L'histoire commence en 2002. L'héroïne, une femme de 40 ans, vient de se faire plaquer par son amant, Trévor. Effondrée, elle rompt les amarres. Refusant tout contact avec ses anciennes connaissances, elle vide son compte bancaire et prend un billet de train pour Venise. Elle y arrive par un petit matin d'hiver, un jour où la lagune montre des couleurs changeantes et où l'air sent l'algue verte et l'odeur du poisson décomposé. Hébergée dans une pension, chez Luigi, elle occupe une chambre au plafond bleu où s'ébattent les anges. On s'approche de Noël. Après ses errances dans la ville lacustre, elle fait connaissances avec les pensionnaires de chez Luigi. Il y a un couple d'amoureux, Carla et Valentino, rivés l'un à l'autre et qui évoque des pensées acerbes à la femme abandonnée. "L'amour, c'est un leurre" lâche-t-elle à la jeune fille un matin. Il y a Vladimir Pofkovitchine, un ancien prince de Russie qui lui apprend à boire le vin.
Extrait :
Le prince me regarde, attentif.
- Vous buvez trop vite, il dit, ce n'est pas un vin de soif.
Il se carre dans son fauteuil, le verre à la main.
- Prenez le temps. Regardez cette couleur ! C'est un vin de patience. Comme cette ville. Mon père disait que le savoir commence comme ça, en appréciant le bon vin.
- Je commence tard. (...)
- Chaque vin que vous buvez doit vous rappeler un vin déjà bu, un parfum, une terre. De même que chaque chose que vous apprenez doit se rattacher à quelque chose que vous savez déjà. C'est ainsi que le savoir se construit. Buvez maintenant.
Un jour, par hasard, elle tombe sur une boutique, celle d'un libraire. Commence alors une "histoire possible". Elle retourne à la librairie pour entendre parler de Jean Clair et de son livre La Barbarie ordinaire ou Music à Dachau, mais aussi de Zoran Music. Mais je m'arrête là en ce qui concerne le résumé et vous laisse découvrir la suite de cette belle histoire vénitienne...
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Zoran Music, Motif végétal |
Ce que j'aime chez Claudie Gallay dont je découvre l’œuvre avec enchantement, ce sont ses personnages habités par le silence, par le silence et par les mots. Jamais de flots de paroles chez eux, juste des bribes de phrases trouées de silence. Le style est d'ailleurs épuré, avec des phrases courtes. Et pourtant, on se laisse complètement emporter par ces histoires habitées par des êtres souvent porteurs d'une fêlure. Ici, celle d'une femme dont la vie est à réinventer. Un excellent moment de lecture...