Trois hommes ont été déposés aux abords d'un village par une caravane de cirque. On les a laissé là, entre la décharge et le village, loin des hommes, avec pour seul abri une cabane. Hesior, le magicien, Zeppo le clown et Nabaltar le soigneur de fauves partagent un amour commun, celui qu'il portaient à Mina la trapéziste. Celle-ci aujourd'hui morte, le cirque ne veut plus s'encombrer de ces trois vieillards remplis de souvenirs. Ce passé qui les unit va les amener à fabriquer d'étranges reliques…
Je n'en raconte pas plus concernant ce court récit afin de ne pas vous dévoiler l'intrigue. Comme la plupart des œuvres de Jeanne Benameur, c'est un roman tissé sur des silences. Les mots y puisent leur force, et chacun d'entre eux, pesé, se leste du poids de la parole enfin advenue. J'aime beaucoup cette romancière qui construit une œuvre exigeante, loin des effets de battage médiatique… Et si ce récit n'est pas mon préféré de cette romancière, ce fut tout de même un très bon moment de lecture.
Extrait
Extrait
« Mira était une femme de l'air. Faite pour s'envoler. Depuis toute petite, Mira au cirque n'avait d'yeux que pour les trapèzes. Ce fut la plus extraordinaire trapéziste que le cirque connût. Seule. Toujours seule. Là-haut, elle avait réussi à devenir un souffle qui passe. Quand elle redescendait, elle n'avait plus de visage. Juste un corps. Mais elle n'habitait plus rien. Elle n'habitait plus sa peau. Arrêtée. Comme la montre d'Hesior : un désaccord. Vivant. »
À l'occasion de la sortie de son dernier roman paru chez Actes Sud, Les insurrections singulières, le mensuel Le Matricule des anges propose un dossier sur la romancière, également auteure des Demeurées et de Laver les ombres, livre que j'ai déjà chroniqué sur ce blog. Outre que l'on découvre dans ce numéro une partie de la biographie de l'écrivaine, il éclaire bien sûr les écrits… On y trouve également une interview passionnante de J. Benameur :
« La littérature est vraiment au cœur de ce qui peut nous faire bouger. C'est mon travail : faire que ce soit juste pour toucher la vraie question au cœur de celui qui lit. Et le faire réfléchir. Moi, je veux que le lecteur réfléchisse, pas qu'il s'apitoie. La déploration, ça m'ennuie. J'aurais pu en écrire des tonnes sur les ouvriers que j'ai rencontrés. Comme lorsque j'ai écrit Présent ? : pendant vingt-cinq ans, j'ai vu des mômes laminés par l'Éducation nationale, alors de la déploration il y aurait pu en avoir. Mais ce qui m'intéresse, c'est comment on s'en sort. ».
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