jeudi 9 avril 2015

Reflex de Maud Mayeras



     Un long week-end. Une sortie en librairie. Du temps près de mes bois. Le trio qui permet des découvertes inattendues et surtout, qui me laisse le loisir de me laisser aller à mon vice préféré à savoir, lire à volonté (on a les vices qu’on peut…).
  La découverte du mois, côté polar, c’est donc ce très bon opus de Maud Mayeras – attention, risque addictif important –. Je l’ai dévoré en deux jours, il n’a même pas tenu jusqu’à la fin du week-end malgré ses presque 500 pages. Je ne l’ai lâché que pour aller promener le chien et planter quelques bulbes prometteurs. Et encore, je l’ai emporté une fois avec moi lors de l’une des promenades afin de le lire sur un banc jusqu’à ce que le chien, excédé par tant d’immobilité, me demande de rentrer sur le champ… Mais bon, je m’éloigne de mon sujet. 
   Reflex donc, du nom d’un appareil photo, car Iris Baudry est photographe. Elle travaille pour l’identité judiciaire. Femme discrète et affublée d’un bégaiement, Iris prend des clichés de cadavres. Appelée nuit et jour sur les scènes de crime, elle arrive et shoot tout ce qui passe à portée de son appareil.
  Mais un jour, un sordide meurtre d’enfant la rappelle sur les lieux de sa propre enfance. Alors que la ville s’assèche sous le soleil de l’été, elle enfourche sa moto Superduke pour se trouver face à un corps dont les pieds chaussent du 32. Iris se croit alors en plein cauchemar. En effet, onze ans plus tôt, elle a perdu son fils de 11 ans. Or, il lui semble que le cadavre qu’elle vient de photographier porte le même signe distinctif apposé par le meurtrier sur son fils : il lui manque un lambeau de peau juste en dessous du bras. Et il va vite s’avérer, en effet, que dans la petite ville de Bellevue, où Iris apprend que sa mère vient d’être internée, un serial-killer semble avoir pris ses aises et dézingue à tour de bras.
  Après sept chapitres durant lesquels on s’installe très vite auprès d’Iris et de l’enquête qui se met en place, une deuxième intrigue nous ramène en 1919, auprès d’une petite fille, Julie, qui va être la victime de deux soudards. Alors, vous vous en doutez, le lecteur attend impatiemment de comprendre comment ces deux récits vont bien pouvoir s’imbriquer enfin. Et c’est là qu’il faut avouer que Maud Mayeras a vraiment excellé. Les deux histoires nous tiennent également en haleine avant de se rejoindre de manière particulièrement subtile. On ne voit rien venir et on s’accroche au livre comme un naufragé à sa pauvre barque. Chapeau bas ! Enfin, pour couronner le tout, c’est bien écrit. Autant certains polars finissent par être irritants à force de présent de l’indicatif et de phrases courtes, autant celui-ci sait varier les plaisirs : premier récit au présent, deuxième au passé avant que l’un ne vienne rejoindre l’autre tout en stimulant une attention rarement endormie… Dès que possible, je lirai le premier ouvrage de cette romancière (Hématome paru en 2006, qui a eu plusieurs prix et a été finaliste du prix polar SNCF). Et c’est promis, je vous tiens au courant !

Extrait

   La bille en fer gigote au fond de mes tripes et la nausée grimpe en flèche. La nuit est tombée et je reste figée devant cette cour qui me hurle de m’enfuir. Au bout de onze ans, voilà que je me traîne à nouveau au beau milieu de cette ville paumée. Ce trou dans lequel j’avais bien juré de ne plus jamais remettre les pieds. Dans mes écouteurs, la musique qui s’est arrêtée et le silence nocturne a pris la suite.
J’observe les façades qui se décomposent et la peinture écaillée des portes. L’établissement est totalement à l’abandon. Le chêne a disparu. La cour paraît nue et le charme rompu. Plus de courses d’insectes. Plus de belle ni de bête. Juste la fin du monde.
Cet arbre, le maire l’a fait abattre il y a longtemps. Juste avant la disparition de mon fils.
Swan.  
Il avait tout juste six ans.

PS
Mention spéciale pour la bande originale du livre qui s’ouvre sur Juicebox de The Strokes et se clôt par Speed of Pain de Marilyn Manson en passant par Here Comes the Sun de Nina Simone.

22 commentaires:

  1. ah c'est bien, c'est très bien, mais je te laisse à ton plaisir, ça me filerait des cauchemars pour des années (comme A clockwork Orange m'en a filé pendant trop trop trop longtemps ;-))

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    1. @Adrienne : les livres ont le mérite de ne pas montrer les images... Enfin, cela reste très noir, il ne faut pas en abuser c'est sûr !

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  2. Le côté meurtre d'enfants, ça me fait peur, mais j'aime bien les polars addictifs, alors ... je note quand même.

