs :
"Le Pilleur rédigera un court compte rendu du texte ; il en dégagera l'intrigue (s'il s'agit d'un roman), choisira quelques strophes (s'il s'agit d'un poème) ou citera quelques anecdotes (dans le cas d'une biographie). A cela, ce qu'il reste du chroniqueur - peut-être en viendra-t-il à répondre au nom de Dégustateur apposera un sceau : un astérisque signifiant l'approbation et une crois la désapprobation. Ce compte rendu - produit du système Pilleur-Estampilleur - remplacera l'actuel dissonant bavardage."
Virginia Woolf, très sensible aux critiques, oppose dans ce texte (tronqué dans cet extrait bien sûr... mais d'une justesse lucide) la critique, longue et réfléchie, aux multiples chroniques nées de la démocratisation du livre. Le chroniqueur produit en série, enchaîné qu'il est à la production des livres qui se fait de plus en plus pléthorique. Il n'a pas le temps de s'arrêter sur une oeuvre, il doit rédiger, encore et encore, pour suivre le rythme des publications et satisfaire un public avide de ses conseils prescripteurs (ou répulsifs...). Le critique, lui, s'imprègne d'une oeuvre et s'adresse plus à l'écrivain qu'au lectorat. Il donne des conseils d'écriture plus que de lecture. Je ne peux que vous inviter, alors que la grande foire de la rentrée littéraire s'annonce, à vous lancer dans la lecture de cet essai qui devrait être distribué en librairie pour tout achat d'une "nouveauté" de la fameuse rentrée...