« Que reste-t-il des couleurs de notre enfance ? Quels souvenirs gardons-nous d'un lapin bleu, d'une robe rouge, d'un vélo jaune ? Ont-ils vraiment revêtu ces couleurs ? Comment la couleur s'inscrit-elle dans le champ de la mémoire ?… » Voilà quelques unes des questions que pose Michel Pastoureau sur la quatrième de couverture de son dernier livre, un essai sur les couleurs. L'ouvrage tente donc une ou des réponse à ces questions, et à bien d'autres. Cet essai, bâti sur les souvenirs de l'auteur et sur son expérience d'historien, propose une sorte de « journal chromatique » qui s'étend de 1950 à aujourd'hui. Il s'appuie sur une longue carrière d'historien du Moyen Age et sur les nombreux échanges de l'auteur, au fil du temps, avec des proches ou collègues. Au travers de digressions, d'anecdotes souvent savoureuses ou de développements historiques, Michel Pastoureau nous conte l'histoire des couleurs en France plus particulièrement, et en Europe. Le vêtement, la vie quotidienne, les arts et les lettres, les terrains de sport, les mythes et symboles, les goûts et les mots, autant de thèmes explorés par l'auteur.
Voilà une lecture fort agréable. Pastoureau propose ici un ouvrage très accessible, qui ne s'adresse nullement à des spécialiste. Le ton est bonhomme et les anecdotes délectables. Le mélange des souvenirs personnels et des éléments plus théoriques dynamise la lecture. On ne s'ennuie pas une seconde, toute en glanant de nombreuses informations sur l'histoire des couleurs. On trouve à la fin une bibliographie bienvenue afin de creuser un peu le sujet, l'ouvrage restant assez généraliste. J'ai pris grand plaisir à lire cet essai, comme les autres de Michel Pastoureau (dont il faudra que je vous parle à l'occasion).
Je vous propose un extrait du dernier chapitre, Les mots, que j'ai particulièrement apprécié : « Dans les faits de langue, il n'existe pratiquement plus de place pour les variables, les subtilités, les restrictions, les exceptions ou les hésitations. La doute n'est plus un outil de pensée (…). Le relativisme culturel est devenu scientifiquement incorrect et politiquement suspect. C'est oui ou c'est non, jamais peut-être ; c'est blanc ou c'est noir, pas gris, et encore moins gris perle ou gris tourterelle. (…) Il n'existe plus de place pour la nuance, le relatif, l'ambivalence. Dès lors, comment exercer son métier d'historien ? Comment être chercheur en sciences humaines ? Comment disserter sur les couleurs et leurs déclinaisons ? Comment parler d'art ou de poésie ? Comment exprimer nos sentiments, nos inquiétudes, nos indécisions ? Comment parler de nos souvenirs et de nos rêves ? » (p. 231).
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