Dans ce troisième roman de Sylvie Germain, publié en 1989 et prix Fémina de la même année, la colère tient une place centrale. Après la vaste fresque familiale de 700 pages regroupant Le Livre des Nuits et Nuit-d'Ambre, l'écrivaine propose ici une variation sur l'envie et le désir de vengeance. Dans un hameau morvandais, Le Leu aux Chênes, deux hommes couvent leur folie. “Ce hameau n'avait pas de limites, il était ouvert à tous les vents, tous les orages, toutes les neiges et les pluies. A toutes les passions.”
“Chez Ambroise Mauperthuis la folie était entrée en coup de vent, avait grimpé par bonds puis s'était cabrée en une pose toute arquée de violence. (…) Chez Edmée Verselay la folie au contraire s'était insinuée à tous petits pas, avait coulé en légers ruissellements pour à la fin faire la pause en douceur. La folie douce, comme une trouée de bleu tendre dans un coin de ciel qu'aucune nuit ne pourrait recouvrir et éteindre. Une folie qui lui avait poussé au cœur aussi, à cause d'une femme.”
Cette femme, c'est Catherine. Catherine Corvol, femme sensuelle aux yeux de vouivre, assassinée par son mari. Ambroise Mauperthuis assiste au crime et décide de faire payer le meurtrier. Empli de colère et du sentiment d'avoir été privé de l'image même de la beauté, il met en place une vengeance machiavélique. “Il avait rencontré la beauté, - elle avait le goût de la colère. Et ce goût de la colère depuis lors hantait sa vie.” C'est par l'intermédiaire de Camille, la fille de Catherine, que la vengeance parviendra à son apogée.
Voilà un roman de Sylvie Germain plein de bruit et de fureur. On y retrouve le chant de la nature avec les forêts du Morvan où vivent bûcherons, flotteurs de bois et bouviers. On y retrouve les personnages en excès comme la magnifique Reinette-la-grasse, occupée par une faim insatiable. On y découvre les ravages de la passion-possession amoureuse. Le sujet ne date pas d'aujourd'hui mais la prose poétique de la romancière compose ici une nouvelle variation que j'écoute pour la deuxième fois, sans lassitude aucune…
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