mercredi 20 juin 2012

Le fils de Jean-Jacques ou la Faute à Rousseau d'Isabelle Marsay



Je venais juste de terminer les Confessions de Jean-Jacques Rousseau (billet ICI) lorsque je suis tombée, totalement par hasard, sur ce livre d'Isabelle Marsay. Ah, les perles dénichées en librairie, en flânant entre les rayons tentateurs... Mais je m'égare... Vous n'êtes pas sans savoir que notre philosophe a eu cinq enfants en compagnie de dame Thérèse, celle qui fut sa compagne. Ces cinq bambins furent tous "confiés" aux Enfants-Trouvés, institution qui se chargeait de recueillir les nouveaux-nés abandonnés dans Paris. Ils étaient nombreux puisque durant l'année 1751, plus de trois mille enfants finirent à l'hospice.

10 février 1790 - Le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette visitent l’hôpital des Enfants Trouvés à Paris
C'est à partir de ce contexte historique et littéraire que l'écrivaine Isabelle Marsay nous propose un très beau roman. Elle y fait vivre Bapiste, le fils aîné de l'écrivain. Le roman s'ouvre en 1746, alors qu'une sage-femme vient déposer l'enfant, âgé de deux jours, aux Enfants-Trouvés. Le récit déroule ensuite la vie de ce fils imaginaire. C'est l'occasion pour la romancière de brosser un tableau passionnant de la vie au XVIIIe siècle. Elle nous offre une image de la vie quotidienne sous l'Ancien Régime à la fois vivante et haute en couleurs. L'ensemble compose donc un roman historique fort agréable à lire.
Mais elle nous propose aussi une flânerie dans l'oeuvre de Rousseau puisque les chapitres qui concernent la vie de Baptiste alternent avec des extraits des ouvrages du philosophe. Ainsi, on entre très vite dans cette histoire, tout en se questionnant sur le choix de Rousseau. A la fois invitation à la découverte de ce siècle tout autant que de l'oeuvre de l'écrivain, ce roman est vraiment une réussite. L'écriture, fluide, nous conduit rapidement à l'envie de découvrir au plus vite la suite des aventures de l'enfant, mais elle invite aussi à la réflexion, sans ennuyer une seconde. De plus, l'écrivaine ne juge pas. Elle dépose simplement devant les yeux du lecteur un texte fictif et quelques pièces à conviction tirées des livres du philosophe... le tout associé à la question qui surplombe l'ensemble du texte : comment accorder ses paroles et ses actes ?...

J.J. Rousseau
"L'hiver, une trentaine de nourrissons étaient chaque jour déposés à l'hospice. Déposés par une sage-femme, parfois par les parents, ou par des passants qui avaient l'heur de découvrir de petits corps transis, souvent à demi-morts, dans des ruelles obscures, sur le parvis des églises, près des maisons cossues, à la merci de la nuit, des chiens, des rats ou des garçons de mauvaise vie.
D'autres petits étaient acheminés de la province vers Paris par des commissionnaires qui les transportaient sur leur dos, dans des boîtes matelassées qui pouvaient en contenir trois. Ficelés dans leur maillot, serrés, comprimés, respirant l'air par le haut, la plupart des nourrissons périssaient de faim, de fatigue ou de froid. (...)"

L'avis de George, tout à fait convaincue aussi...

22 commentaires:

  1. Pauvres enfants quand même ! En tout cas, le point de vue que prend ce roman me tente bien !

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    1. @Elisabeth : oui, pauvres enfants ! les chiffres présents dans ce livre font froid dans le dos...

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  2. Rousseau en père de famille va encore faire couler beaucoup d'encre.
    J'aime les anniversaire d'écrivain car c'est l'occasion de voir fleurir des textes parfois très sympa
    Je vais aller lire ton billet sur les confessions
    Ravie de voir de nouveau plein blog ( si je peux dire ça comme ça )

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    1. @Dominique : son anniversaire est d'autant plus fêté qu'il est au programme de l'agrégation cette année, alors bien sûr, les ouvrages à son sujet ou qui gravitent autour de lui fleurissent comme coquelicots lorsque l'été s'annonce ;-)

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  3. J'en suis encore à ma relecture des confessions et je pense qu'avant de lire une bio romancée, je vais lire quelques oeuvres suplémentaires de Rousseau

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    1. @Maggie : j'aime bien aussi me faire une idée plus précise d'un auteur avant de me lancer dans des ouvrages qui parlent de lui... mais ici, une fois le livre acheté, je n'ai même pas attendu d'avoir terminé les Rêveries pour le lire, trop tentant ;-)

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  4. j'essaie de ne pas me laisser influencer par cette contradiction flagrante, mais j'ai du mal... je ne réussis pas à lire ses (si nombreux) écrits sur l'éducation sans me demander comment l'auteur a pu régler tout ça avec sa conscience... surtout cinq fois!

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    1. @Adrienne : j'ai bien du mal moi aussi avec la part sombre de cet auteur... Mais j'aime beaucoup les Confessions et les Rêveries... sans parler des écrits plus politiques !

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  5. Bah j'ai du mal avec Rousseau, peut-être plus tard...

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    1. @Nadaël : c'est un auteur que j'ai abordé très tard malgré de nombreuses tentatives avortées... comme quoi... Bonne soirée à toi :-)

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  6. Je suis contente de découvrir ce roman que je vais m'acheter pour les vacances. C'est vrai que l'on fait de belles découvertes en librairie...

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  7. Un philosophe qui pose toujours question, par rapport à sa vie privée. J'aime bien ta dernière question.

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    1. @Alex : cette dernière question, je me la pose aussi parfois... c'est sans doute pour cela que ce livre m'a parlé ;-) Bonne soirée à toi !

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  8. Ou "faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais".... L'écrivain et l'homme, that is the question !!!!!

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  9. "comment accorder ses paroles et ses actes ?" Voilà bien une question sur laquelle il aurait dû se pencher, le bonhomme. C'est une des raisons pour lesquelles je ne l'apprécie pas du tout.

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    1. @Choupynette : il s'est penché sur la question... mais il était alors trop tard.... C'est d'ailleurs tellement gros cette contradiction que cela en devient à peine croyable :-( Cet ouvrage met justement parfaitement en valeur cette opposition entre l'oeuvre et l'homme.

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  10. Voilà qui est intéressant : j'aime beaucoup le personnage de Jean-Jacques Rousseau, malgré ses contradictions :)

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    1. @UneComète : c'est un livre passionnant et trop peu présenté par la critique officielle je trouve ! et qui donne envie de se replonger dans l'ensemble de l'oeuvre de JJ Rousseau. J'ai hâte d'avoir enfin de le temps de me plonger dans la suite des Confessions...

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  11. Eh bien moi je ne savais pas, j'aimais beaucoup Rousseau et là, je suis dégoûtée !! Il n'ignorait rien de ce qu'étaient Les Enfants-Trouvés, il n'a eu que très peu de remords et il les a eus par rapport à Thérèse, non vraiment, un philosophe "éclairé" soit mais un homme de rien du tout !!!

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  12. @Asphodèle : j'ai eu la même réaction que toi lorsque j'ai appris cette triste aventure... Il fait hélas partie de ces gens qui chantent un refrain tout en pratiquant l'inverse :-( Il semblerait toutefois qu'à la fin de sa vie, les remords soient devenus plus présents. Reste à savoir s'il s'agissait pour lui de se justifier face à la postérité... Enfin, tout cela n'est pas joli joli...

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