dimanche 1 octobre 2017

Lecture commune - Les Contes d’Andersen



     Voilà une lecture qui m’a réservé bien des surprises ! Tout d’abord concernant la biographie du conteur. Car Andersen n’était pas seulement conteur. Tenant ces textes pour des écrits mineurs, il fut également dramaturge, poète, romancier, journaliste mais aussi autobiographe, tout en étant un diariste régulier qui laissa un Journal intime de 4500 pages (encore plus fort que Gide) ! 

Il a rédigé 173 contes et nous ne connaissons, le plus souvent, qu’une part infime de sa production. La première série est publiée en 1835, il a alors 30 ans. Deux petits ouvrages  de Contes racontés aux enfants (on y trouve, entre autres, « La Princesse au petit pois ») paraissent et il va être fort surpris par le succès qu’ils rencontrent !

   Andersen est né à Odense, en Fionie, au Danemark. Fils d’un cordonnier et d’une lavandière, l’homme était présenté comme assez étrange, solitaire et présentant un physique particulier, tout en longueur (on pense à sa description de L’Ombre dans le conte éponyme). Issu d’un milieu pauvre, il dut très tôt apprendre à se débrouiller seul. L’héritage familial est plutôt corsé : une mère qui deviendra alcoolique, un grand-père fou, un tante prostituée, etc… Cela ne l’empêchera pas, à 13 ans, de monter à Copenhague, la capitale. Aidé par des protecteurs, il y sera tour à tour chanteur, danseur, acteur. A 17 ans, il entre au lycée. Il y souffrira terriblement de la différence d’âge avec ses camarades. C’est en 1831 qu’il entreprend un premier voyage, en Allemagne. Il en rapportera un récit de voyage et une passion pour cette activité qui marquera son existence. De 1833 à 1835, il voyage dans toute l’Europe et rencontre Victor Hugo, H. Heine, Bertel Thorvaldsen (un grand sculpteur islandais). Ce périple lui inspire L’Improvisateur, le roman qui va consacrer son succès. En 1840, il tombe follement amoureux de Jenny Lind, « le rossignol du nord », une cantatrice suédoise, mais cet amour n’est pas réciproque. Il sera à l’origine des contes comme « Le Rossignol » ou « L’Ange ».
Jenny Lind

   Dans sa préface de 1993 pour l’édition Folio, Régis Boyer insiste sur la manière dont les contes (et ses autres textes) sont marqués par une « subjectivité triomphante et écrasante ». On comprend mieux alors les motifs récurrents qui renseignent sur les obsessions de l’auteur. Hans Brix dira même de lui qu’il a peint plus d’autoportraits que Rembrandt lui-même… Cette soif de se dire se couplait avec un amour des distinctions lié à son désir de reconnaissance (relire « Le vilain petit Canard »…).

   Il faut rappeler également qu’Andersen s’inscrit dans une longue histoire, celle de la riche histoire littéraire des Scandinaves, commencée avec les sagas islandaises. Nos amis d’Europe du Nord présentent une verve narrative qui ne s’est toujours pas démentie et on retrouve chez le conteur qui nous intéresse les thèmes qui lui sont propres : le culte de la nature, la magie, les êtres merveilleux (elfes, trolls…). Les arbres y trouvent une place de choix comme dans le triste conte intitulé « Sous le saule ». 
Librería el Kiosko: Hans Christian Andersen
Andersen

   L’auteur meurt en 1875, d’un cancer du foie. Le roi du Danemark viendra le voir alors qu’il est alité. Il avait 70 ans et il aura passé 9 ans de sa vie à voyager en Europe ! Ses derniers mots tracés à l’écrit seront pour son Journal.  
   L’édition proposée par Régis Boyer, chez Folio, propose une sélection de contes (31 sur les 173 connus) qui sont classés dans l’ordre de leur publication. On y trouve bien sûr les histoires les plus connues comme « La Princesse au petit pois », « La Petite sirène », « La Petite fille aux allumettes », etc. La première surprise de cette lecture aura été de découvrir des contes beaucoup plus noirs que le sont les adaptations proposées de ces textes. « La Petite Sirène » par exemple, s’avère d’une tristesse qui nous éloigne à pas de géant de la mièvrerie de Walt Disney. On se prend d’ailleurs à penser que l’on ne raconterait pas toutes ces histoires à des enfants. La deuxième surprise s’est nichée dans la poésie de textes qui, tout en étant très fluides et d’une lecture aisée, proposent un univers où la fantaisie s’infiltre partout. C’est un monde qui chante et qui parle. L’aiguille comme le bouquetin parlent, chantent ou philosophent encore mieux que les pauvres humains qui se débattent dans un monde qui les dépasse. Et dans ce monde, la Nature s’avère souvent la plus forte. Pour s’en convaincre, il suffit de lire « La Vierges des glaces », superbe texte que je suis ravie d’avoir enfin lu. Ode à la joie de vivre, ce conte ramène aussi l’humain à sa juste mesure face à la montagne et au froid. Il nous rappelle qu’il n’est pas toujours bienvenu de vouloir défier les éléments. Enfin, surprise de taille, la noirceur extrême de certains contes qui s’apparentent au genre du romantisme noir. J’ai ainsi particulièrement goûté « L’Ombre » qui propose l’histoire d’un homme dont l’ombre va prendre vie. On y plonge dans un fantastique gothique mâtiné de poésie. Pour conclure, j’ai voyagé avec délices dans cet univers où les arbres voyagent et où les vilains petits canards finissent par se transformer en cygnes magnifiques. Si vous en avez l’occasion, ne vous privez pas de cette lecture ! 
Lecture commune : les billets de Claudialucia et Nathalie.
https://bruitdespages.blogspot.fr/2017/07/challenge-litterature-nordique.html
Et j'avais oublié que ce billet entre aussi dans le challenge romantique de Claudialucia...

