mercredi 14 juin 2017

Le mois anglais (2) - Du fond de mon coeur. Lettres à ses nièces de Jane Austen




     Enfin ! Il est des auteurs que, pendant des années, on envisage de lire. Dans les livres dont je parlais sans jamais les avoir lu se trouvaient ceux de Jane Austen, comme se trouvent aussi, hélas, ceux de Dostoïevski. Mais heureusement, il y a le mois anglais… N’ayant pas forcément la disponibilité de me lancer dans des ouvrages exigeants, j'ai commencé avec ce petit opus, un inédit publié en janvier qui présente des lettres de Jane à ses nièces mais aussi la description de « Tante Jane » par ses nièces Anna, Caroline et Fanny. Au risque de paraître totalement frivole, j’avoue que la belle couverture de ce Livre de Poche de la collection biblio, a été une première accroche avant de devenir le petit plaisir journalier qui précédait la lecture des lettres
   Voilà un livre que je conseille tout d’abord au Janeites, bien que j’imagine qu’ils (elles) ne m’auront pas attendue pour dévorer cet objet cher à leur cœur ! En effet, on y découvre Jane dans son quotidien et l’on prend connaissance du milieu dans lequel elle évoluait. Née en 1775 à Steventon, au sud de l’Angleterre, elle appartenait à la « gentry » anglaise. Fille de pasteur, elle vécut entourée de sa famille nombreuse (elle avait 6 frères et une sœur et eut une trentaine de neveux et nièces !). Sa biographie reste très lacunaire car dans un souci de discrétion, sa sœur Cassandra a détruit la plus grande partie des lettres qui auraient pu permettre de dévoiler les aspects plus intimes de la romancière. Ces lettres, écrites lors de leurs périodes de séparation, ont été brûlées ou soigneusement découpées afin de censurer les passages trop personnels.
Résultat de recherche d'images pour "cassandra austen"
Cassandra et Jane dans le film Becoming Jane (2007)

    En dehors de Cassandra, ses nièces Anna, Fanny et Caroline ont été ses trois correspondantes les plus régulières et ce livre rassemble l’ensemble de leurs lettres à Jane. Fanny, orpheline de mère[1], deviendra une confidente, une « presque deuxième sœur ». Il est donc d’autant plus surprenant de lire, à la fin du volume, une lettre de Fanny qui présente Jane sous un jour peu positif : « oui, ma très chère, il est tout à fait vrai que dans certaines circonstances Tante Jane ne se montrait pas aussi raffinée qu’elle aurait dû si l’on songe à son talent. » (extrait d’une lettre de 1877, Fanny est alors âgée de 84 ans). La présentation de cette lettre (de Marie Dupin) évoque les hypothèses qui peuvent être formulées pour expliquer ce qui ressemble à un règlement de compte… (hypothèses que je vous laisse découvrir…).
   Mais revenons à l’échange épistolaire qui constitue le cœur de l’ouvrage. Il s’ouvre en 1814 par une lettre à Anna et se clôt par une lettre de Cassandra, la sœur adorée, à Fanny, à la mort de Jane, survenue le 18 juillet 1817 (elle était âgée de 42 ans). D’une lecture très agréable, il compose une sorte de tableau impressionniste de la romancière. C’est ainsi par petites touches aux couleurs estompées que l’on fait sa connaissance. Nous l’entendons ainsi donner des conseils littéraires à Anna (celle-ci vient de commencer un roman intitulé Which is the Heroine ?) : « Durant les quelques années où l’héroïne grandit encore, il est normal que l’intérêt qu’on lui porte soit moindre, mais j’attends beaucoup de divertissement des 3 ou 4 prochains cahiers & ses remarques, je l’espère, ne te fâcherons pas au point de ne plus m’envoyer ton travail. » . Nous découvrons par la même occasion ses goûts en matière de roman : elle déteste Alicia de Lacy de Mrs West mais apprécie « ceux de Miss Edgeworth ».
   Les affaires de cœur liées aux « sentiments » de Fanny amènent de nombreux commentaires sur l’amour ou le mariage, et sur les prétendants de sa nièce qui trouvent rarement grâce à ses yeux… « Tout est préférable, tout peut être enduré plutôt qu’un mariage sans affection (…) » écrit Jane en novembre 1814. 
   Les "souvenirs de Tante Jane" réunis à la fin du volume permettent de découvrir le portrait physique de l’écrivaine, une femme aux cheveux bruns clairs qui frisaient naturellement et aux yeux noisette (que j’imagine pétillants d’intelligence…). « Elle portait toujours un bonnet » nous dit Caroline Austen, et commençait toujours la journée en musique, s’exerçant chaque matin sur son piano forte. Elle menait une vie très régulière et écrivait dans le salon, y compris lorsque s’y trouvaient des membres de la famille. La vie s’écoulait ainsi de manière très feutrée à Chawton, d’après ces témoignages familiaux. L’ensemble des écrits laissent l’image d’une femme d’une grande vivacité, qui aimait le contact avec les enfants, leur racontant des histoires de fées à volonté…
   Si vous êtes arrivé au bout de ce billet, vous avez deviné que j’ai pris grand plaisir à cette lecture. La vivacité du ton des lettres, la délicatesse du style, le portrait qui s’y dessine par un effet d’estompe, tout concourt à proposer une lecture charmante qui invite à se plonger au plus vite dans les romans qu’elle signait à l’époque « by a Lady »