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    1. @Aifelle : je redoute en général ce qui touche aux enfants mais ici, les passages les plus "difficiles" ne les concerne pas forcément... tu peux donc noter ;-) Et puis, c'est vrai, il est d'une efficacité diabolique !

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  3. J'aime aussi les polars addictifs donc je l'avais déjà vu mais je ne pense pas l'avoir noté, en même temps c'est pas comme si je n'en avais plus dans mes étagères ! ;) C'est toujours bon à savoir ! ;)

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    1. @Asphodèle : c'est grâce à un libraire qui présentait quelques "bons" polars que je suis tombée dessus. Il avait fait un excellent choix ;-) N'hésite pas à le lire...

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  4. J'aime la façon dont tu décris la sorte de transe qui nous tient quand on lit un livre que l'on ne peut pas lâcher. Pauvre chien! A noter donc puisqu'il t'a fait cet effet là mais pour plus tard car j'ai les livres rapportés de Lyon Quais du polar à lire avant!

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    1. @Claudialucia : oui, pauvre chien, elle m'a fait bien des reproches (enfin, elle se baignait et venait m'éclabousser avec ostentation, et ce, jusqu'à ce que je me lève...). Oui, j'ai vu tes achats à Quais du polar, de quoi t'occuper pendant un moment ;-) Il y avait du beau monde à ce festival (mais aussi du monde tout court...), de quoi faire le plein de bons souvenirs !

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  5. Ca fait longtemps que je n'ai plus lu de polar, ça commence à me démanger ! Heureusement je vais bientôt en lire un Belge !

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    1. @Anne : c'est un peu l'inverse pour moi, j'en ai lu un peu trop ces derniers temps et je commence à me lasser un peu... mais celui-ci a jeté aux orties toute forme de lassitude ;-) J'ai hâte de lire ton billet sur le polar belge !

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  6. Je m'y connais guère en polars... j'en lis si peu. Tu me donnes très envie de m'y remettre avec celui-ci. Allez, je note dans ma liste à rallonge...!

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    1. @Nadael : j'ai commendé le premier opus de cet auteur ! Je m'y mets dès que je l'ai récupéré...

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  7. J'adore l'addiction du noir ! Et depuis que tu m'as fait plonger dans l'univers de Victoria, je n'en avais pas noté d'avance, je retiens ce titre, merci du conseil. Je recherche en tes pages un autre titre que tu conseillais, un gros, à la fin d'une note sur un autre titre. Je n'arrive plus à retrouver lequel ....

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    1. @Athalie : je crois qu'il s'agit de W3 de Nathalie Hug et Hug Camus, billet ici http://bruitdespages.blogspot.fr/2014/11/noir-sur-la-ville-lamballe.html
      Il est sorti en poche en plus et il y a maintenant un 2e tome ;-)

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  8. Le polar ce n'est pas ma tasse de thé !!! Mais écouter les Beatles, en la buvant lentement, oui je veux bien !!!
    Très bon week-end !

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    1. @Enitram : ce morceau peut s'écouter en boucle, j'adore ;-)

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  9. J'aime ces lectures addictives qu'on ne lâche qu'avec peine (et nous avons le même vice on dirait ;0) qui vous emporte totalement et qu'on dévore très très vite... Avec moi c'est rarement un polar (surtout celui là avec des morts d'enfants) mais qu'importe, l'ivresse est la même :0) Je viens de ma librairie moi aussi et un beau craquage aussi ; le dernier de Julia Glass que j'adore, un bon gros pavé ;0)

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    1. @Lor : je ne connais pas Julia Glass, mais je vais tout savoir en lisant ton billet ;-)

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  10. Quoi ?! Tu n'as jamais lu Julia Glass ?!! Mais elle est formidable à lire, surtout pour l'été... C'est une conteuse géniale, elle fait vivre des personnages comme personne (tu n'oublieras jamais Fenno :0) Bon, pour mon billet tu attendras encore un peu parce que je suis sensée rattraper mon retard de billet durant ma pause et pour l'instant c'est pas gagné ;0) Mais j'ai déjà lu Refaire le monde (génial) et Jours de juin (aussi génial) Refaire le monde n'a pas été chroniqué mais Jours de juin oui, je te donne le lien
    https://lorouge.wordpress.com/2010/06/09/jour-de-juin-de-julia-glass/
    Tu sais que je tenté hier, lors de quelques courses, sur Reflex, et effectivement il a l'air tout à fait addictif, j'ai eu du mal à m'arrêter quand j'ai lu plusieurs extraits mais je sais que les lectures avec morts d'enfants non, je ne peux pas...
    J'ai mis ton billet dans vos plus tentateurs non pas pour ta lecture mais en divers pour ta façon de parler des lectures addictives que j'ai adoré ;0) Bisous

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    1. @Lor : mais non mais non, je ne connais pas ! Je suis allée voir ton billet sur "Jours de juin", voilà qui donne envie de s'y plonger...
      Je vais maintenant aller lire ton billet des livres les plus tentateurs ;-)

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