Un céphalophore, en botanique, est une plante qui porte une fleur en forme de tête. L'étymologie vient du grec “tête, qui porte”. Pour Sylvie Germain, les céphalophores sont tous « ceux et celles que l'amour a saisis, et qui s'en vont transis par la pensée de l'autre, ardés par le regard de l'autre (ils), marchent ainsi en somnambules. Ils ont la tête ailleurs comme on dit. Leur front est resté lové dans la chaleur et dans l'odeur du cou de l'autre, appuyé contre son épaule. Ils, elles, portent leur tête en offrande à l'aimée, à l'élu, à moins que ce ne soit la tête de l'autre qu'ils, elles, portent ainsi en très secrète et tendre procession. »
Il sera donc question d'amour et de têtes… souvent perdues dans cet essai où Sylvie Germain nous propose sa galerie de céphalophores en cinq chapitres. Dans “Le Seigneur des ombres”, Hamlet ouvre le bal des fantômes. “L'Enchanteur à la lyre” voit Orphée prendre la suite et chanter pour nous, encore une fois, son amour pour Eurydice. Le troisième chapitre, “Les témoins avant-coureurs”, revient sur l'histoire de David et Goliath, sur la belle Salomé « la si gracieuse et cruelle » et sur Denys l'Aéropagite, disciple de St Paul, « son éveilleur ». Suivent un chapitre sur “Le Maître du visage” (le Christ), et le dernier sur Rodolphe de Habsbourg.
Mon avis
Si je goûte assez peu les deux derniers chapitres de ce livre, très fortement tintés de spiritualité chrétienne, je me régale toujours de la lecture des trois premiers. Le deuxième, où Sylvie Germain revient sur le mythe d'Orphée qui hante toute son oeuvre, se lit avec bonheur. Elle reprend le mythe et l'intègre dans sa galerie des céphalophores. Les Céphalophores, ceux que l'on suit parce qu'ils nous tracent une route, un chemin que l'on ne peut qu'avoir envie d'emprunter à leur suite. Mais j'apprécie surtout cet essai pour la qualité de l'écriture, infusée de poésie et de fantaisie. On y retrouve les thèmes et les personnages chers à l'écrivaine. Ses questionnements éthiques et spirituels trouvent ici leur incarnation, aux travers de ces figures mythiques et/ou historiques. Sylvie Germain tisse, dans cet opus, de nouvelles trouées d'insolite, en mettant en scène des personnages à la hauteur de la démesure de son monde imaginaire.
Extrait
“La Lyre stellaire qui brille au ciel fait donc tout à la fois mémoire d'une beauté extrême, - celle d'un chant composé de lumière, d'harmonie, de justesse et d'amour souverains, et mémoire d'une violence démesurée, - celle d'un chant déchiqueté, éclaté en cris fous, en lambeaux de ténèbres, délabré en sanglots rouge sang, frappé de haine et de démence.
C'est pourquoi nul ne peut s'aventurer sans risque ni souffrance dans les pas du maître de la lyre dont la clarté est cernée de pénombre et l'harmonie hantée de discordances.”
“La Lyre stellaire qui brille au ciel fait donc tout à la fois mémoire d'une beauté extrême, - celle d'un chant composé de lumière, d'harmonie, de justesse et d'amour souverains, et mémoire d'une violence démesurée, - celle d'un chant déchiqueté, éclaté en cris fous, en lambeaux de ténèbres, délabré en sanglots rouge sang, frappé de haine et de démence.
C'est pourquoi nul ne peut s'aventurer sans risque ni souffrance dans les pas du maître de la lyre dont la clarté est cernée de pénombre et l'harmonie hantée de discordances.”
J'ai rencontré Sylvie Germain dans le cadre des rencontres de Chaminadour à Guéret et du coup je lis,relis ses textes. Ce livre là je ne l'ai pas encore lu. C'est un livre qui me semble pas si facile que ça à lire mais comme tu dis l'écriture de Sylvie Germain est une véritable merveille. Je vais donc me l'acheter pendant les vacances de Toussaint.
RépondreSupprimer@Nina : celui-ci, je l'ai déjà lu deux fois... et je pourrais recommencer ! Tu te lances dans la découverte plus avant de son oeuvre alors, tu vas voir, ce n'est que du bonheur ;-) Que je regrette encore Cheminadour !!!
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