2e participation au  mois anglais de Lou et Cryssilda





[1] Sa mère est décédée en mettant au monde son onzième enfant…

14 commentaires:

  1. Oh bien sûr que je l'ai lu (après tous les romans de Jane Austen!)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Keisha : en ce qui concerne les romans, me reste à commencer... mais ce petit livre très agréable fut un bon début ;-) Bonne journée !

      Supprimer
  2. et bien... vive la famille, ses souvenirs colorés, décolorés, recolorés, découpés aux ciseaux... et ses règlements de comptes ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Adrienne : on se demande bien ce qu'il pouvait y avoir au dessus des passages marqués à coups de ciseaux. Cela devait changer de l'ambiance thé et petits gâteaux dans un cottage anglais ;-)

      Supprimer
  3. Ca me rappelle que j'ai une bio de Jane Austen qu'il faut que je lise et que je lirais bien aussi son oeuvre épistolaire. ( J'adore les lettres d'écrivain !)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Maggie : alors ce livre est pour toi ! Je suis tombée aussi aujourd'hui sur un petit roman épistolaire publié dans la collection Folio à 2 euros. J'avais trop de lectures en cours mais je crois que cela sera mon prochain achat en mode "Janeite" ;-)

      Supprimer
  4. Ton billet très complet me donne grande envie de lire cet ouvrage ! hop, dans les favoris pour l'an prochain sans doute :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @FondantGrignote : merci ! C'est ce qui est bien avec le mois anglais, c'est que l'on peut faire ses listes pour l'an prochain ;-)

      Supprimer
  5. Je n'ai pas lu grand-chose sur la vie de Jane Austen et la découvrir à travers cette correspondance me plairait bien.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Tania : c'est un bon moyen... j'ai en plus podcasté aujourd'hui une série d'émissions de France Culture sur elle, pour continuer ma découverte. Bon we :-)

      Supprimer
  6. C'est un écrivain qui occupe une place particulière dans mon cœur de lectrice, alors je suis ravie que tu aies pris le temps de la découvrir. Je n'ai pas lu ses lettres, mais j'y compte bien.
    As-tu prévu de lire rapidement une de ses oeuvres ? Peut-être connais-tu les adaptations ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Lilly : j'aimerais bien commencer une de ses oeuvres, je ne sais pas trop par laquelle commencer, d'autant plus qu'en ce moment, je n'ai pas envie de partir dans des "pavés", n'ayant pas la disponibilité pour... Je connais une bonne partie des adaptations, qui sont souvent de petites pépites :-)

      Supprimer
  7. Ah oui, on sent que tu as aimé ce livre.

    RépondreSupprimer