dimanche 20 mars 2011

Tobie des marais de Sylvie Germain

Ce dixième roman de Sylvie Germain est un récit librement inspiré du célèbre Livre de Tobie, livre Tobie des marais de Sylvie Germaindeutérocanonique de la Bible chrétienne. Toutefois, si le roman reste fidèle à la trame du récit d'origine, il dépasse le simple exercice de réécriture en développant un univers qui lui est propre et qui s'ancre dans le monde contemporain.

L'histoire :
“Une petite boule couleur de bouton-d'or, montée sur roue - comme si le soleil avait été précipité sur la terre par la violence de l'orage et brutalement réduit au cours de sa chute à la dimension dérisoire d'une citrouille jaune vif -, roulait à toute allure sur cette route de campagne.” Cette petite boule jaune, “soleil miniature”, c'est Tobie. L'enfant vient de perdre sa mère, victime d'un accident de cheval. Elle a perdu la tête, au sens propre, et cette tête n'a pas été retrouvée. Tobie sera donc élevé par sa grand-mère, Déborah, “née avant le siècle dans un village de la Galicie polonaise”. Le roman déroule l'histoire familiale de Déborah, née des décombres de la Seconde Guerre Mondiale, ainsi que la quête qui va devenir cette de Tobie. En effet, alors qu'il est devenu adulte, son père lui demande d'aller récupérer pour lui une somme d'argent, prêté à un peintre, Ragouël. Tobie sera accompagné dans son voyage par Raphaël, un homme étrange, sorti de nulle part (un ange dans Le Livre de Tobie).

Le Caravage
Le Carvage, L'Amour vainqueur

Mon avis :
Voilà un roman de Sylvie Germain riche en merveilleux, qui renoue avec la “saga familiale”. De plus, la romancière excelle à tramer des histoires issues du fond mythique de l'humanité. Elle brode ici savamment un texte dans lequel on se laisse complètement emporter, à la fois par l'histoire de Déborah mais également par les “interludes” merveilleux, qui restent toutefois en arrière plan. Un très bon cru de la romancière… Le chapitre intitulé “L'atelier du peintre” vaut à lui seul la lecture du roman, je vous en propose donc un extrait. “Mais depuis que sa fille est devenue la proie d'une malédiction que ni lui ne personne ne s'explique, son regard s'est transformé, il s'est durci, et comme halluciné. Il n'a nullement renié son premier maître, Caravage, mais son attention se concentre dorénavant sur certaines de ses oeuvres, - toutes celles représentant un cri. Car il sent, Ragouël, qu'un cri immense et fou habite Sarra, couve et mugit en elle sans oser éclater, avouer sa révolte, sa colère. Sarra est innocent, et néanmoins par sept fois elle a donné la mort à de tout jeunes hommes. (…) Ragouël cherche à traduire ce cri de désespoirprisonnier en Sarra, il veut l'expulser hors de son corps grâce à la magie de la peinture (…).”
Bacon - Pape hurlant
Francis Bacon,
Étude d'après le portrait du pape Innocent X peint par Velasquez, 1953

2 commentaires:

  1. j'ai lu ce roman il y a longtemps et j'en garde un grand souvenir :)

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  2. @Anjelica : c'est un de mes préférés de la romancière... J'aime beaucoup le lien avec l'univers pictural qu'elle y développe. Merci pour ce passage dans l'univers de Margotte ;-)

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