24 commentaires:

  1. J'ai fini mon billet, il me faut le mettre en forme et il paraîtra demain. Moi aussi j'ai découvert et beaucoup aimé la Vierge des glaciers. Quant à la mièvrerie de Disney, moi qui suis une admiratrice d'Andersen et de la petite sirène, j'ai été effondrée comme toi devant la sottise de l'adaptation et le mauvais goût et l'incompréhension du texte et la trahison.. Je n'ai jamais lu L'ombre. Et j'aimerais bien découvrir ses romans et lire une bio. Une prochaine fois, peut-être, en LC ?

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    1. @Claudialucia : franchement, je suis tombée de haut en prenant conscience du décalage !... J'ai également envie de découvrir ses romans mais ils sont difficiles à trouver. Je dois aller faire un tour en librairie à ce propos, et en biblio, pour d'autres LC ;-)

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  2. J'aime beaucoup les contes d'Andersen, parmi mes favoris. Les contes en général sont souvent cruels, détournés dans les adaptations, ils avaient une fonction de prévention. J'avais lu une belle biographie d'Andersen " romancée ", beaucoup de style : " Le Voyage en bleu " ( de Stig Dalager, Actes Sud )
    Pour la LC Ibsen, je viens de réaliser que le 15/10 est un dimanche, un peu compliqué de publier ce jour là ( pour le dimanche, je prévois d'autres types de billets ), alors ce sera le soir ou le lendemain.

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    1. J'ai remarqué cette biographie. Bien envie de la lire.

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    2. @Marilyne : je suis très tentée, comme Claudialucia par cette bio que je proposerais bien en LC à venir en 2018 !
      @Claudialucia : je vais aller voir de plus près cette biographie et je reviens pour la LC l'an prochain ;-)

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    3. @Claudialucia : après consultation de sites de librairies et de vente d'occasion, il s'avère que l'on peut trouver assez facilement la bio romancée de Stig Dalager. Je garde donc l'idée pour une LC à venir, ou, si je l'achète, je pourrais aussi en faire un livre voyageur... Qu'en penses-tu ?

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  3. Désolé, j'ai écrit n'importe quoi, la LC est pour le 15/11, je viens de vérifier. Tout va bien, donc :)

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    1. @Marilyne : si tout va bien, c'est parfait ;-) A tout bientôt alors ! et merci pour la référence de la biographie.

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  4. Je connaissais sa version de la petite sirène ! Je ne me rappelle pas de tous ses contes mais effectivement, c'est noir.

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    1. @Maggie : je te conseille vivement "L'Ombre", un régal de romantisme noir...

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  5. Aaaah comme je regrette de n'avoir pas pu me joindre à cette LC mais ce n'est que partie remise. J'adore plonger dans ces contes originaux qui sont en effet plus sombres et parfois plus cruels (surtout les Grimm) que la version Disney (par exemple). Et puis c'est vrai que nous n'en connaissons qu'une infime partie, et c'est un vrai bonheur que d'en découvrir de "nouveaux".

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    1. @AGirl : tu as tout à fait bien saisi le plaisir de cette lecture ;-) Cela donne vraiment envie d'en découvrir d'autres et de relire Grimm et Perrault !

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  6. Me voici, un peu en retard !
    https://chezmarketmarcel.blogspot.fr/2017/10/voila-cetait-une-vraie-histoire.html
    Bravo pour ton long billet. J'ai trouvé cette plongée dans les vrais contes d'Andersen très rafraîchissante, ça fait du bien de retourner à la source. Et comme tu dis, quelle variété d'inspiration !

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    1. @Nathalie : un vrai plaisir en effet cette lecture ! j'espère bien la prolonger avec la bio d'Andersen... Et finalement, tu n'es pas trop en retard ;-)

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  7. je ne suis pas adepte des contes mais Grimm et Andersen on ne peut pas passer à côté

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  8. J'aime cette fantaisie et la noirceur qui y perce souvent. C'est dommage que j'ai raté le rendez-vous, je vous aurais bien rejoint sur cette lecture.

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    1. @Cléanthe : tu peux venir pour les rdv suivants si tu veux...

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  9. Oh, ça fait longtemps que je n'ai pas lu des contes (autres que les versions pour les enfants) et pour le coup ça me tente beaucoup. Je connais plus ou moins la vraie version de "La Petite sirène", j'en avais un animé étant petite.

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    1. @Lilly : c'est vraiment agréable de découvrir la "vo" ;-)

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  10. quand j'ai lu La petite Sirène, il y a bien longtemps, j'ai été horrifiée. La petite fille aux allumettes est d'une tristesse déchirante. Bref tout ça ne m'a pas beaucoup incitée à lire l'intégralité de ses contes ;-)
    Par contre je participerai à la lecture commune pour Ibsen :-)

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    1. @Adrienne : mais oui, on tombe de haut en lisant les contes, quand on les découvre du haut des interprétations pour enfants (plus que des "interprétations", on peut franchement parler de transformations !).
      Bon we :-)

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  11. J'ai lu ces contes à la fac : de vieux souvenirs !

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